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À la Une
Un mois après l’invasion des forces russes en Ukraine plus de 10 millions de personnes ont fui les combats et les bombardements dont plus de 3,8 millions à l’extérieur du pays. Selon l’ONU, si la guerre continue, environ 18 millions d’Ukrainiens seront affectés sur le plan humanitaire, à la fois en Ukraine et dans les pays voisins.
Dès le 1er mars, les équipes d’urgence d’Action contre la Faim se sont déployées en Ukraine et dans les pays frontaliers pour évaluer les besoins d’une crise hors normes à bien des égards. L’intensité des bombardements et des combats dans l’Est de l’Ukraine créent des besoins énormes et rendent particulièrement difficile l’accès aux équipes de secours aux zones les plus touchées. A plusieurs reprises ont été reportées des violations du Droit International Humanitaire. L’Ouest de l’Ukraine est devenue une zone refuge pour beaucoup de personnes déplacées mais cela a créé une forte pression sur les ressources locales en eau, nourriture, soins de santé, etc. Dans les pays frontaliers, le conflit a provoqué un afflux massif de réfugiés mais aussi un incroyable élan de solidarité.
A ce jour, nous considérons trois grandes zones d’intervention qui répondent chacune à des enjeux opérationnels spécifiques : les pays frontaliers, les parties Ouest et Est de l’Ukraine. A cela s’ajoutent des points d’attention importants sur nos autres pays d’intervention, ailleurs dans le monde, qui sont impactés indirectement par les conséquences de ce conflit.
Les pays frontaliers de l’Ukraine ont vu en quelques semaines un nombre important de réfugiés affluer à leurs frontières. 3,8 millions d’Ukrainiens ont fui à l’étranger dont plus de 2.2 millions via la Pologne et plus de 500 000 via la Roumanie. La plupart sont des femmes, des enfants et des personnes âgées qui passent rapidement la frontière avant de continuer leur route vers un pays européen où les attendent des proches ou des contacts.
Très rapidement un élan de solidarité citoyen incroyable venant de toute l’Europe s’est mis en place aux frontières pour leur venir en aide, mais il est difficile de prédire combien de temps il va durer. En parallèle, les autorités locales en charge des sites d’accueil réclament de l’aide car ils sont débordés ou n’ont pas les connaissances techniques suffisantes pour gérer sur un site des flux de plusieurs dizaines de milliers de personnes par jour. Flux qui nécessitent une organisation spécifique afin de pouvoir assurer un accès adéquat à l’eau et à l’hygiène avec des points d’eau et des sanitaires fonctionnels. Forte de son expertise construite au cours de ces quarante dernières années de réponse à des crises humanitaires majeures, Action contre la Faim est en mesure d’apporter son expérience et des solutions aux autorités locales en termes de gestion de sites de personnes déplacées.
De plus, l’afflux de dons en nature, notamment de nourriture, qui arrive de manière massive et non coordonnée pose des questions importantes relatives à la conservation et à la qualité nutritionnelle de ce qui peut être proposé à des populations avec besoins spécifiques (enfants moins de de 5 ans, femmes enceintes ou allaitantes…) ou déjà fortement affaiblies par des jours de voyage dans des conditions parfois difficiles. Là aussi, de par son expertise dans la lutte contre la faim dans le monde, Action contre la Faim peut apporter un support aux autorités et acteurs déjà présents sur place.
Enfin, l’impact psychologique de la guerre sur les populations n’est pas à négliger. Les équipes sur le terrain relate énormément de situations de détresse psychologique due à l’exposition directe ou
indirecte au conflit ou liées à la perte de proches disparus ou restés au pays. Dans ce cas, l’expertise d’Action contre la Faim en soin de santé mentale et accompagnement psychosocial développée sur les terrains de conflits à travers le monde se révèlera sans doute déterminante dans les jours et semaines à venir.
Les équipes d’Action contre la Faim analysent tous ces besoins pour les quantifier et travaillent avec les autorités et les partenaires locaux pour déployer des activités dites de « quick impact ». Ces activités, menées pour le moment de manière sporadique et localisée, visent à apporter une aide immédiatement utilisable en eau, nourriture, hygiène et permettent d’échanger concrètement avec les partenaires locaux pour structurer l’aide dans le temps et identifier les secteurs où Action contre la Faim a une plus-value (gestion de sites, de dons, renforcement de l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement, soins de santé mentale, etc.). C’est ainsi que le 23 mars dernier, les équipes d’Action contre la Faim en Pologne, ont distribué plusieurs centaines de kits alimentaires à la mairie de Przemysl. Le 25 mars, elles ont également fourni des produits d’hygiène au centre de transit de Korzcowa.
Il y a également beaucoup d’enjeux pour structurer localement cette action dans le temps en recrutant du personnel, louant du matériel et établissant notre existence juridique et administrative. A ce titre, le fait d’agir au sein de l’Union Européenne est une différence significative par rapport à d’autres terrains d’intervention. Les règles ne sont pas identiques entre la Roumanie et la Pologne et l’échelon européen ajoute un niveau de complexité juridique important dans les démarches administratives nécessaires pour travailler en toute légalité dans ces pays.
Les populations de l’Est de l’Ukraine se sont très fortement déplacées vers l’Ouest du pays et les villes de Lviv, Ivano-Frankivsk et Chernivtsi. Certaines de ces villes ont vu leurs populations multipliées par quatre. C’est le cas de Chernivtsi, principale ville de transit pour les personnes fuyant vers la Roumanie, dont la population est passée de 260 000 à plus d’un million d’habitants en seulement quelques semaines. Cela engendre une pression importante sur les ressources existantes et des services essentiels comme l’accès à eau, à la nourriture, au système de santé, etc.
