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À la Une
Lors de débats sur les politiques agricoles, sur les systèmes de production ou encore sur le commerce international, on aborde souvent le concept de souveraineté alimentaire. Avec parfois quelques contre-sens, de nombreux acteurs brandissent l’impératif de souveraineté alimentaire dans les débats nationaux, européens ou durant différents sommets au niveau mondial.
Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ? Nous revenons sur l’historique du concept, son utilisation par les organisations paysannes et les organisations de la société civile.
Issue des mouvements paysans, tels que la Via Campesina, la souveraineté alimentaire est reconnue et définie en droit international par la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). La souveraineté alimentaire c’est avant tout le droit des populations de définir leurs systèmes alimentaires et agricoles sans nuire à la souveraineté alimentaire et au droit à l’alimentation des pays tiers. Les paysan.e.s et les citoyen.e.s ont ‘le droit de participer aux processus décisionnels concernant la politique alimentaire et agricole et le droit à une nourriture saine et suffisante produite par des méthodes écologiques et durables respectueuses de leur culture’ (article 15.4).
Cette notion est issue de réflexions sur la faim qui ont beaucoup évolué depuis les années 70 et qui se sont formalisées à travers différents concepts.
En 1974, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) définit pour la première fois le concept de sécurité alimentaire. La disponibilité de l’alimentation est au cœur de cette définition et va ainsi justifier une libéralisation des échanges agricoles et alimentaires. Les externalités négatives écologiques et socio-économiques qui en résultent ne sont pas prises en compte. Après plusieurs évolutions et ajouts, la FAO précise en 2001 que « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (SOFI 2001).
La sécurité alimentaire et nutritionnelle existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture saine dont la quantité consommée et la qualité sont suffisantes pour satisfaire les besoins énergétiques et les préférences alimentaires des personnes, et dont les bienfaits sont renforcés par un environnement dans lequel l’assainissement, les services de santé et les pratiques de soins sont adéquats, le tout permettant une vie saine et active.
La sécurité alimentaire compte 6 dimensions : la disponibilité, l’accès, l’utilisation (absorption nutritionnelle) et la stabilité (constance des trois autres dimensions). Depuis quelques années, l’agencéité et la durabilité complètent ces dimensions de la sécurité alimentaire.
La durabilité fait référence aux pratiques des systèmes alimentaires qui contribuent à la régénération à long terme des systèmes naturels, sociaux et économiques, garantissant que les besoins alimentaires des générations actuelles soiet satisfaits sans compromettre les besoins alimentaires des générations futures.
L’agencéité se réfère à la capacité des individus et des groupes d’avoir un certain contrôle sur leur propre situation et d’apporter une contribution significative à des politiques qui les concernent. C’est un aspect important de la lutte contre les inégalités croissantes au sein des systèmes alimentaires, y compris contre les déséquilibres de pouvoir entre les acteurs de ces systèmes. L’agencéité est importante à la fois au niveau de l’individu et de la communauté. Et nous rapprochent de l’idée de « citoyen.e.s alimentaires » actifs plutôt que de consommateur.trice.s passif.ve.s.
En parallèle des réflexions de la FAO, la société civile, et les mouvements paysans en particulier, ont avancé leur propre réflexion sur ces sujets. L’enjeu était notamment de re-politiser le débat, et ne pas considérer la faim sous le seul prisme de la disponibilité ou de l’accessibilité des aliments. En 1996, la Via Campesina parle pour la première fois de souveraineté alimentaire, en marge du Sommet Mondial de l’alimentation. Elle souligne la responsabilité de la libéralisation du commerce dans la globalisation de la pauvreté et de la faim. En 2018, avec l’adoption de l’UNDROP, le droit international entérine la définition de la souveraineté alimentaire. Ce concept et sa définition sont donc reconnus en droit international.
La souveraineté alimentaire s’inscrit profondément dans les droits humains, notamment le droit à l’alimentation et droit de participer aux décisions, autant pour les citoyen.ne.s que pour les producteur.ice.s alimentaires.
La souveraineté alimentaire implique également une solidarité entre les Etats : la souveraineté alimentaire d’un Etat, à travers ses politiques agricoles, alimentaires et commerciales, ne saurait mettre en danger la souveraineté alimentaire d’Etats tiers. Il est ainsi fondamental de considérer la question des échanges internationaux. Le respect des cultures et les modes de productions respectueux de l’environnement sont essentiels dans la notion de souveraineté alimentaire.
