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MOZ - FSL - 2024 - Fanny Mantaux (29)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

À la Une

Mozambique

Mueda, la ville refuge

A l’extrême Nord-Ouest du Cabo Delgado, le district de Mueda accueille un grand nombre de personnes déplacées, à la recherche d’une vie meilleure. Depuis 2021, Action contre la Faim, avec le soutien financier du Bureau des Affaires Humanitaires de l’USAID (BHA), répond aux besoins tant des personnes déplacées que des communautés hôtes dans la province de Cabo Delgado.

Le Mozambique est un des pays le plus pauvre du continent africain, paradoxalement c’est aussi un pays qui a énormément de richesses et de ressources naturelles comme le gaz. Ces ressources se trouvent principalement au large de Cabo Delgado, l’une des régions les moins favorisées du pays où près de 45% des personnes vivent dans une extrême pauvreté.

La situation au Mozambique est une crise dont on parle peu. Et pourtant, 3,3 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire d’urgence ou de crise, dont 66% seulement dans la région de Cabo Delgado¹.

Située près de la frontière avec la Tanzanie, sur le plateau de Makondé, la ville de Mueda est marquée par les vestiges du massacre de Mueda, le 16 juin 1960, qui a été l’un des derniers épisodes de la résistance mozambicaine à la domination coloniale portugaise, avant le déclenchement de la lutte armée pour la libération nationale. De par sa situation géographique et en raison de la présence d’un dispositif sécuritaire national et international important, cette ville empreinte d’histoire est jusqu’ici un endroit sûr dans une province rongée par l’insécurité et les attaques fréquentes de groupes armés. C’est pour cette raison et de par la proximité avec les zones attaquées que Mueda se trouve être une ville d’accueil pour un grand nombre de personnes déplacées. C’est le 4ème district de la province où on dénombre le plus grand nombre de déplacés, d’après les derniers chiffres officiels : sur une population totale de plus de 130 000 habitants, plus de 70 000 personnes² sont déplacées dans le district, autant dans les camps de déplacés que dans les villages où elles sont accueillies par les communautés.

« La situation à Mueda est très précaire. Les personnes s’installent dans des camps de déplacés, dans des abris de fortune ou dans des villages où la disponibilité de services publics de base est déjà limitée. Ces arrivées viennent peser sur les conditions de vie des populations hôtes, en saturant ces services essentiels déjà fragiles dans la région et sur la disponibilité des denrées alimentaires », précise Anouk Renard, coordinatrice de la base de Mueda pour Action contre la Faim au Mozambique. « Les populations déplacées fuient leur ville d’origine pour se réfugier dans un nouveau district où elles n’ont pas de source de revenu stable, elles sont très souvent dépendantes des autorités locales pour obtenir des parcelles de terre leur permettant de développer, consommer et vendre leurs propres cultures ».

Mueda est un district isolé, en zone rurale, situé en altitude avec une vraie problématique d’accès à l’eau. Les habitants dépendent essentiellement de l’eau des pluies qui n’interviennent que 6 mois dans l’année. Aussi, la zone n’est pas épargnée par le changement climatique. Ces dernières années, les pluies sont de plus en plus abondantes spécifiquement dans cette zone alors même qu’elles tendent à se réduire dans d’autres régions du Mozambique. Il en résulte que les champs sont souvent inondés, causant la perte des récoltes de nombreux agriculteurs.trices et entrainant une augmentation des prix des denrées alimentaires, qui se font rares.

Pour faire face à ces besoins humanitaires importants, Action contre la Faim a ouvert une base à Mueda dès 2021. Grâce à une équipe composée de 75 salariés, l’association met en œuvre une réponse intégrée en matière de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance, d’eau, d’assainissement et d’hygiène et de santé et nutrition dans les environs de Mueda et dans les zones difficiles d’accès.  

MOZ - FSL - 2024 - Fanny Mantaux (25)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

 

Se reconstruire dans un camp de déplacés

 

Après 45 minutes de route depuis la ville de Mueda, les équipes d’Action contre la Faim arrivent au camp de déplacés de Lianda. Ce camp, mis en place en novembre 2021 et initialement prévu pour 1000 ménages, accueille désormais 10 000 personnes³. Les petites habitations alignées les unes derrières les autres se suivent et se ressemblent. Toutes construites à base de bois, de bambou et recouverte par une bâche de l’UNHCR, elles étaient pensées pour ne durer que quelques mois, permettant un abri provisoire pour les personnes déplacées. Or, dans ces lieux de vie survivent des familles parfois présentes depuis plusieurs années.

