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RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (100)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

À la Une

République démocratique du Congo

Mbuji Mayi, la ville diamant a perdu de son éclat

Le manque d’accès à l’eau potable, des prix alimentaires prohibitifs liés à l’enclavement de la ville et à l’absence de production agricole locale ainsi que l’irrégularité des revenus ont entraîné des taux de malnutrition aiguë au-dessus des seuils d’alerte chez les familles congolaises. Depuis 2020, les équipes d’Action contre la Faim travaillent au côté des structures de santé locales pour prévenir et traiter cette maladie.

Vu du ciel, la géographie de la ville intrigue. Au sud, un ensemble de cercles concentriques entoure le club MIBA, un vestige de la période dorée de Mbuji Mayi. Cœur de l’entreprise du même nom, la Minière de Bakwanga, il abrite notamment une salle de spectacle encore utilisée et une piscine à l’abandon envahie de broussailles. De cet ancien centre névralgique partent des quartiers résidentiels. De grandes maisons entourées de jardins, qui préservent leur intimité, s’alignent au bord de routes parsemées de nids de poule. L’espace est tel qu’on pourrait loger une centaine d’habitations issues des zones moins favorisées de la périphérie de la ville.

Mais l’aspect de ces maisons luxueuses, conçues et mises à la disposition de ses cadres par l’entreprise MIBA, s’est dégradé au fil de la faillite de la société minière. Dans les années 80, la compagnie était le plus gros employeur de la zone en faisant vivre près de 40 000 personnes, employés et leurs proches. La MIBA participait à la vie de la cité, contribuant au développement sociétal et à la fourniture de services, en construisant et maintenant des hôpitaux, des écoles, des routes et en fournissant des maisons en dur à ses salariés. Mais depuis la crise financière de 2008 et une faillite en 2020 entraînant des temps de cessation d’activité, la société minière peine à relancer son exploitation, ce qui prive la majorité de la population de revenus réguliers et des services jusqu’alors fournis.

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (9)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Une équipe d'ACF en visite au CS Cité Bethel dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 15 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (101)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Des habitants de l'aire de santé Dinanga se rassemblent pour une démonstration culinaire donnée par ACF et PFP, son partenaire local, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 18 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (113)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Des enfants de l'aire de santé Dinanga se préparent à goûter la nourriture préparée lors de la démonstration culinaire donnée par ACF et PFP, son partenaire local, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 18 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (116)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Des enfants de l'aire de santé Dinanga se préparent à goûter la nourriture préparée lors de la démonstration culinaire donnée par ACF et PFP, son partenaire local, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 18 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (90)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Centre de santé de Grâce de l’éternel, aire de santé de Solola, zone de santé de Bonzola, Mbuji Mayi, République démocratique du Congo

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

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Peu de perspective d’emplois et pas d’agriculture

 

Désormais, dans cette ville où creuser fait partie de la vie, les creuseurs perpétuent leur savoir-faire de manière artisanale. Dans la zone de santé de Nzaba, au sud-ouest de la ville, 95% de la population pratique l’exploitation artisanale de diamant. Mal équipés et sans ressources techniques, ils ne peuvent concurrencer avec les engins de chantier et accéder aux filons inexploités. Les diamants se font rares et les conditions d’activités sont dangereuses. Chacun connaît une personne qui a été prise dans un éboulement de galerie avec une fin plus ou moins heureuse.

Dorcas a vu un jour revenir son mari estropié de la mine. Depuis, l’homme reste alité la majorité de la journée à cause des douleurs dans son dos et ses jambes. Ses jumeaux de sept mois contre sa poitrine, elle raconte son quotidien de mère de neuf enfants qui doit désormais seule trouver de quoi nourrir sa famille. “Moins de deux mois après la naissance de Kabongo et Mpongo, je suis partie porter les sacs de gravier à la rivière. On me payait 200F pour un sac de sable. Il fallait que je transporte au moins 10 sacs pour avoir au moins un 2000F. Mais même avec 2000F, c’était insuffisant pour nourrir toute la famille.”

