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© Action contre la Faim

Des barrages de sable pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Sud

Pour pallier les impacts du changement climatique et les pénuries d’eau dans le Sud de Madagascar, les équipes d’Action contre la Faim construisent des barrages de sable dans les régions d’Anosy et d’Atsimo Andrefana, une solution durable pour améliorer l’accès à l’eau dans la zone et soutenir l’agriculture locale.

Le Grand Sud face à la crise de l’eau

 

Le Grand Sud de Madagascar souffre de conditions climatiques extrêmes, caractérisées par des périodes de sécheresse prolongées, des températures élevées, et une rareté des pluies. Les sols sont appauvris et les ressources en eau sont extrêmement limitées, rendant l’agriculture et les conditions de vie de plus en plus difficiles.

L’accès à l’eau pour la consommation domestique et pour l’agriculture est un défi majeur dans la région. La gestion de l’eau est donc un impératif pour améliorer les conditions de vie des populations locales et favoriser la résilience des communautés face aux aléas climatiques de plus en plus récurrents.

Ifotaka, commune située au bord de la rivière Mandrare et à 45 km de la ville du district d’Amboasary Sud, subit, comme de nombreuses communautés de la zone, de plein fouet cette crise de l’eau exacerbée par les impacts du changement climatique.

« Sans eau propre, les gens ont du mal à s’hydrater et à maintenir une hygiène de base, ce qui entraîne de graves risques sanitaires et une augmentation de la malnutrition, en particulier chez les jeunes enfants. », explique Tantely Andriamiantra RAMONJISON, responsable de département Eau, Hygiène et Assainissement pour Action contre la Faim à Madagascar.

« Même en dehors des périodes de sécheresse extrême, l’accès à l’eau potable est souvent insuffisante. Par conséquent, la plupart des gens sont obligés de s’approvisionner à des sources d’eau telles que les flaques d’eau dans les routes, les puits non protégés, les rivières et les étangs, ce qui les expose à des maladies d’origine hydrique telles que la diarrhée et le choléra ».

 

Une solution innovante et écologique

 

Pour faire face à cette crise, de manière innovante et durable, les équipes d’Action contre la Faim ont mis en place des constructions de barrages de sable avec l’aide de ses partenaires et des communautés locales. Concrètement, le barrage de sable est une structure construite en travers du lit d’une rivière saisonnière dans les régions arides ou semi-arides. Le principe de fonctionnement du barrage de sable repose sur l’accumulation de sable transporté par les crues de la rivière en amont de l’ouvrage. L’eau est ensuite stockée dans ce sable, où elle est naturellement filtrée par des processus biologiques, ce qui la rend potable, tout en réduisant l’évaporation jusqu’à 80 %. Le barrage de sable devient alors un grand réservoir d’eau, 40 % du volume de sable est constitué d’eau, qui est mise à la disposition des communautés pour la boisson, la cuisine, l’agriculture et d’autres usages, même pendant les longues périodes de sécheresse.

« Ces structures capturent et stockent l’eau de pluie dans les zones sèches. Par exemple, un barrage de sable de 30 mètres de longueur peut contenir jusqu’à 18 000 mètres cubes d’eau. L’eau étant stockée dans le sable, l’évaporation est considérablement réduite, ce qui permet aux communautés de disposer d’un approvisionnement en eau plus fiable et à long terme. », précise Tantely.

Ces barrages de sable permettent d’améliorer l’accès à l’eau potable, tout en réduisant le fardeau de la collecte de l’eau – en particulier pour les femmes et les enfants – et favorisant l’irrigation pour l’agriculture. Ils renforcent également l’autonomie des femmes, qui sont souvent responsables des ressources en eau, restaurent la santé des sols, améliorent la sécurité alimentaire et aident les communautés à s’adapter au changement climatique en renforçant leur résilience et en améliorant les moyens de subsistance des populations rurales.

Un impact sociétal et environnemental positif

En plus d’améliorer considérablement l’accès à l’eau des communautés locales et donc leur qualité de vie, les barrages de sable ont un impact direct sur la sécurité alimentaire en permettant une irrigation plus efficace et en augmentant la productivité agricole.

Les agriculteurs peuvent utiliser l’eau disponible pour irriguer leurs cultures pendant la saison sèche, leur permettant de diversifier leurs cultures et de mieux résister aux périodes de sécheresse. En augmentant la production agricole locale, les communautés deviennent moins dépendantes des importations alimentaires coûteuses, ce qui peut améliorer leur autonomie et leur résilience.

