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Témoignages
Nous continuons de suivre Elisée alors qu’elle remonte le chemin entre la source et sa maison accompagnée de deux autres habitantes de la maison, elles aussi déplacées : Clarissa et Laurette. Elles font ce trajet pour puiser de l’eau trois fois par jour pour apporter l’eau nécessaire à toute la vie de la maison. En tout, chaque trajet leur prend plus de 30 mn aller-retour, sans compter les risques de glisser dans le petit chemin escarpé qui mène à la source à flanc de colline. C’est ce dont discute Stanislas, animateur communautaire pour Action contre la Faim, pendant ce temps avec certaines personnes du village : comment sécuriser un peu plus ce chemin escarpé que toutes les femmes du quartier empruntent plusieurs par jour avec parfois plus de 20 litres d’eau sur la tête.
Arrivés chez Elisée, Laurette et Clarissa, nous découvrons la petite maison qu’ils louent et les autres membres de la famille.
Tous, dont le mari d’Elisée, expriment les difficultés à vivre ici : « nous n’arrivons pas du tout à faire face au prix que cela coûte de vivre ici : en plus de louer la maison, nous devons acheter des feuilles de manioc par exemple : on n’a jamais acheté ça avant, on les cultivait nous-mêmes dans notre village. Mais ici, il faut tout acheter et les prix n’arrêtent pas d’augmenter : un seau de manioc coutait 2000 franc congolais il y a quelques mois, maintenant cela coute entre 4500 et 5000 francs : ça a plus que doublé ! »
Du fait des violences dans toute la région du Kasaï depuis près d’un an maintenant et de la fermeture de la frontière avec l’Angola voisin, la circulation des produits alimentaires est devenue beaucoup plus compliquée : certains marchés ont arrêté de fonctionner, certains produits non disponibles ou en quantité insuffisante, et les prix s’en ressentent. Selon les évaluations menées par les équipes d’Action contre la Faim dans la région, les prix ont en moyenne doublés et même triplés par endroit. Les conséquences ont été immédiates dans cette région historiquement parmi les plus pauvres de RDC : les familles ne consomment en moyenne qu’un seul repas par jour, réduisent les quantités et ne consomment que des aliments très pauvres nutritionnellement.
Dans le cas de la maison d’Elisée, selon son mari : « il est 11h du matin, et nous ne savons pas encore si pourrons manger quelque chose aujourd’hui : parfois je donne un coup de main au garagiste à côté pour réparer les motos et il me donne un peu d’argent. Sinon, nous vendons quelques-uns de nos vêtements. Peut-être que ce ne sera que quelques feuilles de manioc pour aujourd’hui.»
La pénurie alimentaire grandit dans toute la région. Selon une récente analyse : 2.8 millions de personnes dans les Kasaï seraient aujourd’hui en situation de « crise » alimentaire, et une partie d’entre eux, en situation « d’urgence » alimentaire ; la dernière étape avant une famine que certains experts commencent à craindre au vu de la détérioration de la situation. Mais faute de moyens et de mobilisation, la réponse de la communauté humanitaire tarde à venir pour soutenir ces familles : les quelques ONG aujourd’hui sur le terrain ne parviennent pas à faire face à la situation et de plus en plus d’enfants, notamment, glissent chaque jour dans la malnutrition.
République démocratique du Congo
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