Kabongo, l’un des jumeaux de Dorcas est atteint de malnutrition aiguë sévère. Il est pris en charge à l’unité nutritionnelle thérapeutique ambulatoire du centre de santé de Grâce de l’Eternel, l’un des trente-quatre centres de santé soutenus par Action contre la Faim. Pour Alex Muamba Tshihemba, l’infirmier titulaire responsable du lieu, les causes de la malnutrition sont multiples, “d’abord la pauvreté, puis les maladies qui affectent les enfants comme la rougeole et aussi il y a un problème dans notre communauté. Plus ou moins 90% des jeunes sont creuseurs et actuellement le diamant n’est plus vraiment sur le terrain, c’est pour cette raison là qu’il y a beaucoup d’enfants malnutris. Les creuseurs ne font pas l’agriculture donc les aliments de première nécessité, les aliments de base chez nous ici comme le maïs se sont faits rares. D’un côté les creuseurs n’ont rien comme argent et de l’autre côté l’alimentation manque.

Malgré les risques et l’incertitude, les creuseurs s’accrochent à ce mode de vie faute d’alternatives en termes d’emplois. “Je préfèrerais que mes enfants ne soient pas creuseurs, soupire Dorcas, qu’ils aient un autre travail. Être creuseur c’est une souffrance, comme l’exemple de leur papa. Alors qu’il a beaucoup étudié, il n’a pas trouvé de travail après ses études.” Pour les familles, le quotidien alterne entre jours creux où les assiettes demeurent vides et jours fastes. L’abondance est éphémère et réservée à quelques chanceux obstinés, la disette est la norme mais chaque trouvaille réveille l’espoir d’une folle réussite qui permettrait de mettre les siens à l’abri du besoin.

 

 

Pauvreté et hausse des prix paupérisent les familles

 

Bien que Mbuji Mayi soit la troisième agglomération du pays, dans cette ville enclavée, les besoins sont criants. Sans cultures agricoles, elle est dépendante des provinces voisines pour ses denrées. Les routes qui l’entourent sont en mauvais état, le chemin de fer toujours en activité s’arrête à des kilomètres plus loin. L’aéroport est en instance d’agrandissement. Sur le tarmac, les panneaux de remerciements au Président Félix Tshisekedi – natif de la province – côtoient les images de la maquette du nouvel aéroport. Sur les banderoles, le début des travaux est annoncé pour novembre 2021. Dans l’enceinte, seuls deux engins de chantier remuent la poussière rougeâtre du sol, préparant une future piste. Ici on espère que ces travaux permettront d’ouvrir un peu plus Mbuji Mayi aux investisseurs mais aussi de faciliter le commerce.

En effet, la majorité des produits du quotidien et alimentaires arrivant par la voie aérienne ou par la route ont des prix élevés dus aux coûts de transport et la hausse récente du prix des carburants. Ces facteurs ont entraîné une hausse des prix substantielle. Sur le marché, la mesurette de maïs se vend désormais à 3500 francs congolais (FC) voire 4000 FC au lieu des 2500 FC. C’est, avec la farine de manioc, l’aliment de base des habitants de Mbuji Mayi. Un repas n’est pas considéré comme complet sans le foufou de maïs, cette boule blanche de la taille d’un poing réalisée en déversant la farine dans de l’eau bouillante jusqu’à l’obtention d’une préparation compacte. Le manioc y est parfois mélangé ou consommé seul, sous forme de pâte fermentée cuite dans des feuilles. Calant l’estomac et apaisant la faim, ces aliments ne permettent pourtant pas de combler les besoins nutritionnels des personnes.

