Campagne

COP30 : Pour une transition juste des systèmes alimentaires
Alors que le monde dépasse les 1,5 °C de réchauffement climatique, la sécurité alimentaire mondiale est en péril. À l’approche de la COP30 au Brésil, Action contre la Faim appelle à une transformation profonde et équitable de nos systèmes agricoles et alimentaires, et à mettre le droit à l’alimentation au cœur de toutes les politiques climatiques.
La crise climatique aggrave la faim
Aujourd’hui, 673 millions de personnes souffrent de la faim (soit 8,2 % de la population mondiale). La crise climatique est une des causes principales de l’augmentation de la faim dans le monde. 1
Inondations, sécheresses, récoltes détruites… En 2024, les événements climatiques extrêmes ont provoqué des crises alimentaires dans 18 pays2. En Afrique, des pluies insuffisantes ont causé des sécheresses, tandis que des pluies torrentielles ont inondé des régions entières. Ces catastrophes touchent en premier lieu les populations les plus vulnérables, souvent déjà confrontées à la pauvreté ou aux conflits. C’est une véritable injustice car il s’agit des populations qui ont par ailleurs historiquement le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre, donc à la crise climatique.
Mais le paradoxe est cruel : le système alimentaire agro-industriel, censé nourrir le monde, est responsable de plus d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il nuit à la santé, à l’environnement, à la biodiversité… et ne permet pas de réaliser le droit à une alimentation saine et équitable pour tous et toutes.
Une opportunité historique à Belém
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP30), qui se tiendra à Belém au Brésil, est une chance unique de relier les enjeux climatiques à l’objectif Zéro Faim. Le droit à l’alimentation peut être au cœur de différentes négociations et la présidence de la COP a fait de la transformation des systèmes l’un des six piliers de son agenda. Action contre la Faim appelle les gouvernements et décideurs à soutenir et mettre en place une transition juste dans les systèmes agroalimentaires à travers :
- L’intégration de l’agriculture dans les négociations sur la transition juste, en soutenant les systèmes agroécologiques et résilients.
- Le renforcement du droit à l’alimentation et à un environnement sain, en mettant en avant les droits des Peuples Autochtones, des paysans et paysannes et des communautés vulnérables.
- L’amélioration de l’accès aux financements climatiques, notamment dans les zones fragiles et touchées par les conflits.
- La lutte contre le greenwashing, en adoptant une politique claire contre les conflits d’intérêts avec les industries fossiles et agroalimentaires.
De même, Action contre la Faim soutient le Belém Action Mechanism (BAM) pour faire de l’agriculture un pilier de la transition juste. Ce mécanisme international doit accompagner les communautés agricoles vers des systèmes durables, inclusifs, participatifs et agroécologiques, tout en écartant les fausses solutions comme les agrocarburants à grande échelle, qui menacent le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire.
Dans les zones de conflit, il est essentiel de maintenir les financements humanitaires, y compris pour l’action anticipée, d’investir dans l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH) afin de prévenir la malnutrition, et de garantir la participation des communautés affectées, encore trop souvent exclues des négociations climatiques.
Des solutions concrètes existent
Avec 3,8 milliards de personnes vivant de l’agriculture, il est urgent de soutenir une transition vers des pratiques durables et de soutenir leurs moyens d’existence aussi via les politiques climatiques. L’agroécologie permet de produire des aliments nutritifs et sains tout en respectant les écosystèmes. Elle favorise la diversité des cultures, réduit les déchets, protège les ressources en eau et renforce la résilience des communautés.
Cette transition doit être accompagnée de financements publics, de formations, de protection sociale et d’un soutien aux petits producteurs, ciblant en particulier les femmes. Elle doit aussi s’inscrire dans les stratégies climatiques et de biodiversité des États.

