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Entre exactions, psychose et absence quasi-total des services de l’Etat dans l'arrière-pays

Dès que l’on sort de la capitale Bangui, ce qui frappe : c’est l’absence. Absence de camions, voitures, motos ou même de vélos sur les routes ; absence des traditionnels animaux qui viennent d’habitude toujours « se jeter » sous les roues des voitures dès qu’on entre dans un village : pas de chiens, ni  poules, ni chèvres. Rien. Il faut même parfois un petit temps pour enfin apercevoir les hommes et s’assurer que l’on est bien dans des contrées habitées ; pas seulement perdues en pleine brousse. Car les hommes se cachent encore bien souvent par peur des exactions.

route Kemo - RCA - septembre 2013 - LGR (1) (Large)

La psychose des habitants des zones rurales

C’est ce que nous confirme, Mahamat Sélek, le chef de village de Féré, dans la région de la Kémo à 3 heures de route de Bangui : « Au moment de l’avancée des troupes en décembre et jusqu’en mars dernier, quand le gros des troupes ont quitté la zone, les habitants ont vécu caché en brousse. Mais ce n’’est pas terminé : on a peur et on sait qu’il y a encore des éléments armés qui commettent des exactions. Il y a régulièrement des incidents et des rumeurs, les villageois se tiennent toujours prêts à repartir en brousse. »

En traversant, la ville de Sibut, préfecture de la région de la Kémo, on se rend facilement compte de ce qu’ont dû être les derniers mois depuis la prise de pouvoir : le tribunal, la mairie, la préfecture et la sous-préfecture ont été complètement pillés. Il n’y reste rien. Les écoles également ont été largement pillés : il n’y reste pas une porte ni une table d’écolier. Dans le village de Féré, comme dans beaucoup de villages de la région, le centre de santé a également été complètement pillé. Tous ces services de l’état, plus de six mois après le coup d’état, n’ont toujours pas recommencé à fonctionner. Faute de moyens pour les reconstruire, d’un personnel qualifié qui a souvent fui vers la capitale, et parfois par peur. « Même si l’école reprenait, les gens ne veulent pas y envoyer leurs enfants en ce moment : ils ont trop peur qu’un incident arrive les obligeant à fuir en urgence dans la brousse. Les familles préfèrent rester toute ensemble toute la journée, plutôt que de prendre le risque de se retrouver séparé » explique Mahamat.

Une situation d’anarchie qui se généralise

Kemo - RCA - rehab de forages - WASH - sept 2013 - LGR (10) (Large)La reprise de l’école et tenter d’apaiser les peurs des habitants est pourtant aujourd’hui la priorité de la nouvelle préfète de la Kémo. De même, le commandement de l’ex-Séléka (Alliance qui a pris le pouvoir en mars dernier) affirme aujourd’hui vouloir le retour à l’ordre et à la paix. Mais, après plus de six mois de chaos, pendant lesquels différents hommes armés appartenant ou non à la rébellion, ont fait la loi comme ils l’entendaient sur de vastes parties du pays, ce retour à l’ordre est largement compromis. « Depuis toujours des pans entiers du territoire centrafricain sont en dehors de tout contrôle de l’Etat. La particularité en ce moment, c’est que cette situation d’anarchie se généralise à tout le pays » explique Clément Cazaubon, chef de mission d’ACF en Centrafrique. Des phénomènes de contre-rébellion se mettent même en place dans certaines zones du pays donnant naissance à de nouveaux affrontements sanglants et une détérioration encore plus durable de la situation, dont les populations civiles sont une nouvelle fois les premières victimes. « Aujourd’hui, la Centrafrique est une véritable ‘peau de léopard’ avec des zones opaques dans lesquelles personne ne sait exactement ce qu’il se passe. Le manque de sécurisation de ces zones et les difficultés d’accès aux populations sont notre principal frein aujourd’hui pour délivrer une aide humanitaire dont la population à cruellement besoin » poursuit-il.

Dégradation de la situation humanitaire

Farel - Kemo - RCA - prog FS distrib semences - sept 2013 - LGR (16) (Large)Le fait de vivre en brousse, en effet, s’il a permis à la majorité des habitants de garder la vie sauve n’a pas été sans conséquence, comme  Farel Bongo, un jeune agriculteur : « j’ai vécu avec ma femme et mon enfant de 3 ans dans la brousse. On était une centaine de familles dans un campement précaire. Certains avaient des huttes, d’autres, comme moi et ma famille, vivions sous les arbres. On était loin du village, donc loin des puits aussi. On était obligé de boire dans des marigots. On ne mangeait que les produits de la cueillette : des feuilles ou de l’igname sauvage. On avait tous faim. Beaucoup d’enfants étaient mal alimentés et souffraient de diarrhées à cause de l’eau. Certains en sont morts. » Après avoir fait des allers et retours pendant un temps entre son village et le campement en brousse, Farel est revenu vivre au village « J’ai encore peur. Il y a toujours des petits pillages : de poules ou de chèvres par exemple. En ce moment avec ce qu’il se passe plus au nord, je me pose la question de repartir en brousse.» Farel a en effet été plus qu’échaudé : au moment de l’avancée des troupes, il a été emprisonné et torturé pendant 3 jours.

Comme beaucoup d’habitants, il manque aujourd’hui de tout : il n’a pas pu cultiver comme il le voulait du fait des pillages de semences, de l’insécurité qui les a empêchés de préparer correctement les terres, du manque d’argent pour engager des travailleurs journaliers et des problèmes d’approvisionnement des marchés. Aujourd’hui, il cherche uniquement à vivre en paix, à pouvoir faire vivre sa famille, et à cultiver ses champs. Pour l’aider à atteindre cet objectif, ACF lui a distribué à lui ainsi qu’à 3300 autres familles de la région, des vivres et des semences afin qu’ils puissent reprendre au plus vite leurs activités agricoles et tenter de se remettre de cette crise. C’est donc dans le champ de maïs qu’il a pu semer grâce à ces distributions, qu’il pose aujourd’hui ; malgré tout, inquiet pour l’avenir « Peu importe le camp des guerriers: ils sont des armes et ça fait peur » conclut-il.

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