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Avec nous, pour toutes : forum des sociétés civiles mondiales et diplomatie féministe en action
Le 21 octobre, à Paris, Action contre la Faim a organisé avec des associations partenaires, un forum visant à faire entendre la voix de la société civile dans les politiques étrangères.
Cet espace d’échange autour de quatre tables rondes a permis grâce aux activistes, expertes et institutions du monde entier qui y intervenaient, de mettre en lumière les thématiques devant marquer l’agenda de la conférence inter–ministérielle. L’occasion de rappeler que les politiques étrangères féministes sont un levier de transformation et que sans la transversalisation de cette approche dans les politiques économiques, sociales, de santé et de lutte contre le changement climatique… les inégalités de genre persistent et la faim aussi.
Le forum « Avec nous / Pour toutes », organisé le 21 octobre 2025 à Paris, a permis de mettre en lumière les liens profonds entre les inégalités de genre et la faim, car aujourd’hui, sans politiques macro-économiques cohérentes, qui s’attaquent aux causes structurelles de la faim – conflit, inégalité socio-économiques et inégalités de genre, crise climatique et rétrécissement de l’espace civique – la faim persiste.
Justice économique : un pilier de transformation pour réduire la faim et lutter contre les inégalités de genre
Les inégalités de genre sont un facteur structurel majeur de la pauvreté et de l’insécurité nutritionnelle. Les femmes, en particulier dans les pays du Sud, sont surreprésentées parmi les populations les plus précaires, souvent cantonnées à des emplois informels, non rémunérés ou sous-payés, notamment dans le secteur du Care. Cette précarité économique limite leur accès à une alimentation suffisante et de qualité, tout en les exposant davantage aux violences et aux privations. En parallèle, les politiques publiques et les systèmes de redistribution ignorent souvent les spécificités des femmes, aggravant les inégalités. L’autonomisation économique des femmes — par l’accès aux ressources, à la terre, à l’éducation et à la protection sociale — est donc un levier essentiel pour lutter contre la faim. Les intervenantes, dont la présidente de l’AFAO, Madame Tall, partenaire d’Action contre la Faim sur la région de l’Afrique de l’Ouest ont ainsi appeler à repenser les politiques publiques, notamment fiscales, pour reconnaître et redistribuer équitablement les richesses, en intégrant une perspective féministe.
Justice reproductive : une approche intégrée face aux crises pour lutter efficacement contre la malnutrition
Le même jour, une table ronde s’est tenue sur le thème de la « Justice reproductive, accès aux soins et lutte contre les VBG : une approche intégrée de la diplomatie féministe face aux crises ». Action contre la Faim a pu participé au travers de la prise de parole d’Aisha Askira, coordinatrice programme de BOWDI Nigéria et partenaire clé d’Action contre la Faim dans la région du nord-Est du Nigéria.
La justice reproductive y a été définie comme un cadre opérationnel qui dépasse la seule question de l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive (DSSR) pour inclure les questions de justice sociale. Les intervenantes ont ainsi pu souligné qu’en contexte fragile ou de crise humanitaire comme au Nigéria ou en Ukraine, l’accès à la contraception, aux soins post-viol, à l’avortement, aux soins pré-post-natales sont des obstacles quotidiens. Il a alors été rappeler qu’aujourd’hui, une approche intégrée nécessaire pour prendre en charge efficacement une personne. Par exemple, la prise en charge de la malnutrition doit être intégrée à la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive des femmes comme l’a rappelé Caroline Antoine, directrice du secteur technique et de la recherche d’Action contre la faim. Elle a également rappelé que les organisations ont la responsabilité de ne pas se limiter à la seule délivrance de services de santé sexuelle et reproductive, mais de s’engager activement dans la défense des enjeux politiques qui y sont liés — tels que l’autonomie corporelle ou le droit à l’avortement — face à un backlash de plus en plus virulent. Enfin, elle a rappelé le rôle essentiel des ONG et des associations féministes nationales, qui assurent ces services dans des contextes souvent complexes, tout en étant confrontées à une fragilisation croissante de leurs financements en raison des coupes budgétaires. La justice reproductive ne doit ainsi pas être reléguée au rang de « sous thème » de la diplomatie féministe, mais être abordée comme une réelle boussole des droits qu’elle garantit.
Une mobilisation internationale croissante
Ces réflexions s’inscrivent dans un mouvement plus large de mobilisation de la société civile. La déclaration de la société civile sur la diplomatie féministe, réunissant plus les signataires de plus de 149 organisations à travers le monde —dont Action contre la Faim, en passant par des collectifs du Mexique, du Nigeria, de l’Inde ou du Bangladesh — témoigne d’un engagement global pour une diplomatie féministe inclusive et intersectionnelle.
Cette mobilisation appelle à :
- Instaurer une véritable cohérence : une politique étrangère féministe ne peut réussir si elle est contredite par les politiques commerciales ou nationales qui ne respectent pas les valeurs féministes et accentuent les inégalités de genre.
- Financer les lignes de front : le plus grand obstacle à la réussite est le manque de ressources. Nous ne pouvons pas construire un nouvel avenir alors que moins de 4 % de l’aide en faveur de l’égalité de genre parvient directement aux organisations féministes.
- Renforcer la responsabilité : un véritable partenariat implique un partage du pouvoir. Nous appelons à la création de conseils féministes indépendants chargés de co-concevoir et de contrôler les politiques, afin que la société civile passe du statut de « consultante » à celui de partenaire à part entière.
- Défendre nos acquis : nous devons élaborer une stratégie commune pour protéger nos progrès collectifs et les défenseurs de première ligne contre la montée des mouvements anti-droits.
Vers une diplomatie féministe transformatrice
Les tables rondes ont convergé vers une même conclusion : la diplomatie féministe ne peut être un simple label. Elle doit s’incarner, être transverse dans toutes les politiques étrangères et avoir des financements à la hauteur des besoins identifiés par la société civile. Faire de la justice économique, reproductive, climatique des piliers de l’action internationale, c’est reconnaître que les luttes féministes sont au cœur des transformations systémiques nécessaires pour répondre aux crises actuelles et lutter efficacement contre la faim. C’est aussi affirmer que les droits des femmes ne sont pas négociables surtout en contexte de crises ou ils sont davantage attaqués.