C’est le cas de Ernestina Laurenco Estevao. Elle vient du district de Nangade, situé à une heure de route au Nord de Mueda et a dû fuir à cause de la présence de groupes armés. Elle est arrivée au camp de Lianda il y a 3 ans où elle a rejoint des membres de sa famille déjà présente sur place.

 

MOZ - FSL - 2024 - Fanny Mantaux (19)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

 

Ernestina fait partie des personnes vulnérables qui bénéficie d’un appui de la part d’Action contre la Faim pour monter sa petite affaire, dite ‘Activité génératrice de revenus’, lui permettant de commencer à développer une source de revenus stable malgré sa situation précaire. Grâce à ce soutien, elle peut vendre du poisson au marché de Lianda.

« J’ai su qu’ACF enregistrait des personnes pouvant bénéficier de soutien suite à cela j’ai été sélectionnée. J’ai pu recevoir une formation et un kit de démarrage. Parmi les activités listées, j’ai choisi de vendre du poisson. Ce travail me permet de m’aider un peu et d’avoir un minimum de revenus mais ne couvre pas l’ensemble de mes besoins », explique-t-elle. « En effet, je dois aller jusqu’au littoral à Mocimboa pour chercher le poisson et cela me coûte en terme de transport ».

« Ma vie ici n’est pas tous les jours facile, je n’ai pas tout le temps accès à de l’eau ni suffisamment à manger. Mais je n’envisage pas de rentrer chez moi car j’ai perdu ma maison, ma vie là-bas, ça voudrait dire tout recommencer à zéro. J’aimerais pouvoir renforcer mon activité ici afin de subvenir aux besoins de ma famille ».

Comme elle, John Cypriano vient également du district de Nangade et vit depuis deux ans avec ses 3 enfants et sa femme dans le camp de Lianda. Il a bénéficié lui aussi, avec sa mère, du soutien d’Action contre la Faim pour monter leur petite épicerie. Sa tente étroite fait office de maison et d’épicerie où il propose des produits comme de l’huile, des soupes ou encore des bonbons pour les enfants.

 

MOZ - FSL - 2024 - Fanny Mantaux (39)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

 

Parce que de nombreuses personnes vivaient de l’agriculture dans leur région d’origine, c’est tout naturellement qu’elles cherchent à pouvoir retrouver leur vie d’avant. Action contre la Faim soutient les producteurs.trices agricoles en leur donnant des formations sur des pratiques agricoles soutenables et en leur fournissant des semences et outils pour leur permettre d’améliorer leur production agricole. Ces productions leur serviront à la fois pour la consommation alimentaire de leur famille mais également à la vente afin de leur assurer des moyens de subsistance.

Ce soutien dans le camp de Lianda permet à des personnes comme André Lourenco Sigalagaia, agriculteur, de former d’autres personnes sur le métier d’agriculteur. André vient de Palma et s’est réfugié avec sa famille à Lianda en 2020. Il a été choisi par les équipes d’Action contre la Faim pour devenir agriculteur ‘leader’ afin de former et d’encourager d’autres personnes à cultiver leurs propres terres.

« Avec les semences fournies par Action contre la Faim, nous pouvons cultiver des patates douces, des amandes, du manioc etc.. aussi bien pour les vendre mais également pour notre propre consommation », précise André. Le projet forme 46 agriculteurs.trices au sein du camp de Lianda. « Je forme pour ma part 9 personnes et j’aime le fait de partager mes connaissances et transmettre mon savoir aux autres. Aujourd’hui, je préfère rester ici et continuer à enseigner, c’est ce qui me motive ».

 

MOZ - FSL - 2024 - Fanny Mantaux (63)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

 

Désengorger les services de soins

 

Sur la même route menant au camp de déplacés de Lianda, se trouve le centre de santé de la communauté de Imbuo. Etrangement, ce petit matin de juin, la file d’attente n’est pas si longue. Cela s’explique par le fait que ce jour coïncide avec la présence de la clinique mobile d’Action contre la Faim à quelques kilomètres de là, permettant de désengorger ce centre de santé ou l’affluence est d’ordinaire difficile à gérer.

