Excitant, exotique, avec un petit goût d’aventure ! Madagascar est une destination de rêve dont j’ai beaucoup entendu parler sur ma chaîne télé préféré, Discovery: la nature unique, les lémuriens et les caméléons. Notre tâche principale sera de collecter des informations sur le terrain et ensuite de faire une analyse contextuelle qui nous permettra d’identifier les différents facteurs contribuant à la sous-nutrition des enfants dans le pays.
Le choix est fait. Nos collègues, qui ont visité le pays quelques mois auparavant, ont identifié une petite zone du Grand Sud, enclavée entre le Grand Plateau Mahafaly et la rivière Onilahy, à l’intérieur de la Région Atsimo Andrefana.
Ca y est, c’est parti ! L’équipe est constituée d’une collègue spécialiste en sécurité alimentaire, une psychologue et moi, la nutritionniste du groupe. Après nous être présentées aux autorités locales, administratives et techniques, nous nous sommes rendues sur le terrain : un voyage de 3 heures et demi sur une piste noire qui part de Tuléar, ville touristique sur la côte.
C’est la Somalie et pas le Madagascar de Discovery! Les paysages sont arides, beaucoup de sable, très peu de verdure. Sur la route, le peu de zones vertes est en train de brûler, même les nids des oiseaux partent en feu. « Ce sont les défriches, ou l’agriculture sur brûlis, une agriculture extensive impactant gravement la nature», me dit ma collègue Food sec.
Autre chose qui nous étonne : des bâtiments énormes, bizarres, avec dessus des stèles sculptées en bois : « des tombeaux » nous dit notre guide. « Les gens économisent toute leur vie pour pouvoir se payer un enterrement pharaonique et abattre un maximum des zébus ! Les gens ne mangeraient jamais les zébus en dehors d’un enterrement, et même s’ils ont faim ! », continue notre guide.
Le manioc, unique ressource pour toute la famille
A notre arrivée, nous avons visité de nombreux villages, rencontrer les communautés locales, les hommes, les femmes, leurs enfants, visiter les centres de santé, discuter avec leur personnel. Partout, nous étions accueillis avec enthousiasme et bonne volonté.
Avant de se rendre dans les villages, nous devions toujours passer la veille, rendre visite aux chefs : une tradition locale leur permet de prévenir toute la communauté de l’arrivée de « vazaha » (dénomination locale des étrangers) et surtout… pour que les enfants n’aient pas peur.
A première vue, les enfants ont l’air bien, ils grignotent quelque chose… mais quoi ? Sauterelles, figues de barbarie, un petit fruit de tamarin séché. Dans les maisons, que mangent les familles le matin ? Manioc bouilli. A midi ? Manioc. Le soir ? Encore du manioc. Que donne-t-on pour sevrer les bébés ? L’eau du manioc bouillie. Et c’est tout ?
Les mamans aimeraient donner mieux à leur bébé, mais les villageois ne peuvent pas produire plus que du manioc : Pas de pluies depuis un bon bout de temps, les sources d’eau sont presque sèches. A part quelques pompes à eau installées récemment par une ONG locale dans quelques villages chanceux, l’eau est puisée dans de petits puits creusés par les villageois. L’eau dans les barrages est presque à sec…
Conversations avec des femmes
Une femme qui allaite sa petite fille lui a construit un petit jouet avec un système de perfusion.
« Comme ça elle sourit et je suis heureuse. Mais je n’ai pas trop de lait… »
Et comment vous faites ?
« Je prends cette cuillère en bois, je la frotte contre un caillou avec un peu d’eau et après j’applique cette eau sur moi. Ça marche à chaque fois ! »
Dans les centres de santé, les services nutritionnels fonctionnent bien mais pas l’hôpital. Le système de santé s’érode progressivement: les financements des bailleurs de fonds ont diminué, suite à l’instabilité politique qu’a connue Madagascar ces dernières années. Un manque de financements qui met en danger tous les progrès qui ont été accomplis avant la crise politique.
Plus on cherche, plus on trouve ! Sècheresse, sauterelles, culture, traditions, problèmes structurels graves, enfants de petits poids à la naissance, malnutrition chronique. Un coin de terre oublié.
Après une semaine sur le terrain, une diarrhée, suivie d’une évacuation médicale, nous voilà en route vers Tana : il faut consolider, il faut analyser, et oui, définitivement, les besoins sont là ! La suite ? Action!