Dans cette partie Ouest du pays, Action contre la Faim agit sur le même mode opératoire que dans les pays frontaliers en évaluant les besoins et en s’appuyant sur des acteurs locaux. Les équipes humanitaires peuvent agir relativement facilement car les autorités administratives et politiques sont encore en place dans cette partie ouest du pays. Cela permet d’être présent et de parler aux acteurs locaux pour se réinstaller légalement dans le pays, sachant que les équipes d’Action contre la Faim avaient quitté l’Ukraine fin 2018 – début 2019.
L’idée ici n’est pas de se substituer aux acteurs existants mais de renforcer leurs capacités sur la base de notre expertise. Beaucoup font face à de multiples défis concernant l’augmentation du volume de leurs activités face à la hausse des besoins. Les organisations locales ont également des incertitudes sur la capacité de leurs équipes à faire ce travail dans la durée car certains membres de ces structures locales pourraient eux-mêmes être en partance si leurs conditions de vie venaient à se dégrader fortement.
Une équipe exploratoire a également finalisé le 31 mars dernier une évaluation des besoins dans l’Est du pays et notamment la ville de Dnipro encore relativement accessible et épargnée par les bombardements. Pour se rendre dans cette partie du pays où se concentre aujourd’hui l’essentiel des combats et des bombardements, il y a tout un travail de networking invisible, qui ne produit rien de concret dans l’immédiat, mais qui est indispensable pour garantir la sécurité des équipes et assurer les capacités d’être opérationnel sur place dans la durée et de manière qualitative. Cette évaluation a confirmé et permis de préciser des besoins très importants en santé, nourriture, eau, soutien psychosocial et a également permis d’affiner les modalités d’accès et d’intervention dans les zones de conflit.
On estime que plus de 12 millions de personnes sont toujours bloquées dans les zones touchées par les combats et les bombardements, incapables de partir en raison des affrontements en cours, de la destruction des ponts et des routes, et du manque de ressources et d’informations sur les endroits où trouver refuge. Ces personnes comptent parmi les plus vulnérables d’Ukraine car directement exposées à la violence de la guerre et presque totalement coupées des produits de base comme la nourriture, l’eau, les médicaments, etc.
Le déploiement de l’aide est ralenti par les conditions de travail particulièrement difficiles pour les équipes soumises au couvre-feu locaux et qui passent de nombreuses heures dans des bunkers pour se mettre à l’abri des bombardements et des combats. Cela entrave le travail et notamment les rendez-vous chez nos partenaires et la mise en place de toute la structure de fonctionnement d’une mission (identification des besoins, location de matériel, recrutement, etc.). Cela ajoute également beaucoup de stress pour les équipes qui font des rotations régulières ce qui demande à l’association de mobiliser un important volume de ressources humaines expérimentées sur une seule région.
Action contre la Faim a alerté et continue de suivre les impacts du conflit en Ukraine sur ses autres contextes d’intervention à travers le monde ; impacts que subit déjà l’organisation sur ses ressources humaines mais aussi sur ses ressources financières. Cela se voit au travers des dernières conférences des donateurs. Une conférence des donateurs est le moment où les gouvernements s’engagent sur les fonds alloués à une crise et qui permettent de répondre aux besoins évalués chaque année par les Nations-Unies avec les acteurs humanitaires. Par exemple, la conférence des donateurs sur le Yémen du 16 mars dernier a été la pire depuis le début du conflit il y a 8 ans. La réponse humanitaire au Yémen est traditionnellement sous financée mais cette année, la conférence des donateurs n’a pu réunir que 1.3 milliard de dollars sur les 4.2 initialement requis pour permettre la réponse aux besoins. Action contre la Faim est très inquiet de la capacité des bailleurs à maintenir leurs aides sur certains contextes qui sont aujourd’hui moins médiatiques et qui peuvent apparaitre moins prioritaires. Pourtant d’ici le mois de juin, 19 millions de personnes souffriront de la faim au Yémen.
Sans compter sur la probable insécurité alimentaire mondiale que risque de causer le conflit en Ukraine. En effet, le Yémen, comme un certain nombre d’autres pays du Moyen-Orient ou d’Afrique, est particulièrement dépendant des blés ukrainiens ou russes. Les approvisionnements sont rendus impossible dans ces deux pays à cause du conflit et des sanctions internationales. La céréale est moins disponible et son prix s’envole. A près de 400 euros la tonne, le blé devient inabordable pour les pays les plus pauvres faisant craindre dans les mois qui viennent des pénuries et une inflation importante sur les produits de base pour les populations les plus vulnérables. Il y a donc un risque réel de crise alimentaire qui peut entrainer des mouvements sociaux et politiques importants dans des pays extrêmement fragiles comme nous avons pu le connaitre avec « les émeutes de la faim » en 2008. Il est donc impératif de rester mobilisés sur les autres contextes d’interventions et que l’engagement humanitaire reste le même sur tous les contextes d’intervention d’Action contre la Faim.
Plus largement ce conflit est une injonction à redéfinir nos systèmes alimentaires. Ces derniers sont une nouvelle fois mis en échec après la pandémie de COVID qui a vu l’insécurité alimentaire s’accroitre dans le monde. Il y a aujourd’hui une impérieuse nécessité à remettre la souveraineté alimentaire au cœur des politiques agricoles et alimentaires en encourageant au maximum les filières localisées et diversifiées s’appuyant sur une agriculture durable.