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_AFG_Ghulam Reza Nazari-63 (2) © Ghulam Rez Nazari pour Action contre la Faim.

Publication

rapport

Une analyse critique de l’approche de la Banque mondiale en matière de protection sociale universelle

Cependant, malgré un consensus de haut niveau sur la protection sociale universelle qui a émergé ces dernières années parmi les acteurs influents du développement – à savoir la Banque mondiale et l’Organisation internationale du travail (OIT) depuis la signature de leur partenariat USP2030 – ces institutions clés continuent d’adopter des approches radicalement différentes de la protection sociale en pratique.

La Banque mondiale a souscrit à la protection sociale universelle en tant que « vision » tout en continuant à cibler les plus pauvres des pauvres uniquement.

L’OIT soutient depuis longtemps la protection sociale universelle, qui a toujours été au cœur de son mandat. La forte adhésion de l’organisation à la protection sociale universelle est également guidée par ses normes, notamment la recommandation n° 202 (R202) sur les socles de protection sociale, adoptée par 185 États en 2012. La Banque mondiale, en revanche, a historiquement adopté une approche fondamentalement différente, et a toujours accordé des prêts à des pays pour mettre en œuvre de petits programmes visant à « cibler les plus pauvres » au sein des sociétés, avec des taux d’exclusion élevés.

Depuis qu’elle a publiquement approuvé la protection sociale universelle, la Banque mondiale a présenté cette dernière comme une « vision » tout en poursuivant presque exclusivement son approche habituelle axée sur la pauvreté. Par exemple, la Banque vend aux gouvernements un
modèle de conception de programme étroitement ciblé, qui est souvent mis en avant au détriment d’approches alternatives, en particulier l’introduction progressive de programmes universels tout au long de la vie. De fait, le consensus au sein de la Banque sur la promotion du ciblage de la pauvreté est si fort qu’il a même conduit à saper activement les programmes universels que les gouvernements avaient prévu d’introduire ou d’étendre. De cette manière, il existe une déconnexion entre l’approbation discursive de la protection sociale universelle au niveau de la direction de la Banque et les types de programmes de protection sociale que la Banque continue de financer et de promouvoir sur le terrain. 

La Banque a introduit le terme d’ »universalisme progressif  » pour tenter de réconcilier son approche ciblée sur la pauvreté avec l’agenda de protection sociale universelle.

La Banque mondiale a tenté de concilier cette divergence entre son adhésion à la protection sociale universelle et son approche pratique en introduisant de nouvelles définitions de concepts clés, dont le concept d' »universalisme progressif », entre autres. Cette approche s’appuie sur le concept de « réalisation progressive ». Pierre angulaire du cadre des droits humains et incluse dans la R202 de l’OIT, la réalisation progressive signifie que les pays doivent mettre en place et étendre les systèmes de manière progressive, en fonction de leurs contraintes budgétaires, mais en allouant le maximum de ressources possibles. En effet, la réalisation progressive est un principe central des droits humains appliqué à la pleine réalisation de tous les droits reconnus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

Cependant, la compréhension de la Banque de l' »universalisme progressif » fournit une réinterprétation plus spécifique de ce concept. La Banque utilise plutôt ce terme pour plaider en faveur d’une « priorité accordée aux plus pauvres et aux plus vulnérables », en vue de parvenir à terme à une couverture universelle de la protection sociale, mais sans stratégie claire sur la manière de combler le fossé entre ces deux approches radicalement différentes. En d’autres termes, le concept d' »universalisme progressif » est utilisé pour justifier le maintien du statu quo. En outre, la Banque a introduit d’autres nouveaux concepts pour former l’argument selon lequel  » les prestations ciblées sont universelles  » lorsque tout le monde a accès à une prestation ciblée sur la pauvreté  » lorsqu’il en a besoin  » et, inversement, que  » les prestations universelles sont ciblées  » puisqu’elles visent des catégories du cycle de vie telles que les enfants et les personnes âgées (même si c’est sur une base universelle). L’introduction par la Banque de nouveaux termes pour justifier la poursuite de son approche ciblée sur la pauvreté risque de créer une fausse équivalence entre les prestations ciblées sur la pauvreté et les prestations universelles. 

L’approche de l' »universalisme progressif » de la Banque n’est pas un moyen efficace de réaliser l’accès universel à la protection sociale.

La Banque mondiale soutient que l' »universalisme progressif » est un moyen de construire des systèmes de protection sociale universels et qu’il est donc conforme au R202. Pourtant, la réalité est que, si les programmes ciblés sur la pauvreté peuvent jouer un petit rôle dans les systèmes universels, ils sont un moyen inefficace de fournir un accès et de réaliser le droit à la protection sociale pour tous. Malgré cela, la Banque pousse le ciblage de la pauvreté de manière presque singulière.

En fin de compte, l’échec du modèle d' »universalisme progressif » de la Banque mondiale se résume à l’importance relative accordée aux types d’approches à privilégier et à investir pour construire le plus efficacement possible des systèmes offrant un socle de protection sociale universel. Il n’est pas plausible d’attendre des programmes ciblés sur la pauvreté qu’ils constituent la base principale d’un système de protection sociale universel efficace. En fait, ils ne sont même pas capables d’atteindre efficacement les populations cibles étroites auxquelles ils sont destinés.

L’approche de « l’universalisme progressif » soutenue par la Banque mondiale brouille les pistes. La promotion d’une approche ciblée sur la pauvreté en tant que moyen principal de concevoir un système plutôt qu’en tant que petit complément à des programmes de base plus importants, axés sur le cycle de vie, est très trompeuse, car elle exagère les mérites d’une approche qui n’est tout simplement pas capable de fournir un soutien universel efficace. En conséquence, le ciblage de la pauvreté est encouragé au détriment du soutien aux gouvernements pour introduire ou renforcer les programmes phares du cycle de vie. 

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