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ach_haiti_2012_alfons_rodriguez-hti-2011-12-21-1.jpg © Alfonso Rodriguez pour Action contre la Faim

Communiqués de presse

Lutte contre la sous-nutrition

La France déclare forfait ?

ach_haiti_2012_alfons_rodriguez-hti-2011-12-21-1.jpg © Alfonso Rodriguez pour Action contre la Faim

En effet, la communauté internationale semble enfin prendre la mesure d’un enjeu trop souvent absent des discussions internationales puisque la lutte contre la sous-nutrition fait l’objet d’une réunion spécifique organisée dans le cadre du G8 sous présidence britannique.

 

Le Sommet « Nutrition pour la Croissance » qui se tient le 8 juin prochain réunit les pays membres du G8 et les pays du Sud pour accélérer la mobilisation internationale et débattre autour des initiatives à mener pour lutter efficacement contre la sous-nutrition.  La France, pourtant engagée dans ces réflexions et mobilisée sur plusieurs initiatives internationales, n’a pas confirmé sa présence. Pour la société civile française, cette absence envoie un signal particulièrement négatif sur le niveau de mobilisation française dans le combat contre la sous-nutrition et l’insécurité alimentaire malgré les ambitions affichées.

 

Aujourd’hui, les autorités françaises sont dans l’incapacité de produire une évaluation précise des financements français dédiés à la lutte contre la sous-nutrition. Alors que la communauté internationale se réunit dans quelques jours à Londres dans le cadre du Sommet pour la nutrition et la croissance, ce manque de lisibilité est utilisé pour ne pas fixer le montant de la contribution française à la lutte contre la sous-nutrition

 

Pourtant, un récent rapport publié en avril 2013[1] fait état du niveau de financements des principaux bailleurs dans ce domaine. Pour la France, les résultats sont éloquents puisque moins de 2% de l’APD française soit 160 millions d’euros sont consacrés à la lutte contre la sous-nutrition sur les 9 milliards d’euros annuels.

 

Ce très faible niveau d’engagements financiers français est en réelle contradiction avec des engagements politiques qui se sont multipliés ces dernières années :

 

    • La France est membre de l’alliance des donateurs du Mouvement pour le Renforcement de la Nutrition (Scaling Up Nutrition-SUN)  qui réunit, sous l’égide du représentant des Nations-Unies pour la sécurité alimentaire, l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre la sous-nutrition (bailleurs de fonds, ONGs, centres de recherche, gouvernements du Sud..). Le SUN s’est fixé l’objectif ambitieux de révolutionner la manière dont le monde répond au problème de la sous-nutrition. La moitié des pays identifiés comme prioritaires[2] par la France ont adhéré au mouvement et attendent un soutien concret pour déployer des réponses de grande ampleur.

 

    • A l’échelle nationale, la France s’est dotée en 2010 d’une stratégie « Nutrition dans les pays en développement » qui fixe deux objectifs prioritaires ; – Aider les pays à détecter, à prévenir et à traiter la sous-nutrition chez la femme en âge de procréer et l’enfant de moins de 2 ans ; – Contribuer à une mobilisation internationale plus efficace contre la sous-nutrition.

 

    • Enfin, le Conseil européen des affaires étrangères qui s’est tenu les 27 et 28 Mai derniers, et auquel assistait le Ministre délégué au développement Pascal Canfin, vient d’adopter une stratégie ambitieuse pour la réduction de la sous-nutrition infantile. Les conclusions du Conseil[3] invitent notamment les Etats membres à renforcer leur soutien technique et financier sur  cette question.

