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ACF_LB_FSL_2021_CarmenMoreno_MPCA_BEIRUT_HR_7 © Carmen Moreno pour Action contre la Faim

À la Une

Liban

L’accès à une alimentation de qualité devient un luxe au Liban

Zahra¹, jeune réfugiée syrienne, nous accueille dans le minuscule appartement où elle vit avec son bébé et son mari à Bourj Hammoud, l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale libanaise. En entrant, nous sommes plongés dans le noir absolu, malgré une matinée très ensoleillée. Il n’y a ni fenêtres, ni ventilation, et comme souvent au Liban, il n’y a pas non plus d’électricité. Mais au moins, la famille de Zahra a un toit au-dessus de la tête. En effet, selon les estimations des Nations unies², près de 60 % des plus de 1,5 million de Syriens résidant dans le pays vivent dans des tentes en plastique dans des camps de réfugiés surpeuplés. Des conditions déplorables. Mais la situation de la famille reste très précaire. Ses seules possessions sont deux canapés, une table, une petite armoire, deux matelas à même le sol et un vieux réfrigérateur à moitié vide.

"Avant l’explosion, nous vivions beaucoup mieux."
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Zahra
Beyrouth, Liban

« Mon mari travaillait dans un abattoir en face du port de Beyrouth, mais l’explosion l’a détruit et son patron est décédé. Avant, nous pouvions acheter de la nourriture, des couches et d’autres produits pour ma fille. Maintenant, nous avons à peine assez pour manger… », explique la jeune femme de 29 ans.

En raison de la crise économique et financière exacerbée par la pandémie et la terrible explosion survenue à Beyrouth le 4 août 2020, le Liban, qui était considéré il y a peu comme l’un des pays les plus développés du Moyen-Orient, s’est complètement effondré et vit actuellement l’un des pires moments de son histoire.

Les données officielles du gouvernement libanais montrent une augmentation de 1 874 % du prix des produits alimentaires entre décembre 2019 et octobre 2021³. En ajoutant à cela le retrait progressif des subventions et les pénuries alimentaires, une grande partie de la population de réfugiés syriens s’est retrouvée au bord de la famine. En effet, selon l’ONU, neuf familles de réfugiés syriens sur dix sont en situation de pauvreté extrême⁴. De plus, le Liban souffre de pénuries de la plupart des médicaments, et ceux qui restent disponibles le sont à des prix exorbitants.

 

ACF_LB_FSL_2021_CarmenMoreno_MPCA_BEIRUT_HR_4 © Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Liban

La réfugiée syrienne Zahra, qui a du mal à joindre les deux bouts, dans son appartement.

© Carmen Moreno pour Action contre la Faim

ACF_LB_FSL_2021_CarmenMoreno_MPCA_BEIRUT_HR_7 © Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Liban

La réfugiée syrienne Zahra et sa fille Cyla dans leur petite maison du quartier de Nabaa, à Beyrouth.

© Carmen Moreno pour Action contre la Faim

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« J’ai une malformation congénitale. Je n’ai qu’un seul rein. En raison de la pénurie, cela fait deux mois que je ne trouve plus mes médicaments. Un membre de ma famille a dû se rendre dans une autre ville pour me l’acheter », explique Zahra. « Ma fille a une malformation du muscle cardiaque. Nous ne pouvons pas aller chez le médecin parce que cela coûte très cher. Je n’ai pas emmené ma fille chez le docteur depuis deux mois. »

Après avoir perdu ses parents dans un attentat à la bombe dans sa ville natale, Zahra a cherché l’asile au Liban.

« Je suis venue au Liban toute seule, et j’en ai beaucoup souffert. Mais je ne pouvais pas rentrer en Syrie car je n’avais plus personne là-bas non plus, et la situation y était trop difficile. Au départ, je vivais dans la rue. Puis, un jour, j’ai rencontré mon mari, que j’ai épousé et avec qui j’ai eu ma fille. Je rêve d’aller vivre dans un pays qui prenne soin de nous », explique la jeune femme, qui ne peut contenir ses larmes.

La situation des réfugiés après plus de 10 ans de fuite et de recherche d’asile est alarmante. La dernière étude publiée par l’ONU a révélé que la plupart des Syriens sont contraints d’emprunter de l’argent ou de faire la manche et de négliger leur santé, en plus de ne pas pouvoir payer de loyer ni envoyer leurs enfants à l’école⁵. De plus, leur situation est particulièrement vulnérable en raison des restrictions actuelles d’accès au marché du travail pour les réfugiés au Liban, ce qui augmente le risque d’exploitation des enfants et d’abandon scolaire. Mais les réfugiés ne sont pas les seuls à subir les conséquences de l’effondrement économique du pays. En effet, selon un communiqué de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (CESPAO) de septembre 2021⁶, près de trois quarts de la population totale du pays vit sous le seuil de pauvreté. De plus, selon le Rapport d’évaluation des besoins multisectoriels, 1,3 million de citoyens libanais se trouvent en situation d’insécurité alimentaire⁷. L’aggravation de la situation socioéconomique, les coupures d’électricité constantes, les pénuries et la hausse extrême du prix du carburant en raison du retrait des subventions rendent pratiquement impossible l’accès à des aliments de qualité et en bon état.