Le prix de l’eau a également augmenté, un bidon de 20 litres qui se vendait autour des 200 francs congolais atteint désormais les 1000 voire 1500 FC. En cette fin de saison sèche, la ville est en carence, son réseau d’eau est coupé. En cause des coupures d’électricité, or sans électricité il est impossible de tirer le précieux liquide de la source et d’approvisionner l’ensemble du réseau. Il faut alors remplir les bidons aux bornes fontaines qui fonctionnent encore dans la ville ou à la périphérie. Les mayis, ces vélos transformés qui portent des bidons d’eau, sillonnent les routes. Principalement menés par des enfants, ils revendent l’eau collectée aux familles qui ne peuvent se déplacer, avec le risque d’utiliser des contenants mal désinfectés qui peuvent contaminer l’eau.

Alors même qu’une épidémie de choléra s’est déclarée mi-août, l’accès difficile à l’eau potable entraîne le risque de maladies hydriques au potentiel mortel. C’est le cas des diarrhées pouvant conduire à la malnutrition aiguë sévère chez les enfants de moins de cinq ans. Fin août, le gouvernement central offrait 20 000 litres de carburant à la société de gestion de l’eau pour faire fonctionner son réseau mais ce montant ne permettra un approvisionnement que de quinze jours. A Mbuji Mayi, les carences en eau et en électricité sont redondantes et chacune des coupures met en lumière la dépendance de la ville au carburant et au soutien des provinces limitrophes ainsi que la fragilité de ses infrastructures essentielles.

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (96)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Julie Tshibuabua, mère de Nkongolu Muyombo, garçon de 2 ans et 1 mois qui a été traité avec le protocole de dose réduite, interview filmée CF ok, l’enfant a été déchargé il y a 6 mois. Eframas / Centre de santé de Njila Wa Moyo, aire de santé de Tarmac II, Mbuji Mayi, République Démocratique du Congo

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (82)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Dorcas Mbalayi mère des jumeaux Kabongo et Mpongo de 7 mois. Seul Kabongo est malnutri, enfant à droite. UNTA Centre de santé de Grâce de l’éternel, aire de santé de Solola, zone de santé de Bonzola, Mbuji Mayi, République démocratique du Congo. Interview filmé, CT ok fiche médicale ok. L’intégralité de la vidéo n’est pas utilisable car nudité. Centre de santé de Grâce de l’éternel, aire de santé de Solola, zone de santé de Bonzola, Mbuji Mayi, République démocratique du Congo

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RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (25)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Des enfants jouent devant la maison de Clément Tshibangu, motard partenaire d'ACF pour les références médicales, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 16 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

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Répondre aux urgences nutritionnelles en soutenant les structures de santé

 

La baisse des revenus suite à la chute de l’exploitation minière, le difficile accès à l’eau et à l’hygiène, la cherté des aliments, ont entraîné une dégradation des conditions de vie et de santé des communautés de Mbuji Mayi notamment en termes de sous-nutrition. La République démocratique du Congo, où 45% des décès des enfants de moins de cinq ans sont liés directement ou indirectement à la malnutrition, est équipée d’un système de surveillance nutritionnelle. Dans chaque zone de santé du pays, deux ou trois centres de santé, des sites sentinelles, partagent leurs données d’admission au Pronanut. Cet organisme congolais édite ensuite un bulletin trimestriel, le SNSAP, qui définit les zones en alerte.

En 2020, suite à une de ces alertes, les équipes d’urgence nutritionnelle d’Action contre la Faim sont intervenues à Mbuji Mayi pour une réponse d’urgence de six mois. D’après notre enquête, 17,9% des enfants de moins de cinq ans auscultés souffraient de malnutrition aiguë et 6,9% de malnutrition aiguë sévère. Face à l’ampleur des besoins, la décision fut prise de continuer au-delà des six mois avec une intervention de plus longue durée pour soutenir les centres de santé locaux et la population dans sa lutte contre la malnutrition aiguë sévère dans le cadre du projet Programme d’Urgence Nutritionnelle par Coalition Humanitaire (PUNCH) financé par FCDO.