 

 

 

En dépit d’un contexte budgétaire difficile, la France peut renforcer sa mobilisation en matière de lutte contre la sous-nutrition. Nos organisations appellent le gouvernement à :

 

1/ Accroître significativement la contribution française à la lutte contre la sous-nutrition et l’insécurité alimentaire

 

2/S’engager plus fortement pour une lutte efficace contre la sous-nutrition au sein des initiatives globales

 

3/ Inscrire la nutrition et la sécurité alimentaire comme priorité dans la future loi d’orientation et de programmation sur le développement

 

 

 

1/ Accroître significativement la contribution française à la lutte contre la sous-nutrition et l’insécurité alimentaire

 

Alors que la sous-nutrition est reconnue comme l’un des obstacles majeurs au développement des pays, la France n’y consacre pas plus de 2% de ses dépenses  au titre de l’aide publique au développement. Pourtant, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, le gouvernement entend mieux dépenser son aide  en concentrant ses efforts sur des interventions dont les impacts seront déterminants. En 2012, des économistes du monde entier parmi lesquels 4 prix Nobel d’économie ont travaillé pour identifier les interventions les plus efficaces pour atteindre le bien-être de l’humanité. C’est la lutte contre la malnutrition que l’on retrouve en tête de liste estimant que pour 1 dollar investi dans la nutrition, on obtient 30 dollars de retour sur investissement[4].

 

Outre l’aide publique au développement, d’autres moyens de financements innovants doit être mobilisés. L’annonce récente du Ministre Pascal Canfin concernant l’utilisation d’une partie des revenus de la Taxe sur les Transactions Financières (TTF) sur un projet d’exemptions de soins pour 2 millions d’enfants au Sahel est réellement encourageante.

 

En réalité, il existe de nombreuses opportunités pour accroître significativement la part d’APD consacrée à la lutte contre la sous-nutrition française consacrée à travers un meilleur ciblage des projets à fort impact nutritionnel dans les programmes de santé ou de sécurité alimentaire :

 

 En intégrant la prise en charge de la sous-nutrition dans les programmes d’accès aux soins

 

La sous-nutrition est en premier lieu une urgence de santé publique qui touche prioritairement les enfants. Aujourd’hui, plus d’1/3 des décès des enfants de moins de 5 ans sont liés à la sous-nutrition dont la reconnaissance comme pathologie, au même titre que le paludisme ou la tuberculose, n’est pas acquise. L’UNICEF estime que seulement 10% des enfants affectés par la sous-nutrition aigue sévère ont accès à un traitement. Il est donc indispensable d’intégrer la prise en charge de la malnutrition dans le paquet minimum de soins infantiles.

 

Lors du sommet de Muskoka en 2010 la France s’est engagée à débourser 500 millions d’euros additionnels en faveur de la santé maternelle et infantile sur la période 2011-2015. Alors que la sous-nutrition infantile représentait un axe prioritaire d’investissement, les données disponibles démontrent que les financements n’ont pas suivi. A titre d’exemple, en 2011, seuls 6% des projets AFD en santé maternelle et infantile ont concerné la sous-nutrition. 

 

Il est essentiel de s’assurer que les projets d’accès aux soins financés par la France incluent la prise en charge de la malnutrition au même titre que les autres interventions nécessaires à la survie des enfants. C’est cette approche intégrée de la santé infantile qui doit être pleinement adoptée.

 

En mettant la nutrition et la sécurité alimentaire au cœur des engagements français en matière d’agriculture

 

Une étude récente démontre que la très grande majorité des projets français engagés au titre de l’initiative de L’Aquila pour la sécurité alimentaire ne contribuent en fait pas réellement à améliorer la situation alimentaire et nutritionnelle des populations. Seul 1% des projets français dans le secteur agricole vise d’ailleurs à améliorer la nutrition. Dans ce contexte, l’Agence Française de Développement (AFD) vient de s’engager à consacrer 15% de l’ensemble de ses ressources à la sécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne entre 2013 et 2016 dans le cadre d’un nouveau Cadre d’Intervention Sectoriel, qui fixe clairement la réduction de la sous-nutrition comme un objectif transversal.

 

Afin que ces financements puissent avoir réellement un impact sur la sécurité alimentaire et la nutrition, cet engagement doit se concrétiser par une priorité accordée à des projets à fort impact sur la vulnérabilité nutritionnelle des populations en soutenant par exemple la promotion de filières alimentaires à travers l’appui à la production d’aliments diversifiés ou enrichis nutritionnellement, la promotion des cultures maraîchères et du petit élevage ainsi qu’une action ciblée en faveur des communautés les plus vulnérables.

