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À la Une

Irak

Un système d’irrigation innovant pour atténuer les effets de la pénurie d’eau

Déjà affaibli par deux décennies de guerre et de crise économique, l’Irak est, pour la troisième année consécutive, en proie à une pénurie d’eau qui nuit aux rendements agricoles et met à l’épreuve les agriculteurs, en particulier dans les régions de l’ouest et du sud. Selon la Banque mondiale, le pays devrait connaître une baisse de 20 % de la disponibilité en eau d’ici à 2050, ce qui pourrait entraîner la destruction d’un tiers de ses terres irriguées¹.

Les niveaux du Tigre et l’Euphrate, qui représentent plus de 90 % des réserves d’eau douce du pays, ont diminué de 30 % depuis les années 1980 et devraient encore baisser de 50 % d’ici 2030². La construction de barrages sur ces deux fleuves, en Turquie et en Iran, a exacerbé cette situation. La pénurie d’eau est de surcroît aggravée par l’impact du changement climatique, responsable de la hausse des températures et d’une salinisation croissante.

« Les pratiques non durables et inappropriées telles que la mauvaise gestion de la distribution de l’eau, l’augmentation des niveaux de pollution, le déversement des eaux usées et les infrastructures hydrauliques obsolètes ou endommagées accélèrent encore la pénurie d’eau et accentuent le risque d’insécurité alimentaire en Irak », souligne Asmaa Farooq, chef du département Eau, assainissement et hygiène pour Action contre la Faim en Irak.

Face à ces défis, l’amélioration des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte peut s’avérer efficace pour accélérer l’adaptation des agriculteurs à la pénurie d’eau.

 

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Latif Ghazi, un agriculteur impliqué dans le projet pilote, montre à l'équipe d'ACF l'impact de la pénurie d'eau sur ses champs.

© Action contre la Faim Irak

 

La pénurie d’eau comme vecteur de pauvreté et de tensions

 

Le taux de chômage des personnes déplacées, des rapatriés, des femmes à la recherche d’un emploi, des travailleurs indépendants et des travailleurs informels avant la pandémie reste élevé en Irak. En 2022, un quart de la population irakienne, soit environ 11,4 millions de personnes, vivait en dessous du seuil de pauvreté, avec un taux de chômage global de 16 %. La sécheresse actuelle devrait entraîner une baisse de 11,5 % de la demande de main-d’œuvre non qualifiée à moyen terme, ce qui aggravera l’appauvrissement³.

La baisse des niveaux d’eau a particulièrement affecté le secteur agricole, qui est le plus grand consommateur de ressources en eau, représentant à lui seul environ 60 à 80 % de l’utilisation totale des ressources eau⁴. Tandis que 25 % de la population⁵ a pour principale source de revenus l’agriculture, l’impact socio-économique de la pénurie d’eau est particulièrement grave dans certaines communautés. Selon la Fédération irakienne des associations agricoles, 50 % des travailleurs agricoles vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté, tandis que 40 % ont dû abandonner leur profession pour trouver d’autres sources de revenus en raison des conditions climatiques.

Au-delà de l’impact direct sur les rendements agricoles et les moyens de subsistance, la pénurie d’eau peut exacerber les tensions au niveau communautaire et transformer des différends localisés en conflits à plus grande échelle. Dans le sud de l’Irak, des tensions sont déjà apparues sous la forme de conflits induits par l’eau et d’une concurrence pour les droits d’accès à l’eau. En 2017, des communautés tribales du gouvernorat d’Al-Muthanna, dans le sud du pays, ont menacé d’entrer en conflit avec ceux qui prenaient plus que leur part équitable des ressources en eau. En 2021, les autorités locales de Dhi Qar ont fait part de leur préoccupation quant à la recrudescence des conflits tribaux⁶.

 

 

En outre, la pénurie d’eau a déclenché une importante vague d’exode rural, susceptibles de conduire à des troubles sociaux et mettant à rude épreuve les infrastructures. En 2021, environ 20 000 personnes ont été déplacées en raison des pénuries d’eau, de la salinité élevée et de la mauvaise qualité de l’eau dans 10 gouvernorats irakiens⁷.

L’ensemble de ces problèmes, s’ils ne sont pas traités efficacement, est susceptible d’augmenter les risques de pauvreté, d’insécurité alimentaire, de perte de biodiversité et de destruction de régions agricoles historiquement importantes. Cela peut entraîner à son tour davantage de déplacements, une détérioration de la santé publique, une instabilité accrue, une augmentation des conflits liés au climat et une lutte collective pour le contrôle des ressources en eau.

« Une approche collaborative et multisectorielle est plus que jamais nécessaire pour faire face à cette situation critique. Elle doit impliquer les agences gouvernementales, les ONG, les communautés, le secteur privé et d’autres parties prenantes qui travaillent ensemble pour atteindre l’objectif commun de gestion durable de l’eau, de résilience et de cohésion sociale », déclare Asmaa Farooq.

