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Boy carries jerry cans to fill from a water tanker truck in a slum neighborhood in Yemen's Red Sea city of Houdieda © REUTERS/Abduljabbar Zeyad

En Immersion

Yémen

Chronique d’un quotidien bafoué par la guerre

Au Yémen, plus de 80% de la population survit sous le seuil de pauvreté. Des milliers de civils sont pris au piège de la pauvreté, de la faim et du conflit. A cela s’ajoute la pandémie de la COVID-19 qui pèse encore plus sur un système de santé déjà exsangue et fragilisé par six années de guerre. Cette semaine, nos équipes sont allées à la rencontre des habitants et du personnel soignant dans le gouvernement d’Hodeïda. Nous avons passé une journée avec eux pour échanger et leur donner la parole.

 

DIMANCHE, LES BEAUX SOUVENIRS DE L’ENFANCE

 

C’est dimanche matin et nous sommes à Al Khawkhah, une ville au sud du gouvernorat d’Hodeïda, qui était autrefois un haut lieu de la pêche au Yémen. Les traces des combats sont encore visibles, et la guerre fait toujours partie du quotidien.

Aujourd’hui le soleil brille fort et il fait très chaud. Les patients se pressent dans le centre de santé. Ici, 45 % de la population est confrontée à une insécurité alimentaire importante et ne mange pas chaque jour à sa faim. Ce matin, nous sommes dans le centre de stabilisation, où les enfants sont soignés pour une malnutrition aiguë sévère avec complications. La forme la plus grave de sous-nutrition et qui entraine la mort si elle n’est pas prise en charge rapidement. Nous rencontrons Maimuna, une jeune femme de 21 ans, avec sa fille de 8 mois. Soudain, le médecin entre dans la chambre sans dire un mot. Il tend une tasse remplie de lait thérapeutique à Maimuna et à une autre femme avec qui elle partage la chambre. Le lait thérapeutique est devenu une routine, et il est administré aux enfants toutes les trois heures. Maimuna nourrit lentement sa fille et se livre à nous :

"Le jour de mon mariage, la peur était omniprésente. On entendait les bombardements et les combats tout autour."
Maimuna
Al Khawkhah, Yémen

« Mes frères et sœurs vivaient près des lignes de front, alors ils ont tous dû fuir et ils vivent toujours dans un camp pour des personnes déplacées. Quand ma fille est tombée malade, elle ne pouvait ni bouger, ni pleurer. Après seulement 6 ou 7 jours de traitement, je vois qu’elle va beaucoup mieux ».

Maimuna vit avec son mari et ses trois enfants dans un petit appartement. Ils s’y sont installés il y a quelques années et sont déterminés à y rester malgré le conflit. Lors d’une nuit de bombardements intenses au début du conflit, les fenêtres ont été soufflées et la famille n’a pas encore pu les faire remplacer.

« Mon souvenir préféré d’avant la guerre était d’être assise le matin avec mes frères et sœurs, près de notre père. Maintenant qu’il est plus âgé, il perd sa mémoire. Cela me manque d’être assise avec lui et mes frères et sœurs, d’apprendre de lui ». Son dernier souvenir heureux avant la guerre était son adolescence, animée et heureuse, avec ses huit frères et sœurs et ses parents dans la maison familiale.

Maimouna et son fils Action contre la Faim Yémen

Yémen

Maimuna et son fils Raheem.

LUNDI : LES éPREUVES DES PERSONNES DEPLACÉES

 

Pour le couple de Wakia et Faisal, le périple a commencé à Taizz, leur ville natale. Le manque d’accès à l’eau les a poussés à partir à la recherche de meilleures conditions de vie. Nous les rencontrons dans l’après-midi pour échanger et comprendre comment ils surmontent les épreuves et s’adaptent à la vie à Al Khawkhah.

« Cette année était difficile. Au début, notre fille est tombée malade et elle est décédée peu après. Elle avait seulement 15 ans. Nous avons essayé de trouver un traitement à Aden, mais on n’y pouvait plus rien faire. Juste la voir mourir ». Nous nous asseyons près de Wakia pour l’accompagner et exprimer notre soutien. Les drames humains de ce conflit pèsent souvent sur les épaules des civils les plus vulnérables, qui n’ont ni moyens, ni ressources.

Pourtant quand on parle des souvenirs, les sourires reviennent sur leur visage. Faisal s’y plonge et partage des histoires familiales : « Le souvenir le plus joyeux était celui de l’Aïd. Nous pouvions nous permettre d’acheter des cadeaux, de nouveaux vêtements pour les enfants et des jouets. Nous nous réunissions avec toute la famille : ma mère, mon père, mes sœurs et frères, et tous leurs enfants. »

Nous laissons Wakia et Faisal à leurs souvenirs de jours heureux. Un médecin yéménite nous attend demain.

 

MARDI : Les MÉDECINS RESTENT SUR LES LIGNES DE FRONT

 

Nous allons à la rencontre d’un médecin qui travaille avec Action contre la Faim près des lignes de front. Il nous parle de son travail, sous couvert d’anonymat : « Ici, la plupart des chambres sont petites et mal ventilées. La saturation est le principal problème, parfois je ne peux pas prendre de pause, ou reprendre mon souffle. Vous voyez le soleil brûlant dehors, on ne peut pas dire aux femmes de patienter à l’extérieur. »

Les agents de santé et le personnel soignant prennent en charge des patients dans les conditions parfois très difficiles. Les centres de santé sont confrontés au manque d’équipement, aux bombardements et font face à l’afflux important des patients.

"Je dis souvent aux patients, qu’un jour la guerre s’arrêtera, et tout le monde va retourner à la vie normale"
Anonyme
Hodeïda, Yémen

Dans les zones situées près des lignes de front, les familles se regroupent souvent dans la même pièce lors des bombardements. Ainsi les maladies respiratoires se propagent vite au sein des foyers. La plupart des enfants sont anémiques et présentent un taux d‘hémoglobine très bas : « Au début, je ne le croyais pas, mais après avoir fait des tests, c’était vrai ! Toutes les femmes enceintes ont besoin d’une transfusion pendant leur grossesse. Je n’avais jamais vu cela auparavant. »

Les médecins et les habitants sont fatigués et le désespoir généralisé est palpable parmi les populations. « Je demande aux patients si nous devrions leur rendre visite pour voir si leur état s’améliore. Ils me répondent – Nous sommes ici, à attendre la mort ». Malgré tout, le personnel soignant essaie de rassurer les patients et leur donner de l’espoir. Les visites à domicile et le suivi médical constituent une partie importante des interventions et aident à établir le lien avec les familles.


Action contre la Faim exprime la gratitude aux personnes qui ont eu le courage de témoigner et de contribuer à ce carnet de bord.

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