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Témoignages
D’après l’UNICEF, un peu plus de 1 600 enfants ont été séparés de leurs parents, un chiffre qui inclut les enfants devenus orphelins à la suite d’actes de violence. D’autres, cependant, pensent que les chiffres pourraient être bien supérieurs.
Amran Khan, employé du ministère des Affaires sociales au Bangladesh, mène actuellement une étude sur les enfants rohingya isolés. Le chiffre pourrait atteindre selon lui le cap des 10 000 avec jusqu’à 4 000 enfants orphelins. « La réponse d’urgence tarde à arriver », déplore-t-il.
De nombreux efforts sont déployés afin de retrouver ces enfants, ainsi que les parents qui attendent de les retrouver. Grâce au soutien des organisations humanitaires, des espaces d’accueil ont été installés dans le camp pour aider les plus jeunes.
Cependant, avec le déplacement de communautés nouvellement arrivées dans différentes parties du camp, le processus d’identification a été rendu plus complexe.
Et que les enfants soient accompagnés ou non de leurs parents, leurs besoins sont aujourd’hui, et malgré les plus grands efforts, loin d’être satisfaits.
Moajjam Hossan est responsable de l’un des nombreux espaces d’accueil pour enfants de l’ONG BRAC, qui était déjà présente sur le camp avant le dernier afflux de réfugiés. Pour lui, les enfants qu’il a vus étaient « apeurés, choqués et traumatisés. »
« Il y a un gros enjeux psychologique », précise-t-il, « et pas assez de place pour tous ces enfants ».
Traumatisés et parfois laissés seuls dans les camps, ces enfants vulnérables sont en danger et courent le risque d’être exploités.
D’après certaines rumeurs, il existerait des voleurs d’enfants – la région étant connue depuis longtemps comme une zone de trafic d’êtres humains – et certains s’inquiètent que des enfants aient été enlevés dans le camp avant le dernier afflux de réfugiés.
Rahman Ali craint que ces rumeurs ne soient fondées. Ali, qui vit dans le camp depuis une dizaine d’années, recherche désespérément son fils Zifad, âgé de 10 ans, disparu depuis 3 semaines.
Les deux jeunes frères de Zifad racontent qu’il se trouvait derrière eux lorsqu’ils traversaient une route, avant de soudainement disparaître.
Les jeunes garçons ajoutent qu’il y avait à proximité un camion noir qui proposait des biscuits aux enfants, et qu’il était certainement responsable de l’enlèvement. Sans autre information sur le sort de son fils, c’est une hypothèse à laquelle Ali croit.
« Je pense qu’il a été enlevé », ajoute l’homme de 55 ans, la voix remplie d’émotion.
"Il était comme la prunelle de mes yeux et obéissait toujours à sa mère. J'ai perdu l'appétit, je ne dors plus, c'est comme si je devenais fou."
Personne ne sait exactement ce que les prochaines semaines et les prochains mois réserveront à ces enfants – entre autres, planent la crainte des trafiquants, les traumatismes non-traités, les problèmes de santé et de nutrition.
Alors que le financement international est insuffisant, l’UNICEF a récemment lancé un appel aux dons de 30 millions de dollars pour aider à répondre à ce qu’ils décrivent comme d’ « énormes besoins humanitaires ».
Le chef de section « protection des droits de l’enfant » à l’UNICEF, Jean Lieby, rappelle que d’importants progrès sont en cours, mais ajoute que le financement risque de diminuer dès que l’intérêt de la communauté internationale se déplacera vers une autre crise.
La nature de la menace qui pèse sur le bien-être de ces enfants pourrait cependant changer dans les mois à venir. En effet, Lieby tire la sonnette d’alarme sur ce qui pourrait se produire si la distribution d’urgence de biens et d’aide humanitaire venait à diminuer, et si les personnes qui s’occupent aujourd’hui d’enfants, que ce soit les leurs ou pas, se désespéraient.
« Si un vieil homme, dont la femme est décédée pendant l’exode, doit élever deux enfants alors que l’aide est interrompue, la tentation de les envoyer travailler sera alors grande », ajoute-t-il, en précisant que des projets sont en cours pour empêcher de tels scénarios.
L’avenir nous dira si les organisations humanitaires et le gouvernement réussiront à travailler efficacement et à trouver des solutions durables à cette crise, au-delà des prochaines semaines.
Par le passé, le gouvernement gardait un contrôle étroit des ONG travaillant dans les camps de réfugiés rohingya – un contrôle qu’il a toutefois relâché face à l’ampleur et la complexité de la situation actuelle.
Aujourd’hui, alors que l’armée est de plus en plus présente dans les camps, certains rapports indiquent que l’État prévoit de défricher 200 hectares pour créer des abris pour les enfants rohingyas non-accompagnés.
L’UNICEF considère que le mieux pour ces enfants est qu’ils soient pris en charge par leur famille, et sinon, leur famille éloignée – une situation déjà observée dans le camp, où de nombreux enfants isolés sont recueillis au sein de leur communauté.
Lieby a minimisé les conclusions des rapports, indiquant que l’UNICEF était en « grande discussion avec le gouvernement », mais a reconnu l’aspect politique de la crise.
L’aspect politique devrait continuer à jouer un rôle majeur. Jusqu’à présent, le gouvernement du Bangladesh a été en mesure de répondre rapidement à la crise, mais on peut se demander si la présence de cette nouvelle population rohingya sera acceptée sur le long-terme, et si ces enfants parviendront à trouver une certaine stabilité, ou s’ils seront contraints de retourner aux mains des militaires qui les ont traumatisés.
« Nous sommes des humanitaires, et nous fournirons de l’aide humanitaire, mais nous ne pourrons pas le faire indéfiniment », ajoute Amran Khan du ministère des Affaires sociales. « Le problème vient du Myanmar, et la solution doit aussi provenir du Myanmar. »
Bangladesh
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