 

Une solution innovante : le tube GrowStream

 

Dans le cadre de la stratégie locale de gestion de l’eau et en collaboration avec la société Responsive Drip Irrigation (RDI), Action contre la Faim a mené un projet pilote basé sur l’utilisation d’un système d’irrigation au goutte à goutte réactif, un système de distribution d’eau et de nutriments pour les cultures, dans trois fermes des districts d’Al-Qurna et d’Al-Dair, dans le gouvernorat méridional de Basra.

Présente dans 40 pays, la société Responsive Drip Irrigation (RDI) a créé une nouvelle méthode d’acheminement de l’eau qui permet de lutter contre le gaspillage des ressources d’eau et propose un système innovant d’irrigation. Le tube GrowStream est un système d’irrigation et de fertigation⁸ qui permet à la plante d’autoréguler sa propre distribution d’eau, ce qui se traduit par des économies d’eau et des performances supérieures à celles d’autres formes d’irrigation, notamment l’irrigation de surface, l’irrigation par aspersion, l’irrigation souterraine et l’irrigation au goutte-à-goutte standard.

 

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Musa Kazem, un agriculteur vivant dans le district de Qurna, Al-Sharsh (Basra), rencontre le personnel d'ACF sur ses terres.

 

Musa Kazem, comme la plupart des habitants de la région, est né et a grandi à Basra. Il est agriculteur depuis toujours. Au fil des ans, la pénurie et la salinité de l’eau ont considérablement affecté sa production agricole, mettant en péril son activité et sa source de revenus. « Je cultive principalement des tomates, des gombos, des aubergines et des palmiers. Ces cultures sont la principale source de revenus pour moi et ma famille. Ce nouveau système d’irrigation est facile à utiliser et m’a permis de rationaliser l’eau, de maintenir la fertilité du sol et de favoriser la croissance rapide des cultures« , explique-t-il.

« Les avantages de ce système sont considérables, dans la mesure où il permet d’atténuer les effets de la pénurie d’eau tout en améliorant les rendements de la production agricole. L’année dernière, j’ai perdu entre 30 et 40 plants pendant la saison de plantation en utilisant un système d’irrigation au goutte-à-goutte standard. Avec le système d’irrigation au goutte-à-goutte réactif, je n’ai perdu aucun plant. En outre, dans la même zone, j’ai planté 8 lignes d’aubergines et de tomates, alors que je n’en avais planté que  6 avec l’irrigation au goutte-à-goutte standard« , ajoute Adil Kazim, l’un des agriculteurs qui a participé au projet pilote.

 

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Adil Lazim, l'un des agriculteurs ayant participé au projet, montre ses cultures au personnel d'ACF.

© Action contre la Faim Irak

 

« Cette initiative pilote joue un rôle crucial dans la promotion d’un changement dans les pratiques d’irrigation nécessaires pour répondre aux défis de la pénurie d’eau en Irak », ajoute Asmaa Farooq, chef du département Eau, assainissement et hygiène d’Action contre la Faim en Irak.

« Les résultats montrent que la méthode d’irrigation réactive au goutte-à-goutte consomme environ 758 litres par jour pour 450 mètres carrés de terre, alors que l’irrigation traditionnelle par inondation consomme 2270 litres par jour. L’augmentation des investissements dans de telles approches pourrait permettre d’atténuer les conséquences de futures catastrophes. »

 

 


1. [https://www.weforum.org/agenda/2022/04/iraq-farmers-drought-and-heat-food-security-climate-change

2. Azzam Alwash et al., “Towards Sustainable Water Resources Management in Iraq,” Iraq Energy Institute (blog), August 30, 2018, https:// iraqenergy.org/2018/08/30/towards-sustainable-water-resources-management-in-iraq/; Mustafa Habib, “Iraq’s Lack of Water ‘Is a Foreign Policy Problem,’” Iraqi-Business News (blog), February 24, 2018, https://www.iraq-businessnews.com/2018/02/24/iraqs-lack-of-water-is-aforeign-policy-problem/

3. https://tcf.org/content/commentary/climate-change-and-water-scarcity-are-turning-iraq-into-a-land-of-turmoil/#:~:text=By%202022%2C%2025%20percent%20of,term%2C%20leading%20to%20more%20impoverishment

4. https://reliefweb.int/report/iraq/water-scarcity-and-environmental-peacebuilding-lens-southern-iraq

5. https://www.climatelinks.org/sites/default/files/asset/document/2017Mar3_GEMS_Climate%20Risk%20Profile_Iraq_FINAL.pdf

6. https://www.csis.org/analysis/local-global-tensions-course-through-iraqs-waterways

7. [IOM, Migration, Environment, and Climate Change in Iraq, August 9, 2022.

8. Fertigation is the application of fertilizers or other water-soluble products through an irrigation system.

 

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