Aussi, en permettant à l’eau de s’infiltrer dans le sol, ces barrages favorisent la végétation et aident à maintenir l’humidité du sol, ce qui est essentiel pour la régénération des terres agricoles.

« Les barrages de sable sont vraiment bénéfiques à tous les niveaux notamment pour aider les populations à s’adapter aux changements climatiques. En captant l’eau de pluie et en la stockant dans le sol, ces barrages permettent aux communautés de mieux gérer les périodes de sécheresse prolongées mais aussi d’atténuer les risques d’inondation en régulant le débit de l’eau lors de fortes pluies », explique Tantely.

Une participation communautaire au cœur du projet

La construction et la gestion des barrages de sable représentent bien plus qu’une simple réponse technique aux défis liés à l’eau. Elles s’inscrivent dans une dynamique de développement local durable, impliquant activement les communautés et favorisant une gestion participative des ressources naturelles.

Les barrages de sable sont généralement conçus et mis en œuvre avec la participation directe des populations locales. Cette implication renforce non seulement le sentiment d’appartenance mais stimule également la solidarité entre les membres de la communauté. En s’appropriant ces projets, les habitants deviennent acteurs de leur propre développement.

La mise en oeuvre de ces infrastructures offre des opportunités économiques significatives, en particulier dans les zones rurales. Des emplois temporaires sont créés, notamment pour les jeunes et les femmes, contribuant ainsi à une amélioration des conditions de vie locales. La construction des barrages de sable dans le Sud du pays a permis le recrutement de plus de 470 personnes au niveau des communautés.

C’est le cas de Tananaze, 52 ans, marié et père de 14 enfants, qui compte sur l’agriculture pour subvenir aux besoins de sa famille nombreuse. « Lorsqu’ACF est venu expliquer le projet de barrage de sable, j’ai tout de suite vu qu’il s’agissait d’une véritable opportunité pour nous », se souvient-il. En tant que chef de village, son implication s’est faite naturellement : en coordonnant les travaux, mobilisant la population et veillant au bon déroulement du projet. Cependant, il ne se contentait pas de superviser, il montrait l’exemple. Il a transporté des pierres, creusé des tranchées et mélangé du ciment. « C’était difficile, mais je voyais déjà l’avenir que cela nous apporterait », dit-il en souriant.

Grâce à ce projet, Tananaze a gagné environ 54 USD, qui lui ont permis d’acheter du bétail (poulets, chèvres et moutons) et d’améliorer les conditions de vie de sa famille. « Pour la première fois depuis longtemps, mes enfants mangent à leur faim et nous nous sentons plus en sécurité », explique-t-il. Le barrage de sable a également transformé ses méthodes de culture. « Mes champs sont à proximité. Maintenant qu’il y a de l’eau, je peux les irriguer même pendant la saison sèche. Mes récoltes se sont améliorées et cela change tout », dit-il fièrement.

Une réponse qui se heurte aux problématiques de financement

 

La baisse des financements des bailleurs internationaux constitue un défi majeur pour l’ensemble du secteur humanitaire. A Madagascar, elle touche en premier lieu les populations les plus vulnérables, déjà fragilisées par la pauvreté, les crises climatiques ou sanitaires. Des services essentiels, comme la nutrition, la santé, l’accès à l’eau et à l’hygiène (WASH), sont réduits, voire arrêtés, ce qui a des conséquences directes sur les bénéficiaires directes de ces aides. Ces changements, souvent mal compris par les communautés, entraînent une perte de confiance envers les organisations présentes sur le terrain. Les organisations de la société civile, qu’elles soient locales ou internationales, doivent alors revoir leurs priorités, réduire la taille de leurs interventions ou mettre fin à certains projets. Cela affecte la qualité des services, les liens avec les communautés et la gestion des infrastructures, et met en péril les savoir-faire acquis au fil des années. Les organisations locales, pourtant proches des réalités du terrain, sont les plus touchées, car elles dépendent fortement des aides extérieures et sont confrontées à une grande incertitude pour planifier l’avenir.

Depuis 2024, 3 barrages de sable ont pu être construits dans la localité de Bekompitsy, de Beza et d’Ianabinda. La construction de ces infrastructures dépend essentiellement de l’aide des bailleurs internationaux. « Le barrage de sable d’Ianabinda a été impacté par les deux cyclones Jude et Honde en ce début d’année, notamment l’érosion des berges. Les travaux de réhabilitation seront achevés en août, après des retards liés à la crise de financement de l’USAID », rapporte Tantely.