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Aide Publique au Développement : un budget réduit dans un monde en crise
L’Aide Publique au Développement, définie comme un instrument de solidarité par les États, est aujourd’hui mise à mal par des coupes historiques.
Quelle est la définition de l’aide publique au développement (APD) ?
L’APD regroupe les dons, prêts concessionnels et garanties accordées par les organismes publics (États, collectivités, agences) aux pays éligibles figurant sur la liste du CAD de l’OCDE1. Son objectif principal : couvrir des axes prioritaires comme la santé, l’éducation et les infrastructures dans des contextes géographiques marqués par de fortes inégalités/de fragilité ou de crise et ainsi améliorer les conditions de vie des populations. L’APD est un outil de coopération internationale des Etats.
Historique de l’aide publique au développement en France
Depuis ses origines dans l’immédiat après-guerre, l’Aide Publique au Développement française a évolué significativement : instituée en 1945 pour soutenir les territoires d’outre‑mer via le FIDES et la Caisse centrale de la France d’Outre‑mer, elle s’est transformée dans les années 1960 en instrument de coopération avec les pays nouvellement indépendants. À partir des années 1970, elle s’est internationalisée, s’inscrivant dans les engagements de l’OCDE et intégrant graduellement des objectifs de développement durable, tout en diversifiant ses outils (prêts, subventions, garantie) via l’évolution de la Caisse en Agence Française de Développement (AFD) en 19982. Depuis 2000, l’APD française s’aligne sur les Objectifs du Millénaire et, après 2015, sur les ODD et l’Accord de Paris, avec une réforme clé nationale en 2021 établissant une trajectoire budgétaire ambitieuse pour atteindre 0,55 % du RNB en 2022 et 0,7 % en 2025, priorisant réduction de la pauvreté, les inégalités et les biens publics mondiaux.
Quels sont les exemples d’aide publique au développement ?
Il existe de nombreux exemples de projets dans le monde transitant par l’Aide Publique au développement. Par exemple, le projet “Confluence”3 mené par Action contre la Faim, projet financé par l’Aide Publique au Développement via l’AFD, contribue à l’amélioration de la sécurité nutritionnelle dans cinq pays d’Afrique – Tchad, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Madagascar – en améliorant la prise en charge des victimes de la sous nutrition, en développant des actions préventives via une approche multisectorielle (nutrition, eau, sécurité alimentaire…) et en travaillant sur des campagnes de plaidoyer afin que les politiques publiques prennent mieux en compte la lutte contre la faim.
Quelle est la liste des pays bénéficiaires de l’aide publique au développement ? Qui reçoit l’aide publique au développement ?
En 2024, l’Aide publique au développement (APD) bilatérale française s’est concentrée sur quelques bénéficiaires majeurs. Le Cameroun arrive en tête avec près de 1,47 milliard d’euros, principalement pour des projets d’infrastructures et de services essentiels. L’Équateur et la République dominicaine suivent, avec respectivement 988,6 M€ et 845 M€, illustrant l’engagement français en Amérique latine et dans les Caraïbes. En Afrique de l’Est, le Rwanda bénéficie d’environ 252,5 M€, orientés vers l’éducation, la santé et le développement rural. Enfin, la Malaisie, avec 28,9 M€, témoigne d’un soutien ciblé en Asie du Sud-Est, notamment pour la transition énergétique4.
Efficacité de l’aide publique au développement
Depuis sa création, l’APD a soutenu de nombreux pays afin de réduire la pauvreté, améliorer les conditions de vie et atteindre les objectifs de développement durable. L’APD a permis de conduire à une baisse drastique de la mortalité infantile dans les pays à faible revenu, d’améliorer la santé publique de nombreux pays… Un exemple frappant de l’efficacité de l’APD peut se trouver dans la publication du Lancet (Juillet 2025) : le démantèlement de l’USAID et donc la réduction de l’Aide Publique au Développement américaine à hauteur de 80% risque d’entraîner 14 M de décès supplémentaires, dont 4,5 M d’enfants de moins de 5 ans d’ici 20305.
