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CHA - Context - 2024 - Inès Olhagaray-min © Inès Olhagaray pour Action contre la faim

À la Une

Soudan

Le tourbillon infini des crises de déplacement en Afrique

Nyibol Mathiang Deng était enceinte de six mois lorsque Muglad, le village soudanais où elle vivait, a été pris d’assaut par un groupe d’hommes armés. Elle s’est cachée avec sa fille, pensant que les autres membres de sa famille avaient été abattus. Peu de temps après, elles ont entrepris un périple de quatre jours en voiture, à moto et à pied, bravant des terrains dangereux sous une chaleur accablante. Lorsqu’elles sont enfin arrivées à Majok, au Soudan du Sud, elles ont été soulagées d’y retrouver le reste de leur famille. Mais leur avenir restait incertain. 

Nyibol n’est pas la seule à avoir vécu ce calvaire. Il s’agit d’une tendance qui s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus large et dont les répercussions se font sentir sur l’ensemble du continent Africain. 

 

AAH_SSD24_day6_44474 (2)-min © Peter Caton pour Action contre la faim

Nyibol était enceinte de 6 mois lorsqu’elle a fui vers le Soudan du Sud

AAH_SSD24_day7_45096 (2)-min © Peter Caton pour Action contre la faim

Nyibol était enceinte de 6 mois lorsqu’elle a fui vers le Soudan du Sud.

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Le tourbillon de l’Afrique 

 

En Afrique centrale, des millions de personnes se sont retrouvées piégées dans un cycle continu de déplacements en raison des conflits, du changement climatique et de la pauvreté. Par exemple, Global Voices a indiqué que la sécheresse en Somalie avait déplacé des milliers de personnes vers le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya. Qu’il s’agisse de déplacements forcés ou d’une migration volontaire, de nombreuses personnes traversent les frontières en quête de sécurité et d’opportunités, mais elles trouvent souvent des conditions tout aussi désastreuses, voire pires, de l’autre côté. La région est devenue un tourbillon infini de migration et d’adversité. 

Pour simplifier cette situation complexe, dites-vous qu’en quelques années, on estime que plus de 100 000 personnes ont quitté le Tchad pour le Soudan. Beaucoup ont eu du mal à trouver un emploi. Puis, le conflit armé au Soudan a créé une grave crise humanitaire et ce qui pourrait bien être la pire crise de la faim au monde. Les organisations humanitaires tentent de soulager ces souffrances, mais les ressources sont trop dispersées. Il n’est donc pas surprenant que depuis le début du conflit actuel en avril 2023, plus de 821 300 personnes du Soudan aient cherché refuge au Soudan du Sud. 

Cependant, le Soudan du Sud fait face à ses propres défis, notamment un conflit, de graves inondations et une insécurité alimentaire qui ont entraîné le déplacement de millions de personnes. Fin 2023, les conditions de vie au Soudan du Sud avaient fait environ 2 millions de déplacés internes et 2,3 millions de réfugiés dans des pays voisins. Certaines des personnes ayant quitté le Soudan du Sud se sont rendues en République démocratique du Congo (RDC). 

Cependant, en RDC, les affrontements entre militaires et insurgés ont engendré insécurité, faim et crise de santé mentale. Des dizaines de milliers de personnes ont donc quitté la RDC pour d’autres pays, comme la République centrafricaine. Malheureusement, des chocs similaires en République centrafricaine ont provoqué le déplacement de millions de personnes, dont beaucoup ne peuvent pas subvenir à des besoins essentiels tels que la nourriture, l’eau et un abri. En conséquence, de nombreuses personnes ont quitté la République centrafricaine pour le Tchad. Et le cycle continue. 

 

Un réseau complexe de déplacements 

 

Un tourbillon n’est pas une simple boucle. C’est un réseau complexe de mouvements multidirectionnels. Tous les flux migratoires n’ont pas la même ampleur et n’ont pas lieu au même moment. Par exemple, le flux de migrants du Tchad vers le Soudan s’est complètement inversé, tandis que le conflit au Soudan s’est transformé en catastrophe humanitaire. Aujourd’hui, on estime que le Tchad accueille un million de réfugiés du Soudan, soit une personne sur 17 dans le pays. 

Le rapatriement joue également un rôle. Par exemple, pendant la guerre au Soudan du Sud, de nombreuses familles sont parties pour le Soudan, qui était alors relativement stable et offrait même quelques opportunités économiques, principalement dans l’agriculture et la main d’œuvre. Puis, lorsque le conflit a éclaté au Soudan, près de 600 000 Sud-Soudanais sont retournés dans leur pays. Parmi eux, il y avait des enfants qui n’avaient encore jamais mis les pieds au Soudan du Sud, où ils n’avaient aucune famille pour les protéger et subvenir à leurs besoins. 

