Communiqué de presse

Un an après le cessez-le-feu au Liban
Des violations persistantes, un effondrement des moyens de subsistance et un accès humanitaire restreint menacent des milliers de personnes.
Loin d’être consolidé, le cessez-le-feu au Liban s’est quasiment désagrégé depuis son accord du 27 novembre 2024. La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a enregistré plus de 10 000 violations commises par les forces israéliennes au nord de la Ligne bleue [1]. Par ailleurs, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a rapporté quatre incidents de tirs de projectiles depuis le Liban vers Israël [2].
Les conséquences sont vastes et dévastatrices. Plus de 64 000 personnes restent déplacées en raison du conflit, tandis que des milliers d’autres ont un accès réduit à l’eau potable, à l’alimentation et aux services de santé. Les familles qui retournent dans leurs villages sont confrontées à de graves risques liés à la présence de restes explosifs, de maisons endommagées et de services interrompus.
« Les gens veulent désespérément rentrer chez eux et reconstruire leur vie, mais dans de nombreux cas, ils craignent qu’il ne reste rien à quoi revenir ».
Effondrement des services de base et aggravation de l’insécurité alimentaire
Deux rapports récents d’Action contre la Faim, d’Oxfam et d’Insecurity Insight mettent en évidence les perturbations causées par le conflit sur l’accès à l’eau potable et la sécurité alimentaire – des besoins essentiels à la vie. Le premier, « Quand les bombes coupent l’eau : l’impact du conflit sur les infrastructures hydrauliques au Liban » [3], souligne que 150 000 personnes dans le sud sont privées d’eau courante en raison de dégâts infligés à une station de pompage critique, toujours hors service. Selon le second, « Nous avons tout perdu : l’impact du conflit sur les agriculteurs et la sécurité alimentaire au Liban » [4], 90 % des agriculteurs interrogés ont vu leur production diminuer, voire être totalement anéantie.
Selon les dernières projections IPC, 1,24 million de personnes – soit un cinquième de la population – sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Avec la hausse des prix alimentaires, le coût du panier minimum de survie devient inabordable pour la plupart. La sécheresse prolongée et les pénuries chroniques d’eau aggravent la situation, affectant à la fois les moyens de subsistance agricoles et la santé publique. En parallèle, les centres de santé opérationnels manquent de fournitures et de personnel, tandis que l’inflation et le chômage empêchent de nombreuses familles d’accéder à des soins médicaux.
Suzanne Takkenberg souligne que les efforts de relèvement ont été encore entravés par une série d’attaques visant des actifs utilisés pour la reconstruction, notamment des bulldozers, des dépôts de carburant et des matériaux de construction. « Nous observons ce qui ressemble à une campagne soutenue visant à empêcher les retours sûrs et la réhabilitation. Ce type de ciblage épuise non seulement les ressources et financements nécessaires à la restauration des services, mais il décourage aussi les acteurs locaux de poursuivre la réponse – un phénomène que nous constatons de plus en plus au sein de la communauté humanitaire », ajoute-t-elle.
Accès humanitaire restreint
La réponse humanitaire est également entravée par l’occupation continue par les forces israéliennes de plusieurs zones proches de la frontière, malgré l’appel du cessez-le-feu à leur retrait complet du territoire libanais. Cette présence, ainsi que les risques sécuritaires persistants, constitue un obstacle aux opérations humanitaires. Action contre la Faim a dû relocaliser son bureau de Tyr pendant le conflit, peu de temps avant qu’une frappe ne touche un bâtiment voisin. Revenue après le cessez-le-feu, l’organisation continue de fournir une aide vitale aux populations dans le besoin, y compris dans les zones les plus instables, mais doit périodiquement suspendre temporairement ses activités en raison de frappes à proximité. Les exigences bureaucratiques d’accès dans les zones occupées par Israël posent des défis particuliers aux autorités locales pour la fourniture de services essentiels.
L’instabilité augmente sur fond de diminution des financements humanitaires disponibles. « Sans ressources supplémentaires, ces besoins critiques continueront d’augmenter en 2026 », avertit Suzanne Takkenberg.
Action contre la Faim travaille au Liban depuis 2006 pour améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables. Depuis le début du conflit, l’organisation œuvre pour garantir une assistance aux personnes déplacées et à celles tentant de rentrer, en réhabilitant les infrastructures essentielles d’eau et d’assainissement, en soutenant la reprise agricole et la sécurité alimentaire, et en répondant aux besoins de santé et de nutrition dans les zones les plus touchées.
« Un an après, la paix reste une promesse non tenue pour des milliers de familles. Nous devons agir maintenant pour éviter que cette crise ne devienne une catastrophe de longue durée. Action contre la Faim exhorte toutes les parties à respecter le cessez-le-feu, à garantir un accès humanitaire sans restriction et à donner la priorité à la protection des civils. La communauté internationale doit redoubler de soutien financier pour éviter une détérioration irréversible des conditions de vie au Liban »
Suzanne Takkenberg, directrice d’Action contre la Faim au Liban.
Sources :
[1] https://x.com/UNIFIL_/status/1991515033457815985
[2] UN experts warn against continued violations of ceasefire in Lebanon and urge protection of civilians | OHCHR
[3] ‘When Bombs Turn the Taps Off: the Impact of the Conflict on Water Infrastructure in Lebanon’
[4] ‘We Lost Everything: the Impact of the Conflict on Farmers and Food Security in Lebanon’