 

L’AFD doit s’engager à améliorer son impact en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle en augmentant significativement le pourcentage de projets concernés et se dotant d’une méthodologie permettant une meilleure orientation des projets.

 

2/ S’engager plus fortement pour une lutte efficace contre la sous-nutrition au sein des initiatives globales

 

Soutenir les pays engagés dans l’initiative mondiale contre la sous-nutrition (SUN) 

 

La stratégie française définit comme axe prioritaire de « rendre plus efficace la mobilisation internationale contre la malnutrition ». Cet engagement doit se traduire par une implication renforcée de la France dans le Mouvement SUN en soutenant concrètement les pays engagés dans des plans de réduction de la sous-nutrition et en se proposant comme coordinateur-bailleur. D’autant que de nombreux Etats mobilisés font partie des pays ciblés prioritairement par l’aide française.

 

Enfin, les partenaires de cet effort mondial (gouvernements, la société civile, agences des Nations-Unies) travaillent actuellement sur une facilité innovante pour financer la lutte contre la sous-nutrition. Fort de son expertise sur les financements innovants et de son rôle au sein  du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, la France doit apporter son appui technique pour l’élaboration et la mise en oeuvre de ce nouveau mécanisme.

 

Défendre la sécurité alimentaire et nutritionnelle au sein de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition

 

 

 

La France est membre de la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition, une initiative lancée par le G8 en 2012 qui vise à promouvoir l’investissement privé dans le secteur agricole dans 6 pays africains pilotes et sortir 50 millions de personnes de la pauvreté d’ici 10 ans. Néanmoins l’objectif affiché de renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des plus vulnérables est remis en cause par la présence de nombreuses entreprises multinationales (notamment des semenciers et producteurs d’OGM, acteurs de la pétrochimie, spéculateurs sur les cours des matières premières agricoles ou encore producteurs d’agrocarburants) qui sont au cœur de l’initiative.

 

En tant que pays membre, il est déterminant que la France encourage les Etats du G8 à préserver les intérêts des populations en situation de vulnérabilité nutritionnelle. Il s’agit notamment de s’assurer que la mise en œuvre des Directives Volontaires sur le foncier constitue un préalable à tout projet de la Nouvelle Alliance ayant une empreinte foncière. Par ailleurs, la valeur ajoutée en matière de lutte contre la sous-nutrition des projets d’investissements doit être garantie et mesurée effectivement par des organismes indépendants des intérêts privés.

 

La France doit préconiser la mise en œuvre de mécanismes de transparence et de redevabilité qui devront s’appliquer aux entreprises privées nationales et multinationales ainsi qu’aux Etats du G8 eux-mêmes.

 

 

 

3/ Inscrire la nutrition et la sécurité alimentaire comme priorité dans la future loi d’orientation et de programmation sur le développement

 

Conformément à l’engagement du Président de la République, un projet de loi  d’orientation et de programmation sur la politique de développement sera présenté au Parlement à l’automne 2013. Cette initiative représente une opportunité déterminante pour définir les grandes priorités françaises et faire coïncider ces priorités avec la mobilisation des dépenses engagées au titre de l’aide publique au développement        .

 

 

La transparence de l’aide est une priorité affichée du gouvernement et le renforcement de la traçabilité des fonds publics demeure une exigence de redevabilité.  Pourtant, la part de l’aide consacrée à la lutte contre la sous-nutrition n’est pas connue officiellement. Action contre la Faim s’est prêté à l’exercice en analysant la base des donateurs du CAD de l’OCDE où l’ensemble des projets doit être répertoriés. Cette analyse met en évidence de nombreuses lacunes dans le reporting effectué par la France. Sur un volume potentiel  de 335 millions d’euros de projets pouvant être comptabilisés, près de 40% n’ont pu être analysés puisqu’ils n’étaient pas renseignés même succinctement.

 

L’évaluation de la contribution française à la lutte contre la sous-nutrition et l’insécurité alimentaire représente une condition essentielle pour une meilleure allocation des ressources en la matière et une nécessité pour son contrôle par la représentation citoyenne.

 

 

 

 

 

 

 

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