À la une

Comment un père réfugié a transformé sa famille et sa communauté
Lorsque Roger Okuna a fui le Congo avec sa femme et ses quatre enfants (un an, trois ans, cinq ans et dix ans), la vie était dure. À leur arrivée au camp de réfugiés de Kyangwali, en Ouganda, en novembre 2023, ils ont reçu des couvertures, des bonbonnes de gaz et une poignée de provisions.
Malheureusement, la famille a été victime d’un vol et s’est une fois de plus retrouvée les mains vides. « Nous n’avions rien à manger », raconte Roger, qui se souvient parfaitement de ce moment. « Il m’est arrivé d’avoir faim pendant trois jours. »
Un prêtre du camp de réfugiés a entendu parler de sa situation difficile et lui a offert 20 000 shillings ougandais (4,75 €) et de la nourriture. Cela leur a permis de tenir quelques jours, mais la crainte constante de ne pas pouvoir nourrir sa jeune famille, en particulier sa femme enceinte, l’a énormément affecté. Roger souffre d’hypertension, et sa pression sanguine est montée en flèche. Si pour de nombreuses personnes, les matins étaient une source d’espoir et de promesses, Roger les appréhendait. « Tous les matins, je redoutais ce qui allait se passer dans la journée et je me demandais ce que nous allions bien pouvoir manger. Je préférais le soir », explique Roger. Pendant six mois, il a fait tout ce qu’il a pu pour gagner un peu d’argent, mais ses revenus leur suffisaient à peine pour survivre.
Un jour, la situation a pris un grand tournant. Roger et sa famille ont été inscrits au programme Fresh Food d’Action contre la Faim, qui vient en aide aux réfugiés et aux familles avec des femmes enceintes et allaitantes. La famille a reçu des bons Fresh Food mensuels qui lui ont permis d’acheter de la viande, des fruits et des légumes auprès de vendeurs agréés. Une composante essentielle du programme est l’éducation à la nutrition, qui aide les familles à prendre les bonnes décisions alimentaires pour éviter la sous-nutrition.

Action contre la Faim a présenté le Modèle d’utilisation optimisée des terres (MUOT) à Roger. Cette approche vise à utiliser de petites parcelles de terrain de la façon la plus efficace possible. C’était quelque chose de nouveau pour Roger. Au Congo, il était fermier commercial. Il utilisait des méthodes agricoles traditionnelles pour cultiver du maïs et des haricots à grande échelle. L’idée de nourrir une famille de six enfants en n’utilisant qu’une petite parcelle de terrain et les conseils techniques avancés d’Action contre la Faim lui étaient quelque chose de nouveau pour lui, mais il était prêt à essayer.
L’approche MUOT a transformé la vie de Roger. Il a reçu des graines de tomates, d’aubergines et d’oignons et a appris à tirer le meilleur parti de sa petite parcelle de terrain pour cultiver des légumes nutritifs toute l’année. Aujourd’hui, Roger et sa famille ont non seulement assez à manger, mais ils peuvent aussi vendre le surplus pour gagner des revenus et couvrir d’autres besoins. Avec le temps, les revenus de Roger sont devenus suffisants pour participer à une association villageoise d’épargne et de crédit.

La transformation de Roger va au-delà de l’agriculture : dans le groupe de soins d’Action contre la Faim, il a également été formé à la nutrition et à l’égalité entre les genres. Il parle ouvertement de la façon dont sa vision de la famille et de la paternité a évolué. « J’ai appris à mieux traiter ma femme », explique-t-il. « Je n’étais pas quelqu’un de mauvais, mais j’ignorais beaucoup de choses, en particulier sur les femmes enceintes et l’éducation des enfants. » Il a compris à quel point il était important d’aider sa femme pendant sa grossesse. « Avant, je laissais faire de nombreuses tâches à ma femme », avoue Roger. « Mais aujourd’hui, je sais qu’il y a certaines choses qu’elle ne devrait pas faire pendant qu’elle est enceinte. » Il admet qu’avant, il considérait que c’était aux femmes de s’occuper des enfants. Aujourd’hui, il sait qu’il joue lui aussi un rôle important dans sa famille, et il est ravi de recevoir des conseils qui font de lui un meilleur père et un meilleur mari. Roger prend désormais plus d’initiatives. « Je peux préparer des repas pour notre petit dernier, et j’ai la sensation d’être un père beaucoup plus informé », déclare-t-il.

Roger a suivi plusieurs cours d’Action contre la Faim sur l’allaitement, l’hygiène, l’assainissement et la nutrition. Plus il en apprend, plus il ressent le besoin de partager ces informations avec sa communauté. Il s’est inscrit à un groupe de soins en tant que bénévole et est devenu un leader pour les autres hommes de sa communauté. Roger aime éduquer les hommes et les femmes de sa communauté et observer les changements positifs que cela apporte.
Il ne se laisse pas atteindre par les critiques des autres hommes et du reste de la communauté. « Je sais ce que je vaux », affirme-t-il. « Je me fiche que les autres se moquent de moi et me disent que je ne suis pas un vrai homme. L’essentiel est que ma famille aille bien. Je continuerai à me battre pour subvenir à leurs besoins et être un père présent. » Son dévouement a convaincu de nombreux membres de sa communauté. Grâce à son dur labeur, tous les foyers de son quartier sont désormais équipés d’une latrine et d’une station de lavage des mains, des améliorations importantes qui ont réduit la défécation à l’air libre. Ses voisins ont également adopté des pratiques simples mais cruciales telles que le lavage des mains, reconnaissant leur importance pour éviter les maladies. Les petits potagers présents dans le jardin de chaque foyer sont un autre signe de l’influence de Roger. Dans sa communauté, ces impacts positifs ont été surnommés « l’effet Roger ».
Les voisins se réunissent régulièrement chez Roger pour en apprendre davantage. Il les accueille les bras ouverts et partage avec enthousiasme son expertise en matière de nutrition, de pratiques EAH (eau, assainissement et hygiène) et du rôle crucial que jouent les hommes dans la santé de leur famille. Roger est devenu un véritable symbole de changement, transformant sa communauté foyer par foyer à travers la conversation et la démonstration. Il est même en train de construire une église temporaire sur un terrain près de chez lui. C’est un homme d’Église ordonné qui a à cœur de changer des vies, et ce, à la fois physiquement et spirituellement. Roger Okuna, autrefois un réfugié souffrant de la faim et vivant dans la peur chaque matin, est devenu un pilier pour sa famille, un leader de communauté et un exemple de résilience et d’espoir.
