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En Immersion
Nous arrivons à l’aéroport sur les coups de 6h du matin, et nous énonçons aux différents contrôles, d’une seule voix, notre destination : Tshikapa, via Kananga. La première est le chef-lieu de la région du Kasaï ; la seconde est la capitale de la province du Kasaï central, ville peuplée de 2 millions d’habitants. Les noms de ces deux villes sont désormais profondément marqués du sceau de la violence, en raison du conflit qui a éclaté en août 2016 dans la province du Kasaï central, se propageant rapidement dans les six provinces de la région (Kasaï, Kasaï Central, Kasaï Oriental, Lomami, Sankuru et Lualaba).
Les populations civiles sont les premières victimes de ce conflit qui a embrasé la région. La crise prend ses racines en 2015, au sein d’une terre historique d’opposants, lors d’un contentieux entre le chef coutumier des Kamuina Nsapu, Jean-Pierre Mpandi et le gouvernement. Lorsque le 12 août 2016, Mpandi est assassiné dans son village, la région prend feu. Les miliciens des Kamuina Nsapu, de très jeunes hommes et femmes (40% auraient moins de 14 ans), ont commencé à parcourir la région pour attaquer les symboles du gouvernement de l’Etat à coups de machette. En face, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) les attendaient armes au poing. Prises en étau entre les deux groupes, les populations civiles ont payé le prix fort.
A l’aéroport, dans la salle d’attente pour le vol à destination de Kananga, hommes en arme, hommes d’affaires et travailleur.s.es humanitaires se croisent et se saluent froidement. Les premiers se sont déployés massivement sur le territoire du Kasaï depuis juin 2017 dans le but d’arrêter les milices par tous les moyens ; les seconds, implantés dans la région pour le commerce du diamant, ont vu leurs affaires perturbées par les conflits et espèrent le retour au calme ; tandis que les troisièmes, dont Action contre la Faim fait partie, ont considérablement renforcé leur action pour venir en aide aux populations touchées par les violences, notamment à Kananga et Tshikapa.
7h15, nous embarquons dans un petit avion appareillé par le service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS). A mes côtés, un homme congolais d’une quarantaine d’années porte une chemise aux imprimés colorés avec les acronymes des plus grosses agences de l’ONU. Une façon ingénieuse de porter de la visibilité – chose que chaque structure se doit de faire dans les terrains de conflits armés, comme un drapeau blanc brandi au milieu des canons.
A l’arrivée à Kananga, l’un de nos collègues nous quitte pour rejoindre la base d’Action contre la Faim implantée dans la ville. Cette base a des activités en santé et nutrition, en sécurité alimentaire et en eau, assainissement et hygiène. Notre équipe se dirige vers une nouvelle salle d’attente, où nous faisons escale en attendant l’avion qui nous emmènera à Tshikapa. Les deux villes ne sont pas si éloignées, à l’échelle du pays qui fait quatre fois la superficie de la France, mais le trajet en voiture peut prendre plusieurs jours en raison de l’impraticabilité des routes. Vers 11h, nous sommes appelés par petits groupes, nominativement : il y aura deux vols. En arrivant aux abords de l’avion, je comprends pourquoi. Il n’y a dans l’avion que huit places, en plus de celles réservées au pilote et à un stewart. Quand ceux-ci rejoignent le cockpit, je souris : la pilote est une femme, le stewart un homme. Le Congo offre aussi de bonnes surprises.
Le décollage est chaotique pour un si petit appareil, il tangue dans le ciel nuageux. L’heure qui nous amène à Tshikapa semble longue, mais le paysage qui défile sous nos yeux est fascinant. Impossible de décoller mon regard du hublot : à 20 000 pieds sous l’avion UNHAS, la forêt du bassin du Congo aspire les nuages. Poumon de l’Afrique, deuxième massif forestier tropical après la forêt amazonienne, elle couvre plus de deux millions de km2.
Je scrute le paysage : dans cette forêt, dans cette brousse, depuis août 2016, les populations se cachent. Dans ces villes et ces villages du Kasaï – petits points vus du haut du ciel – les maisons ont été brûlées, les habitants chassés ou massacrés, victimes arbitraires à la fois des milices, des luttes ethniques et des FARDC.
Nous plongeons maintenant vers cette étendue verte. Alors que l’avion amorce sa descente, un vertige me prend. Cela fait maintenant plus d’un an et demi que les populations du Kasaï sont en fuite, et on parle de 1,4 million de déplacés internes. Cette situation a renforcé l’insécurité alimentaire et la malnutrition préexistantes dans la région, et mis une pression économique et sociale forte sur les communautés d’accueil. Aujourd’hui, une recrudescence des tensions intercommunautaires s’ajoute aux conflits entre la FARDC et les Kamuina Nsapu. Plus que jamais, la présence des ONG est nécessaire. Pourtant, les fonds manquent pour apporter une assistance multisectorielle d’urgence. Tout à l’heure, à Tshikapa, nous irons dans la zone de santé de Kalonda Ouest, où Action contre la Faim intervient, et où le nombre d’admissions de jeunes enfants en situation de malnutrition aiguë sévère a explosé. Nous ne pourrons que constater l’énormité des besoins d’assistance humanitaire.
La pilote a le regard déterminé lorsque l’avion touche le sol de terre battue. Nous sommes arrivés à Tshikapa. Devant nous, comme une mauvaise blague, un grand panneau surplombe l’aéroport : celui-ci affiche « Joseph Kabila vous souhaite la bienvenue à Tshikapa ».
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