Avant même l’arrivée massive des personnes déplacées dans le district, le système de santé était déjà défectueux et limité. Aujourd’hui, le peu d’infrastructures existantes, en manque de moyens et de personnel médical qualifié doit faire face à une augmentation des besoins. Afin de soutenir les services publics, plusieurs fois par semaine, à raison de deux visites par mois dans chaque communauté ciblée, les équipes mobiles d’Action contre la Faim composées de personnel médical, infirmiers, médecins, se rendent dans les communautés les plus isolées afin de proposer des consultations médicales et un suivi nutritionnel aux enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aigüe.

Avant de s’installer dans le village pour leur journée de travail, l’organisation des équipes est réglée comme du papier à musique. Tout d’abord, elles commencent par un premier arrêt au centre de santé d’Imbuo afin de récupérer le matériel nécessaire à la prise en charge des patients. Arrivée au sein de la communauté, elles s’attèlent à présenter le déroulement des consultations à la population et se divisent dans les différentes activités prévues de la journée : consultations infantiles avec la pesée et la mesure de l’enfant, sensibilisation sur l’allaitement, sur la santé sexuelle et reproductive, consultations auprès du médecin, suivi en santé mentale etc…

 

MOZ - Nut&Health - 2024 - Fanny Mantaux (48)-min © Fanny Mantaux pour Action contre la Faim

 

Madalena Geraldo habite le district et fait partie de ces personnes non déplacées, ou communauté d’accueil. Elle s’est rendue à la clinique mobile d’Imbuo avec sa fille âgée de 9 mois, Yolanda. Elle habite dans le village de Nandimba, à proximité de Mueda avec son mari et ses 8 enfants.

« C’est la 4ème fois que je viens à la clinique mobile pour le suivi de ma fille. Ma fille était malade, je voyais bien à sa taille qu’elle ne gagnait pas de poids et qu’elle souffrait d’un retard de croissance. Les équipes d’Action contre la Faim ont pu la mesurer, la peser et lui donner le traitement dont elle avait besoin. »En effet, après son passage en consultation auprès des infirmières, le tour de bras de Yolanda, mesuré à l’aide du périmètre brachial, n’atteignait que 10cm, la zone rouge indiquant que l’enfant souffre de malnutrition aiguë sévère.

En complément des cliniques mobiles, Action contre la Faim intervient également directement dans les centres de santé. « Nous intervenons dans la quasi-totalité des centres de santé du district de Mueda. Nous les soutenons à travers des formations au personnel de santé et en fournissant un appui en équipement et matériel médical », détaille Anouk Renard. « Les centres de santé souffrent d’un grave problème d’accès à l’eau et à des infrastructures d’assainissement qui soient fonctionnelles. Nous les appuyons également via la réhabilitation et construction de points d’eau, de latrines et de systèmes de gestion des déchets médicaux ».

 

Une situation d’insécurité inquiétante

 

La situation au Cabo Delgado est de plus en plus volatile. Les derniers événements de début 2024 comme l’attaque contre la ville de Macomia, le 10 mai dernier, fait craindre une détérioration de la situation dans la région. Par le manque d’attention qui est porté à la crise, les contingents internationaux venus stabiliser la province depuis 2021 sont à présent en train de se retirer du Mozambique, à l’instar de la SAMIM (la mission de maintien de la paix de la communauté de développement des pays de l’Afrique australe), rendant la province de Cabo Delgado d’autant plus vulnérable aux attaques des groupes armés.

Dans un contexte sécuritaire qui se dégrade, on assiste à une augmentation des personnes déplacées dans divers districts du nord du Mozambique, accentuant la détérioration de la situation humanitaire. De janvier à avril 2024, le nombre de personnes nouvellement déplacées a bondi, avec environ 189 000 personnes⁴ supplémentaires déplacées, principalement dans les districts de Pemba, Metuge, Macomia et Mueda.

Par ailleurs, le Mozambique est exposé aux effets du changement climatique notamment au centre et dans le sud du pays avec des épisodes de sécheresse plus fréquents et des pluies en dessous des normales. Ces effets impactent énormément les récoltes dans un pays où la population subsiste principalement de l’agriculture, les rendant plus vulnérables et en besoin d’assistance pour subvenir à leurs besoins de base.

Masquée par d’autres crises majeures comme la guerre en Ukraine, le Soudan, ou plus récemment à Gaza, le Mozambique souffre d’un manque de financements des bailleurs internationaux, entravant la capacité des organisations humanitaires à répondre à l’ensemble des besoins. Au 30 mai 2024, le plan de réponse aux besoins humanitaires de 2024 était financé à seulement 17 %.

 

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