ACF_LB_FSL_2021_CarmenMoreno_MPCA_BEIRUT_HR_9 © Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Liban

Olivia et sa petite-fille chez elles à Bourj Hammoud, Beyrouth. La famille parvient à peine à acheter de la nourriture et des produits de base. Action contre la Faim Liban lui fournit une aide en espèces grâce aux fonds de l’Ambassade de France.

© Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Et comme si cela ne suffisait pas, l’accès à l’eau potable est compromis pour de nombreuses familles en raison des niveaux élevés de pollution de l’eau du robinet et des prix de plus en plus excessifs de l’eau en bouteille.

« Nous n’avons pas assez d’argent pour acheter des bouteilles d’eau pour mes petits-enfants. », explique Olivia.

"Nous ne pouvons acheter de l’eau que pour la petite, qui a un an et demi. Le reste d’entre nous buvons l’eau du robinet, qui nous rend malades parce qu’elle n’est pas propre"
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Olivia
Beyrouth, Liban

Olivia est une femme veuve libano-arménienne de 65 ans qui vit dans une maison très modeste à Bourj Hammoud avec ses six petits-enfants. Son fils est actuellement porté disparu, et la mère de deux de ses petits-enfants, une immigrée philippine, a été renvoyée de force dans son pays d’origine il y a quelques années et est également portée disparue. Ses deux filles, qui vivent désormais avec leur grand-mère, n’ont ni certificat de naissance, ni pièce d’identité, et ne peuvent donc pas aller à l’école ni recevoir de soins médicaux.

« Mon mari est mort d’une maladie qui infecte et détruit les os. Sa jambe a dû être amputée huit fois. Le docteur m’a dit que c’était génétique et qu’il était très probable que l’un de mes enfants en hérite. Le père de mes petites-filles a contracté la maladie, et l’une de ses filles en est également atteinte. Mon fils a eu besoin de 26 injections pour soulager ses symptômes et a dû être hospitalisé. Pour pouvoir se payer le traitement, il a travaillé en tant que voiturier dans le parking de l’hôpital. Au bout de deux ans, il était tellement déprimé qu’un jour, il a disparu, et nous n’avons jamais plus eu de ses nouvelles », raconte Olivia.

Une autre des filles d’Olivia et ses quatre enfants vivent également avec elle. La jeune femme est la principale source de revenus de la famille, mais cela ne suffit pas à couvrir leurs besoins de base, et ils doivent souvent demander de l’aide à leurs voisins. La dégradation des conditions de vie et la dévaluation de plus de 92 % de la livre libanaise entre février 2021 et février 2022 ont obligé environ 60 % des familles du pays à réduire leurs portions et 41 % à diminuer leur nombre de repas⁸.

« Ma fille Ana est divorcée. Elle a quatre enfants et s’occupe également des deux orphelines. Elle a été blessée dans l’explosion et a dû démissionner pour pouvoir se soigner. De plus, elle ne peut pas travailler où elle veut parce qu’elle n’a pas fait d’études. Aujourd’hui, elle travaille en tant que femme de ménage et aide-soignante pour personnes âgées. Elle a 30 ans, s’occupe de six enfants et m’aide autant qu’elle peut. Moi aussi, j’essaie de gagner un peu d’argent en vendant les vêtements que je fais au crochet, mais ce n’est pas suffisant », explique Olivia, inquiète.

ACF_LB_FSL_2021_CarmenMoreno_MPCA_BEIRUT_HR_13 © Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Liban

Olivia est une femme libanaise très vulnérable vivant dans des conditions précaires dans le quartier de Bourj Hammoud, à Beyrouth. Elle peut à peine subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Action contre la Faim Liban lui fournit une aide en espèces grâce aux fonds de l’Ambassade de France.

© Carmen Moreno pour Action contre la Faim

Les familles les plus vulnérables luttent chaque jour pour accéder à de la nourriture, à l’eau, au logement, aux soins de santé et à l’éducation, mais c’est de plus en plus difficile. Chez Action contre la Faim, nous essayons de soutenir un maximum de personnes vivant dans des conditions indignes à travers différentes initiatives. Notre programme d’aide financière mensuelle à court terme aide les familles les plus vulnérables comme celles de Zahra et Olivia à couvrir leurs besoins les plus urgents selon chaque situation. Puisqu’il ne s’agit pas d’une intervention standardisée limitée à la distribution d’un type de produit spécifique, comme c’est le cas des kits et des bons alimentaires, qui fonctionnent avec des fournisseurs donnés, l’aide financière permet aux bénéficiaires de choisir ce qu’ils veulent acheter, et ils peuvent également l’utiliser pour payer des services et satisfaire d’autres besoins non alimentaires. Grâce à cela, Zahra a pu acheter des meubles pour son appartement.