Baisse de l’aide Publique Au Développement
Quel est le montant et le budget de l’aide publique au développement en France ?
L’Aide Publique au Développement émise par les membres du Comité d’Aide Publique au Développement6 s’est élevée à 212,1 milliards en 2024, une baisse de 7,1 % par rapport à 20237. En France, en 2024, le montant total alloué à l’Aide Publique au Développement s’élève à 14,3 milliards de dollars, soit 0,48 % de son revenu national brut. Un chiffre en deçà de la loi de programmation de 2021 adoptée en France. L’Aide Publique au Développement émise par les membres du CAD s’est élevée à 212,1 milliards en 2024, une baisse de 7,1 % par rapport à 20238. Le projet de loi de finances pour 2026, actuellement examiné au Sénat après son passage à l’Assemblée nationale, risque de ne pas épargner les ressources allouées au secteur humanitaire. Si des coupes de 700 millions d’euros sont déjà prévues, certains amendements envisagés pourraient réduire encore davantage un budget déjà fortement contraint. Ces baisses ont déjà des conséquences observables : selon la dernière étude de Coordination Sud, 1 280 projets sont fragilisés, menaçant l’accès à l’alimentation et à la nutrition, l’accès à l’eau, à la protection pour 15 millions de personnes9. Cette chute des financements intervient aussi alors que les besoins explosent, sous l’effet de la multiplication des conflits, du changement climatique et d’un système économique et financier déséquilibré, défavorable aux pays fragiles et à faible revenu, entrainant une aggravation des inégalités sociales. Elles interviennent aussi dans un contexte d’attaque idéologiques sur les questions d’égalités de genre, alors même que ces inégalités sont une cause et conséquence de l’insécurité nutritionnelle dans le monde10.
Aide publique au développement au niveau de l’union européenne
L’Union Européenne et ses États membres demeurent le premier fournisseur mondial d’APD11. Les niveaux d’APD de l’UE ont toutefois enregistré une baisse deux années de suite12, reflétant des évolutions dans l’engagement de long terme de l’Union en matière de développement humain, y compris la lutte contre la malnutrition.
Face aux besoins humanitaires mondiaux qui dépassent largement les ressources disponibles, le prochain Cadre Financier Pluriannuel (2028–2034) de l’UE constitue une occasion pour l’Union de réaffirmer son engagement en faveur de la lutte contre les inégalités et la pauvreté. La proposition actuelle prévoit cependant une réduction de l’allocation budgétaire pour l’Afrique subsaharienne et la région Asie‑Pacifique, confrontées à des crises multiples nécessitant une réponse urgente. Par ailleurs, l’objectif proposé de consacrer 90 % du budget de l’Instrument « Global Europe » à l’APD reste sujet à amendements, ce qui pourrait affecter la prévisibilité des flux d’aide pour les pays partenaires.
Quel avenir pour l’aide publique au developpement en france?
Lors de l’examen du budget de l’aide publique au développement (APD) à l’Assemblée Nationale puis au Sénat, des amendements déposés par les parlementaires ont témoigné d’un soutien à la solidarité internationale avec des propositions de hausse du budget, notamment du programme 209, ou de réaffectation des taxes solidaires vers l’Aide Publique au Développement. Toutefois, la trajectoire budgétaire reste incertaine : la commission mixte paritaire prévue le 19 décembre pourrait ne pas suffire à boucler le calendrier budgétaire, reconduisant les débats en 2026.

Ecrit par Léa Cros – Analyste Plaidoyer Droits et Services Essentiels
Diplômée de Sciences Po et de l’Université Paris-Dauphine. Depuis plus de deux ans et demi, j’occupe le poste d’analyste plaidoyer au sein du pôle Droit et Services Essentiels. Je travaille principalement sur les causes structurelles de la faim, en particulier les enjeux liés à la pauvreté et aux inégalités de genre ainsi que le financement de l’Aide Publique au Développement.