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madagascar malnutrition 2025
© Faniry Njava - So'art Studio pour Action contre la Faim

Des cliniques mobiles en réponse à l’urgence nutritionnelle dans le Sud et dans le Sud Est

Le Sud et le Sud-Est de Madagascar vivent une crise humanitaire qui perdure, avec des conséquences graves sur la sécurité alimentaire et la santé des populations.

Dans ce contexte d’urgence, les équipes d’Action contre la Faim mènent une réponse rapide, coordonnée et multisectorielle notamment en santé et nutrition pour sauver des vies et limiter les impacts à long terme.

Augmentation des cas de malnutrition aigüe dans la région

Dans le Sud de Madagascar, plus de 1,2 million de personnes sont en insécurité alimentaire  (phases 3 et 4 selon l’IPC AFI, juillet 2025)¹. Dans les districts d’Ambovombe, d’Amboasary ou encore d’Ampanihy, jusqu’à 40 % de la population est touchée par cette crise, et cette situation devrait persister jusqu’au début de l’année 2026.

Dans le Sud-Est, les cyclones successifs de 2022 et 2023 ont aggravé la situation dans les districts comme Nosy Varika et Ikongo. Dans le Sud, le passage du cyclone tropical Honde à la fin de février 2025, au large d’Androy et d’Atsimo Andrefana, notamment à Ampanihy et Beloha a occasionné de violentes inondations et a gravement endommagé les routes et les voies d’approvisionnement aggravant ainsi les difficultés d’accès aux marchés et la flambée des prix.

Ces cyclones consécutifs ont entravé l’accès aux soins, augmenté l’insécurité alimentaire dans les communes enclavées, et provoqué une augmentation des cas de diarrhées à cause de l’utilisation d’eau de surface non traitée.

S’ajoute à ces aléas climatiques, la décision de l’administration Trump en janvier de réduire voire d’arrêter définitivement les financements humanitaires dans la région.  « 5 cliniques mobiles ont pu continuer grâce au financement d’ECHO. Nous avons quand même dû arrêter notre appui au CRENI (Centres de récupération nutritionnels intensifs) de Tsivory  et prioriser nos actions là où il y avait le plus de besoins », ajoute Haingo Nirina Ranaivoarivony, responsable  du département santé et nutrition à ACF Madagascar.

« De plus, dans le Sud-Est, au mois de mai 2025 une flambée de cas de paludisme a pu contribuer à une hausse des cas de malnutrition aigüe chez les enfants. ACF a pu participer à la réponse en apportant un soutien logistique dans l’acheminement des intrants, en prenant en charge les cas de paludisme grâce aux cliniques mobiles ».

Cependant, à Manakara et Ikongo, faute de financements, nous sommes en train de nous retirer. Malheureusement, nous n’avons plus de partenaires actuellement sur le terrain ce qui nous inquiète fortement pour l’avenir des populations dans cette région ».

Aller au plus près des populations isolées

En lien avec ses partenaires, l’association malgache ASOS (Action Socio Sanitaire Organisation Secours) et Médecins du Monde, et avec le soutien financier de l’Union européenne (ECHO), Action contre la Faim a mis en place des cliniques mobiles sillonnant les Fokontany isolés du Sud et du Sud-Est pour aller au plus près des populations.

Afin de fournir des soins de santé, d’octobre à décembre 2024, 9 cliniques mobiles ont été déployées dans les deux régions et 15 cliniques mobiles de janvier à juin 2025. Chaque équipe est composée de médecin, infirmier(e), sage-femme, dispensateur(trice) de soins et travailleur psycho-social. Les cliniques mobiles assurent le dépistage de la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans, la prise en charge des cas de malnutrition aiguë, la prise en charge PECIME, les consultations prénatales pour les femmes enceintes ainsi que des services de planification familiale mais aussi des consultations externes.

Dans le Sud (Région Androy, Anosy et Atsimo Andrefana), les cliniques mobiles sont opérées directement par l’ONG ASOS. « Notre rôle est d’accompagner ASOS dans la gestion du projet, sa planification, le suivi budgétaire, ainsi que l’appui technique pour les supervisions des cliniques mobiles ».

« Lorsque les enfants malnutris présentent des complications, nos équipes les réfèrent dans les CRENI, où le projet appuie également à la prise en charge. Cet appui se fait par le remboursement de soins, l’appui psychosocial aux accompagnants, une ration journalière aux accompagnants et la mise à disposition de ressources humaines (infirmier et travailleur psychosocial) dans chaque CRENI appuyé. 4 310  enfants de moins de 5 ans ont pu recevoir un traitement contre la malnutrition aiguë, qu’elle soit sévère ou modérée », commente Haingo.