« Cela m’aide beaucoup. Par exemple, j’ai pu acheter une armoire. Avant, nous rangions nos vêtements dans des cartons. J’ai aussi pu acheter des canapés. Avant, nous nous asseyions par terre. Et j’ai pu commencer à remplir notre frigo. La première fois que j’ai reçu de l’argent, j’étais tellement contente que je me suis mise à pleurer. Avant, notre frigo était toujours à moitié vide, je n’avais pas assez pour acheter des couches pour mon bébé, ni même du pain… Je devais sans cesse demander de l’aide à mes voisins. Sans cet argent, nous serions probablement à la rue. »

Olivia bénéficie elle aussi de cette aide financière mensuelle et assure que, sans cela, elle ne pourrait pas acheter les produits nécessaires à la bonne alimentation de ses six petits-enfants.

« Chaque 27 ou 28 du mois, mes petites-filles me demandent si nous avons reçu l’aide, parce qu’elles savent qu’elle est sur le point d’arriver. Elles l’attendent avec impatience, parce que lorsque nous la recevons, je vais immédiatement acheter du poulet et de la viande. C’est le seul moment du mois où nous pouvons manger quelque chose de spécial », nous confie-t-elle.

La dernière enquête publiée par le secteur de la nutrition au Liban, menée par l’UNICEF en collaboration avec Action contre la Faim, a révélé qu’environ 200 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de sous-nutrition dans le pays. Il peut s’agir d’anémie, d’un retard de croissance, d’émaciation ou d’une perte de poids visible, et tout cela entraîne des conséquences tragiques à vie, voire sur plusieurs générations⁹. Si des mesures ne sont pas prises rapidement, il est fort probable que ces chiffres montent en flèche. En comparaison avec 2012, le rapport montre également une chute du taux d’anémie et de la pratique de l’allaitement exclusif chez les femmes, ainsi qu’un retard de croissance chez les plus petits dans le cas de la population réfugiée.

Bien que l’aide financière ait été un succès, permettant aux familles bénéficiaires d’accéder à une alimentation adéquate, diversifiée et riche en nutriments, cette solution n’est pas durable. Une approche multisectorielle préventive est nécessaire de toute urgence. En effet, cela pourrait augmenter les chances de survie des enfants. Même si Action contre la Faim et les autres acteurs du monde humanitaire multiplient leurs efforts, les besoins sont de plus en plus inquiétants, et le déclin du pays est progressif et incessant. Des milliers de familles qui n’avaient auparavant jamais eu à se soucier de mettre de la nourriture sur la table se retrouvent soudainement plongées dans la misère.

« Tout ce que je demande, c’est que mes enfants puissent bien manger et être heureux », conclut Olivia.


¹ Nous préférons ne pas révéler le véritable nom des personnes interrogées et des membres de leurs familles afin de protéger leur identité.

² Rapport des Nations unies, Évaluation de la vulnérabilité des réfugiés syriens 2021, 28 janvier 2022. https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/WFP-0000136288.pdf

³ Administration centrale des statistiques du Liban, Enquêtes économiques, L’inflation en chiffres. http://www.cas.gov.lb/index.php/economic-statistics-en

⁴ Communiqué de presse des Nations unies, 29 septembre 2021. https://reliefweb.int/report/lebanon/un-syrian-refugees-lebanon-struggle-survive-amid-worst-socio-economic-crisis-decades

⁵ Rapport des Nations unies, Évaluation de la vulnérabilité des réfugiés syriens 2021, 28 janvier 2022. https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/WFP-0000136288.pdf

⁶ CESPAO, « La pauvreté multidimensionnelle au Liban : une réalité douloureuse et des perspectives incertaines », printemps 2021. https://www.unescwa.org/news/escwa-warns-three-quarters-lebanon%E2%80%99s-residents-plunge-poverty

⁷ PAM, fiche pays du Liban pour octobre, 28 novembre 2021. https://reliefweb.int/report/lebanon/wfp-lebanon-country-brief-october-2021

⁸ OCHA, L’augmentation des besoins humanitaires au Liban, avril 2022. https://reliefweb.int/attachments/57e96fcf-a37c-34c6-88a1-8da363455f01/Increasing%20Humanitarian%20Needs%20in%20Lebanon%202022.pdf ; Rapport de l’UNICEF, Liban : l’avenir des enfants en jeu, juin 2021. https://www.unicef.org/press-releases/lebanon-escalating-crisis-puts-children-risk-majority-families-cannot-afford-meet

⁹ Enquête sur le secteur de la nutrition au Liban, Rapport de SMART sur l’enquête nationale sur la nutrition, 25 février 2022. https://www.unicef.org/lebanon/media/7921/file/National%20Nutrition%20SMART%20Survey%20Report%20.pdf

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