CAMEROUN :
Au Cameroun, Action contre la Faim soutient les familles grâce à des transferts monétaires, des formations et des activités génératrices de revenus. Ousmane, déplacé par les conflits et les inondations, a pu relancer sa vie grâce à un projet de culture de tomates :
“Ce projet m’a redonné espoir. Je peux nourrir mes enfants et gagner ma vie.”
SENEGAL :
Dans le nord du Sénégal, la Réserve sylvopastorale de Déaly subit une forte dégradation environnementale liée au surpâturage, aux feux de brousse et au changement climatique. Cela menace directement la sécurité alimentaire des familles pastorales, dont 70 % dépendent de l’élevage.
Pour répondre à cette situation, Action contre la Faim a mis en place une approche de gestion holistique : les animaux sont regroupés sur de petites parcelles pendant de courtes périodes, ce qui permet de régénérer les sols grâce au piétinement et au fumier. Les parcelles sont ensuite laissées au repos pour permettre à la végétation de repousser.

À Belém, les gouvernements doivent écouter les voix des communautés car ce sont eux qui sont en première ligne de la crise climatique. La transition juste des systèmes alimentaires n’est pas une option : c’est une nécessité pour garantir un avenir sain, équitable et durable pour tous et toutes.
COP30 : le bilan
Des progrès timides et décevants au regard de l’urgence de la reconnaissance du droit à l’alimentation pour toutes et tous
Paris, xx décembre 2025 – À la COP30 au Brésil, Action contre la Faim a porté haut et fort la voix du droit à l’alimentation et d’une transition juste des systèmes agricoles et alimentaires. Les résultats montrent qu’il reste un immense chemin à parcourir pour garantir une action climatique cohérente et ambitieuse.
Le texte du Mutirão, adopté à Belém, reste silencieux sur l’agriculture. Il franchit néanmoins un cap important en reconnaissant le rôle essentiel des petits producteurs, des économies rurales et de la production alimentaire dans la transition juste. Il est couplé à l’accord sur le Mécanisme d’action pour une transition juste à l’échelle mondiale (BAM en anglais) qui renforce la coopération, le soutien technique et le renforcement des capacités. Ces deux initiatives constituent une avancée majeure pour celles et ceux qui nourrissent le monde et subissent de plein fouet la crise climatique.
Une grande déception demeure puisqu’aucun financement public à la hauteur pour aider les populations les plus touchées à s’adapter n’a été décidé. Aujourd’hui, à peine 1,5 % des financements climatiques publics sont consacrés à l’agroécologie ou aux systèmes alimentaires durables – alors qu’ils sont pourtant indispensables pour garantir le droit à l’alimentation pour toutes et tous, y compris les générations futures.
Nos demandes vs. Résultats de la COP30
Inclure l’agriculture dans les négociations sur la transition juste et soutenir massivement la transition vers des systèmes agroécologiques et résilients.
- Une avancée en demi-teinte : la mention des petits producteurs et de la production alimentaire dans le programme de travail sur la transition juste est un signal positif. Cependant, l’absence de toute référence explicite au droit à l’alimentation et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans (UNDROP) laisse un texte affaibli et encore loin de nos ambitions.
Exiger des indicateurs clairs et cohérents pour l’adaptation, ainsi que des moyens concrets pour les mettre en œuvre
- Progrès insuffisant : la liste finale d’indicateurs est incohérente et les financements restent largement en deçà des besoins. Sont privilégiés les prêts (que les Etats devront rembourser avec des intérêts) plutôt que des subventions, ce qui a tendance à aggraver la situation des Etats sur le long terme.
Faciliter l’accès aux financements climatiques dans les zones fragiles et affectées par les conflits.
- Reconnaissance sans action : la Déclaration de Belém admet la gravité de la crise dans ces contextes.
Mettre fin aux conflits d’intérêts et au greenwashing, protéger la COP pour garantir une véritable transition juste et des solutions climatiques crédibles.
- Échec majeur : plus de 300 lobbyistes de l’agro-industrie étaient accrédités, et des géants comme Bayer ou Nestlé ont sponsorisé l’AgriZone, promouvant des « fausses solutions » qui perpétuent un modèle agricole industriel responsable d’un tiers des émissions mondiales.