Lorsqu’un pays exerce une concurrence déloyale envers d’autres territoires en y déversant des surplus de production agricole à bas prix, cela est profondément incompatible avec la vision de la souveraineté alimentaire de l’ONU. Cela arrive fréquemment car les productions des pays du Nord, en partie dédiées à l’export, sont fortement subventionnées, et peuvent donc être vendues à un prix qui ne reflète pas la réalité des coûts de production. Une fois sur les marchés de pays étrangers, ces exportations viennent déstabiliser les filières locales, au détriment d’une production locale pour une consommation locale.
Un exemple parlant est celui de la déstabilisation du marché du lait local en Afrique de l’Ouest. La production laitière européenne, très subventionnée, produit des surplus sous forme de poudre de lait écrémé. Reconditionnée sur place (avec une perte de qualité nutritionnelle dans la mesure où la poudre de lait écrémée est enrichie à l’huile de palme), cette poudre est vendue à bas coût et vient concurrencer le lait local produit par les éleveur.euse.s ouest-africain.e.s, qui ont des difficultés à vendre. Cette concurrence déloyale menace la capacité à se nourrir et les moyens d’existence des éleveur.euse.s pastoralistes. Le lait n’est qu’un exemple parmi d’autres, les surplus agricoles exportés par les systèmes agricoles du nord sont de basse qualité, déstabilisent les marchés locaux, et ce système ne permet pas pour autant aux agriculteurs du Nord de gagner leur vie dignement. On est loin d’une stratégie de souveraineté alimentaire.
La plupart des politiques agricoles se concentrent à tort uniquement sur les capacités productives d’un pays. Il y a souvent confusion entre le concept de souveraineté alimentaire et l’autosuffisance alimentaire, autrement dit la couverture des besoins alimentaires d’une population par la production sur son territoire. Il y a aussi des raccourcis faits entre souveraineté alimentaire et le fait qu’un pays ait une balance commerciale positive, c’est-à-dire qu’il exporte davantage de denrées alimentaires qu’il n’en importe. Ces deux cas sont très réducteurs du concept de souveraineté alimentaire.
Pour atteindre la souveraineté alimentaire, il est essentiel d’avoir une stratégie à l’échelle des systèmes alimentaires, intégrant tous les maillons des filières et renforçant les droits des paysans et autres personnes travaillant en zone rurale. Surtout, la souveraineté alimentaire ne peut pas être considérée séparément du droit à l’alimentation. La souveraineté alimentaire, c’est produire en vue de contribuer à la réalisation du droit à l’alimentation pour tou.te.s. Il est donc essentiel de bien connecter les politiques publiques agricoles et alimentaires, dans toute stratégie de souveraineté alimentaire.
En France par exemple, l’ONU recommande d’adopter une loi cadre pour le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire en France. La France devrait élaborer, en concertation avec tous les acteurs concernés, une stratégie pour la souveraineté alimentaire, impliquant tous les maillons des systèmes alimentaires, sans oublier les citoyen.ne.s ou mangeurs.euses et la nécessité de réaliser le droit à l’alimentation.
A travers le concept de souveraineté alimentaire, c’est une vision politique des systèmes alimentaires qui se dessine. L’agroécologie paysanne est au cœur de cette vision.
Rappelons que c’est l’agriculture familiale qui nourrit le monde en grande majorité. Ce sont donc les paysans et paysannes qui contribuent à la souveraineté alimentaire d’un pays. Les organisations paysannes plébiscitent l’agroécologie comme mode de production, avec des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, notamment basés sur les savoirs et savoir-faire paysans locaux. L’agroécologie est aussi un mouvement politique et une vision des systèmes alimentaires basée sur la justice économique, l’indépendance et les droits des paysan.ne.s, la solidarité et la coopération. Par exemple, en tant que mouvement social, elle intègre la lutte contre les accaparements de terres, des accaparements qui nuisent à la souveraineté alimentaire.
L’agroécologie paysanne permet de répondre à la fois aux besoins de résilience et de durabilité des systèmes alimentaires.
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