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Les caisses d’épargne en santé à l’Est du Cameroun

Depuis plus d’une décennie, la région de l’Est du Cameroun accueille plus de 250 000 réfugiés centrafricains fuyant l’instabilité dans leur pays. Cette pression démographique, combinée à la pauvreté locale, accentue la précarité des services sociaux de base, notamment l’accès aux soins de santé. Pour de nombreuses familles, le coût d’une consultation ou d’un accouchement reste un obstacle insurmontable. 

Les caisses d’épargne en santé à l’Est du Cameroun

Dans les districts de Ketté et Ndélélé, l’accès aux soins de santé est un véritable parcours du combattant. Pour des milliers de familles issues des communautés hôtes et réfugiées, la barrière financière demeure la principale. Dans un contexte où la Couverture Santé Universelle peine encore à se concrétiser et où la précarité économique fragilise les ménages, un événement heureux comme une naissance peut rapidement devenir une épreuve. 

C’est la réalité qu’a vécue Nziki Sidonie, une jeune femme de 30 ans vivant à Bédobo avec son mari et leurs trois enfants. Deux de leurs enfants sont scolarisés, ce qui représente déjà une lourde charge pour le couple. Pour subvenir aux besoins de la famille, Nziki pratique une petite agriculture de subsistance, tandis que son mari exerce de petits métiers occasionnels pour gagner un peu d’argent. Malgré leurs efforts, leurs revenus restent insuffisants pour couvrir toutes les dépenses essentielles, notamment les frais de santé. 

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Une réponse communautaire portée par les femmes 

Face à ces défis, Action contre la Faim, à travers le projet SOLID financé par l’Union Européenne, a mis en place une solution innovante et communautaire : les Caisses d’Épargne Santé (CES). Bien plus qu’une aide ponctuelle, ce mécanisme redonne du pouvoir aux communautés en leur permettant d’organiser leur propre filet de sécurité sociale. 

Dans les cinq aires de santé appuyées, 31 CES ont été créées, mobilisant 676 ménages. Majoritairement animées et gérées par des femmes, ces caisses reposent sur des cotisations régulières des membres, permettant de constituer un fonds solidaire mobilisable en cas d’urgence médicale. 

L’adhésion à une CES est volontaire et bénéficie à l’ensemble du ménage. Chaque groupe est régi par un statut clair, garantissant la transparence et la bonne gouvernance. Dans la CES de Kpambeta, mise en place en mars 2025 dans l’aire de santé de Bédobo, les membres cotisent 500 FCFA chacun et par semaine. Ce fonds commun permet de venir en aide à tout membre confronté à des dépenses de santé imprévues et urgentes. Les 30 adhérents de ce groupe sont tous issus de la population hôte, et déjà 4 personnes ont bénéficié d’une aide maladie depuis le mois de juin 2025.  

Le jour où tout a changé pour Nziki Sidonie 

Membre active de la CES Kpambeta depuis mars 2025, Nziki a vu sa vie basculer le 26 mai 2025. 

Ce jour-là, au moment de l’accouchement, elle a été conduite au Centre de Santé Intégré (CSI) de Bédobo, où elle a donné naissance à une petite fille en bonne santé. Le soulagement a cependant laissé place à l’inquiétude : payer les frais médicaux, alors que le chèque santé n’était pas encore opérationnel dans cette formation sanitaire. 

C’est alors que la solidarité du groupe a pris tout son sens. Informée de la situation, la présidente de la CES Kpambeta a rapidement mobilisé le fonds commun pour lui venir en aide. Grâce à ce soutien, Nziki a pu régler l’intégralité des frais et regagner son domicile sereinement, avec son nouveau-né. 

 « À l’approche de mon accouchement, je vivais dans une grande inquiétude. Mon mari peine à s’en sortir financièrement et je n’avais pas encore pu réunir tout l’argent nécessaire. Lorsque la présidente de notre groupe m’a annoncé que je bénéficierais d’une aide de la CES, j’ai été profondément émue. Ce geste m’a permis de solder les frais médicaux et de me concentrer sur la santé de mon bébé. Ce soutien est venu comme une bouffée d’air au bon moment. Je remercie mes camarades de la CES Kpambeta et Action contre la Faim pour avoir rendu cela possible. », témoigne Nziki. 

« Depuis la mise en place de notre Caisse d’Épargne Santé en mars 2025, nous avons déjà aidé quatre membres de notre groupe à faire face à des urgences médicales. Ce système a véritablement changé notre manière de vivre la solidarité. C’est une fierté pour nous, car cela prouve que lorsque la communauté s’unit, elle peut faire face à ses propres difficultés. Nous voyons que les femmes sont particulièrement engagées et jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de ces caisses. », commente Mme Martine, présidente de la CES Kpambeta. 

Un impact collectif et durable 

Les CES renforcent la solidarité communautaire, encouragent la gestion participative et réduisent le recours aux accouchements à domicile, contribuant ainsi à l’amélioration de la santé maternelle, néonatale et infantile. 

En renforçant la solidarité communautaire, encouragent la gestion participative et en promouvant une culture d’entraide, les Caisses d’Épargne Santé participent directement à la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Elles redonnent dignité et confiance aux familles, tout en consolidant le lien entre les communautés et les structures de santé. 

Aujourd’hui, les 31 CES actives sont entièrement gérées par les communautés elles-mêmes, rassemblant 676 ménages dont 545 femmes et 131 hommes. Ce modèle inclusif tisse des liens de solidarité forts entre communautés hôtes et réfugiées, renforçant la cohésion et la résilience locale.