Ces rapatriés, ainsi que les réfugiés soudanais, mettent à rude épreuve des services de base déjà surchargés, ce qui risque d’engendrer de nouveaux conflits. Et la réponse de la communauté internationale n’a pas été à la hauteur. L’ampleur de cette crise est alarmante : on estime qu’elle touche actuellement 45 millions de personnes, une augmentation de 14 %. 

Même si des milliers de personnes quittent un pays donné, des milliers d’autres pourraient y migrer. Et un nombre encore plus important de personnes sont déplacées à l’intérieur de leurs propres frontières, mais ne peuvent pas rentrer chez elles. Certaines personnes se déplacent en continu, qu’elles soient déplacées à l’intérieur de leur pays ou qu’elles en rejoignent d’autres en tant que migrants ou réfugiés. C’est presque comme si les frontières avaient été effacées. 

 

CHA - Context - 2024 - Inès Olhagaray-min © Inès Olhagaray pour Action contre la faim

Aujourd'hui, le Tchad abrite environ 1 million de réfugiés d'origine soudanaise.

Un cycle en entraîne un autre

 

Ces déplacements continus sont entraînés par d’autres cycles, tous liés les uns aux autres. La crise climatique est devenue une crise de la faim. Dans la Corne de l’Afrique, plus de 36 millions de personnes ont été affectées par les sécheresses, qui ont diminué la production agricole et provoqué des pénuries alimentaires. À mesure que le changement climatique s’aggrave, les conflits s’aggravent également, ce qui ne fait qu’empirer la situation. Comme indiqué dans la résolution 2417 du Conseil de sécurité de l’ONU, la faim est trop souvent utilisée en tant qu’arme de guerre. Malgré cette résolution, nous assistons à un cercle vicieux dans lequel les conflits engendrent la faim et la faim engendre des conflits. 

Ce cycle sans fin révèle des failles profondes dans le système qui rendent les personnes les plus marginalisées au monde encore plus vulnérables. 

 

Ouvrir la porte aux opportunités 

 

Les recherches ont montré à maintes reprises que les nouveaux arrivés, notamment les immigrés et les réfugiés, peuvent bénéficier à leurs communautés d’accueil, y compris économiquement dans les pays à revenu faible et moyen. Cependant, si l’immigration n’est pas bien gérée, elle peut mettre à rude épreuve les ressources locales à court terme. Heureusement, il existe des modèles efficaces pour relever ces défis, et l’Ouganda pourrait devenir un exemple à suivre pour le reste du monde. 

L’Ouganda accueille environ 1,7 million de réfugiés en provenance de plus de 10 pays. Son cadre complet, le Plan de réponse aux besoins des réfugiés en Ouganda, se concentre sur le renforcement de l’accès aux services publics, l’amélioration de l’autonomie et la promotion de l’intégration aux communautés d’accueil. Ce cadre appelle également à un soutien accru de la part des acteurs du développement pour renforcer les systèmes gouvernementaux. Les organisations à but non lucratif comme Action contre la Faim jouent également un rôle important. Action contre la Faim a aidé d’innombrables familles cherchant refuge en Ouganda, par exemple, à s’intégrer à leurs nouvelles communautés. Par exemple, en offrant une formation agricole aux familles pour qu’elles puissent cultiver leurs propres aliments, une formation professionnelle et des stages pour les jeunes et des ateliers d’éducation financière, entre autres. Cependant, les ressources sont limitées. 

 

La communauté mondiale doit de toute urgence augmenter les fonds réservés à l’aide humanitaire et investir dans des programmes pouvant freiner les déplacements, tels que l’agriculture intelligente face au climat. En 2023, les pays confrontés à des niveaux de faim de crise ou pire n’ont reçu que 35 % du financement demandé pour des programmes liés à la faim. En d’autres termes, le déficit de financement de la lutte contre la faim oscille autour de 65 %. Cette situation devrait inquiéter quiconque souhaite vivre dans un monde juste et pacifique. 

Heureusement, le voyage de Nyibol l’a menée à un endroit où elle a pu repartir de zéro. Elle et sa famille vivent désormais à Kuajok, au Soudan du Sud, grâce à l’aide d’organisations humanitaires, et elle espère pouvoir recommencer à cultiver dès l’arrivée des pluies. Malgré les difficultés qu’elle rencontre pour reconstruire sa vie, Nyibol est déterminée et fait preuve d’énormément de courage. Mais sans un changement au niveau du système et un financement suffisant, des millions de personnes comme Nyibol resteront coincées dans le tourbillon infini des déplacements. 

 

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