Communiqué de presse

La malnutrition infantile a augmenté de 700 % à Gaza depuis octobre 2023
Madrid, 6 octobre 2025. Action contre la Faim a présenté aujourd’hui à Madrid une analyse sur l’impact sur la faim de deux années de déplacements, de violences et de conflit dans le territoire palestinien occupé.
Gaza : famine, déplacements et effondrement de l’espace humanitaire
Depuis août, Gaza est officiellement entrée en phase 5 (famine) du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire alimentaire (IPC), et en juillet, les équipes d’Action contre la Faim ont documenté une augmentation de 700 % des cas de malnutrition infantile depuis octobre 2023. Le directeur des opérations d’Action contre la Faim, Vincent Stehli, récemment rentré de Gaza, a expliqué qu’au mois de septembre seulement, « nos équipes ont traité entre 300 et 400 enfants de moins de cinq ans, alors qu’il y a quelques mois à peine, le nombre de cas atteignait à peine 100 ».
La responsable sécurité alimentaire et moyens d’existence d’Action contre la Faim, Hélène Pasquier, a expliqué qu’avant octobre 2023, l’organisation ne mettait pas en œuvre d’activités de nutrition. Elle a également décrit ce que signifie la malnutrition pour le corps et l’esprit d’un enfant : « D’abord, l’enfant commence à refuser de manger, même si son corps est affamé. On commence à observer les premiers symptômes d’apathie : il ne veut plus jouer, interagir ou sourire. Le cerveau réduit la dépense d’énergie : l’apprentissage et les relations sociales ne sont plus envisageables. Quand l’enfant atteint le stade de malnutrition aiguë sévère, il se déconnecte de son environnement, ne répond plus à aucun stimulus et entre en mode survie. Respirer, faire battre le cœur et maintenir la température corporelle deviennent les seules priorités du corps. Quand il n’y a plus de réserves, si aucun traitement n’est apporté, l’enfant meurt. »
Vincent Stehli a ajouté que, durant sa mission à Gaza, il a été témoin de cas de malnutrition comme ceux décrits par Hélène : « J’ai vu un enfant de 7 ans qui ne pesait que 6,5 kilos. La prévention est essentielle pour inverser la tendance et empêcher les enfants au bord de la famine d’y tomber. »
La sécurité de nos équipes à Gaza
« Chez Action contre la Faim, nous avons une équipe qui travaille 24 heures sur 24 pour aider, en suivant les ordres de déplacement forcé, avec 30 à 60 déplacements par jour. La population vit déplacement sur déplacement, construisant des tentes avec du plastique ou des déchets, avec ce qu’elle a sous la main. Elle vit dans un état de tension permanent à cause de ces mouvements », signale Luis Eguiluz, référent sécurité global d’Action contre la Faim.
« Pour minimiser les risques, nous avons des équipes formées à la sécurité, que nous soutenons depuis le siège. Nous planifions les déplacements avec soin, nous nous coordonnons pour éviter les zones dangereuses, nous disposons de cartes et de moyens de communication qui nous permettent de les guider. Nous nous coordonnons également avec les Nations unies et d’autres organisations. Mais malgré toutes ces mesures, nos équipes restent en danger, car il est impossible de ne prendre aucun risque », ajoute Luis Eguiluz.
L’utilisation de la faim comme arme de guerre
Jean-Raphaël Poitou, responsable du plaidoyer pour le Moyen-Orient chez Action contre la Faim, souligne que « l’utilisation de la faim comme arme de guerre est une violation du droit international et va à l’encontre de la résolution 2417 du Conseil de sécurité des Nations unies ». Les restrictions extrêmes imposées par Israël à l’accès aux biens essentiels, la destruction d’infrastructures agricoles, le blocage des couloirs humanitaires et la militarisation des points de distribution ont provoqué une crise alimentaire sans précédent à Gaza.
Jean-Raphaël Poitou a rappelé que, face aux ordres constants de déplacement forcé, « certains habitants de Gaza n’ont pas les moyens de se déplacer. Louer une voiture peut coûter jusqu’à 3 000 dollars. Nos collègues qui vivaient à Gaza-ville ne pourront peut-être jamais retourner chez eux. Malgré tout, Action contre la Faim était l’une des rares ONG internationales encore actives à Gaza-ville, mais nous avons également été contraints de suspendre nos opérations. »
« Il n’y a plus de zones dites sûres à Gaza », a-t-il ajouté. « Nos collègues Mohamed, Obada et Mustafa ont été tués dans des zones considérées comme sûres. Je n’ai pas de mots pour décrire ce qui se passe. C’est l’enfer sur terre. Nous avons besoin d’un cessez-le-feu permanent maintenant, seul moyen de permettre à l’aide humanitaire d’entrer en quantité suffisante et en toute sécurité ».
Nos opérations en Cisjordanie
La crise en Cisjordanie reflète également des tactiques qui génèrent de l’insécurité alimentaire. Fin 2023, 600 000 personnes étaient déjà vulnérables à l’insécurité alimentaire en raison des violences des colons et de l’armée israélienne, ainsi que de la perturbation des chaînes d’approvisionnement. À mesure que les chiffres augmentent, un tiers de la population palestinienne de Cisjordanie a perdu son emploi, et le prix des denrées alimentaires de base a augmenté jusqu’à 15 % au cours du dernier mois.
« Dans certains villages palestiniens, des barrages empêchent même le personnel humanitaire d’entrer », a déclaré Jean-Raphaël Poitou. « Les incursions militaires et l’augmentation des violences des colons ont détruit des cultures, bloqué l’accès aux terres agricoles et paralysé les marchés locaux ».
Action contre la Faim réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat et permanent, à la libération inconditionnelle de tous les otages, au respect du mécanisme de coordination humanitaire de l’ONU, à un accès libre, massif et sécurisé à l’aide humanitaire, ainsi qu’au respect du droit international humanitaire, incluant la protection des civils et du personnel humanitaire.
Depuis octobre 2023, Action contre la Faim a soutenu 1,5 million de personnes dans le territoire palestinien occupé grâce à la distribution de nourriture, d’eau potable, de produits d’hygiène, de services d’assainissement, d’aides financières, au dépistage et au traitement de la malnutrition infantile, à l’installation d’espaces mère-enfant et à des interventions agricoles.