Une première étape fût de réhabiliter ou construire des équipements en eau, hygiène et assainissement des centres de santé comme les latrines, douches, impluvium, fosse à déchets et incinérateur. Puis les équipes ont doté ces structures en matériel médical et formé les personnels de santé à la détection et la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère.

Aujourd’hui ce sont 34 centres de santé et deux hôpitaux généraux de référence, l’hôpital de Bonzola et celui de Tudikolela, qui dispensent des soins gratuitement aux enfants de moins de cinq ans et aux femmes enceintes et allaitantes des zones de santé de Nzaba et Bonzola. La gratuité des prises en charge de la malnutrition aiguë sévère, des maladies de l’enfance, de la santé sexuelle et reproductive a permis aux populations vulnérables de Mbuji Mayi d’accéder aux soins que leurs revenus n’auraient pas pu assumer.

Pour le mois de juillet, 999 enfants malnutris aiguë sévère ont été pris en charge gratuitement et 7380 enfants ont suivi des consultations médicales liées aux maladies de l’enfance et reçus des soins gratuits. 5500 femmes enceintes sont venues pour la consultation prénatale, 1400 femmes ont accouché, et 1412 femmes ont eu recours aux services de planification familiale.

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (11)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Vue d'ensemble du HGR Tudikolela, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 16 août 2022.

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RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (6)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Panneau du projet d'ACF au CS Cité Bethel dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 15 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (7)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Latrines construites dans le cadre du projet d'ACF au CS Cité Bethel dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 15 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

RDC - Nut&Health - 2022 - Alexis Huguet (12)-min © Alexis Huguet pour Action contre la Faim

Réservoirs d'eau construits dans le cadre du projet d'ACF à l'UNTI du HGR Tudikolela, dans la périphérie de Mbuji-Mayi, le 16 août 2022.

© Alexis Huguet pour Action contre la Faim

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Construire le futur avec des partenaires locaux

 

Ces activités sont possibles grâce aux partenariats noués avec les services de santé locaux mais aussi les associations. Parmi ces structures, l’association Promotion de la Femme Paysanne dont les membres ont été formées par Action contre la Faim pour sensibiliser et organiser des démonstrations culinaires.

Comme le souligne Démagoré Gnamou, Responsable du Programme Nutrition Santé à Mbuji Mayi, “Nous sommes là pour traiter l’urgence, c’est-à-dire pour traiter le mal qui est là, mais en même temps il faut aussi penser à l’avenir. Il faut toujours travailler avec des partenaires, de sorte qu’on les outille à prendre le relais après nous. Ces associations vont pouvoir maintenir ces activités et continuer à prévenir la malnutrition dans la zone de Mbuji Mayi.

Pour Mbuji Mayi, la ville où le diamant se fait rare, l’enjeu est désormais de réfléchir à de nouvelles manières d’assurer la subsistance de ses habitants en développant d’autres sources de revenus. Pour Action contre la Faim et les organisations humanitaires, si les taux de malnutrition évoquent une urgence chronique il faut dès à présent construire des projets afin d’aider les populations vulnérables à sortir du cercle vicieux engendré par la pauvreté et la sous-nutrition. “Il faut qu’on arrive à aider les parents à avoir des activités génératrices de revenus, pour pouvoir se relever de la crise. Il faut après avoir traité la maladie que les parents soient à même de nourrir leurs enfants, de nourrir leurs femmes enceintes et allaitantes ” conclut Démagoré.

Suite à une enquête nutritionnelle réalisée fin 2022 à Bonzola et Nzaba, Action contre la Faim s’est désormais retirée de la zone de Bonzola qui montrait une évolution positive et continue son intervention en nutrition et santé dans la zone de Nzaba. Nos équipes couvrent dorénavant la zone de Muya. Par manque de financement, les activités en santé de la reproduction ne peuvent plus être assurées mais les thèmes sont abordés en sensibilisation par les relais communautaires afin de continuer à informer et accompagner les personnes. L’an dernier, la réponse en République Démocratique du Congo avait été seulement financée à 51% des besoins.

 

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