Le témoignage de Rhodia

Rhodia, âgée de 35 ans, vit à Ambodiampaly, un quartier populaire, avec son mari et leurs 6 enfants. Femme au foyer, elle consacre toute son énergie à sa famille dans leur maison en tôle simple mais fonctionnelle.

L’eau du quotidien, pour cuisiner, laver, se baigner, vient d’un puits situé à une cinquantaine de mètres. Comme beaucoup dans sa communauté, elle et sa famille vivent avec peu. Les revenus sont incertains et la santé n’est souvent pas une priorité faute de moyens. C’est son mari qui gère les décisions financières, et les fins de mois sont souvent difficiles.

Quand leur dernière-née, Stanchevah, âgée de 6 mois, est tombée gravement malade, Rhodia et son mari n’ont pas su reconnaître les signes de danger. Ils ont essayé de la soigner eux-mêmes, comme ils le faisaient d’habitude pour les petits maux. Mais cette fois, rien ne semblait efficace. La petite allait de plus en plus mal.

Un jour, la clinique mobile du projet est arrivée dans leur quartier. Rhodia s’y est rendue avec son bébé, sans vraiment savoir à quoi s’attendre. L’état de l’enfant a suffi à convaincre l’équipe médicale de l’orienter immédiatement vers les services du CRENI. Dès son arrivée, elle a ressenti un soulagement. L’accueil était chaleureux, respectueux et humain. Dans cette période pleine de peur et d’incertitude, elle a trouvé des personnes prêtes à l’écouter et à l’aider. Les soins étaient gratuits. Stanchevah a bénéficié d’une prise en charge médicale complète : médicaments, examens, suivi régulier, opération chirurgicale. Rhodia, elle, recevait chaque jour trois repas et des kits d’hygiène pour elle et son bébé. Mais ce soutien ne se limitait pas aux soins. Rhodia a également bénéficié d’un soutien psychologique. Elle a participé à des activités telles que des discussions de groupe, a appris les gestes d’hygiène essentiels, reçu des conseils nutritionnels et même pu partager un bain tout en douceur avec son bébé. Ces moments simples ont profondément marqué Rhodia. Ils lui ont redonné confiance, force et dignité. La seule difficulté rencontrée au centre, dit-elle, a été les coupures de courant fréquentes, qui compliquent parfois les soins. Mais pour elle, cela reste un détail face à tout ce qu’elle a reçu. Aujourd’hui, Stanchevah va mieux. Rhodia retrouve peu à peu le sourire. Elle rêve désormais de commencer une petite activité de vente pour contribuer aux revenus de la famille. Elle encourage aussi les autres mères de son quartier à ne pas baisser les bras, à demander de l’aide, à croire en la guérison.

L’importance de la prise en charge des violences basées sur le genre

Par ailleurs, les violences basées sur le genre (VBG) restent préoccupantes, dans un contexte où les normes sociales marginalisent les survivantes, malgré l’émergence progressive de services d’accompagnement étatiques.

Le projet a intégré des actions spécifiques sur la prise en charge des cas de violences notamment via le renforcement des capacités communautaires. En consortium avec Médecins du Monde qui porte ce volet, le personnel médical d’ASOS a été formé pour les prises en charge médicales des cas de violences sexuelles. « Les cliniques mobiles sont formées pour prendre en charge et référencer les personnes dans les structures compétentes, notamment dans le district d’Ambovombe ».

Aussi, c’est dans ce cadre que s’inscrit l’activité de formation des enseignants, répondant à l’un des objectifs clés du programme : outiller les acteurs locaux, dont les établissements scolaires, pour améliorer l’identification, le référencement et la prise en charge des cas de VBG. Cette initiative contribue également à renforcer les synergies entre ONG internationales et la société civile locale. Des vagues de formations destinées aux enseignants du secondaire se sont tenues en janvier et mars 2025, en étroite collaboration avec le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, le Ministère de l’Education Nationale et les autorités éducatives locales.

Grâce au projet, 2 216 personnes ont été informées sur leurs droits, y compris sur la prévention des violences basées sur le genre (VBG), et 12 personnes victimes de violence ont bénéficié d’une réponse adaptée à leur situation.


[1] Résultats préliminaires de l’IPC MNA et IPC AFI, juillet 2025