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En Immersion
À Madagascar, le changement climatique mondial exacerbe et exacerbera de plus en plus des phénomènes délétères locaux, déjà présents.
80 % de la population gagne moins de 1,9 dollars par jour. La sous-nutrition a provoqué des centaines de morts entre 2020 et 2022, dans le Sud. Et la croissance démographique surpasse les 3% par an.
Mais Madagascar n’est pas condamnée à la pauvreté, à la désertification, et à la violence. Des agents luttent déjà contre ses maladies. Ici, la forêt repousse ; là, le corail revit ; là-bas, la terre mère nourrit ses enfants.
Pour nous plonger dans ces métabolismes de la Grande Île, nous partons depuis la ville de Tuléar, en 4×4, pour un road trip dans les entrailles du Sud-Ouest.
Notre route commence par des forêts sèches, denses, pudiques car elles se ferment au regard en quelques mètres derrière les épineux. En bordure, on aperçoit quand même les fantsilotra (prononcer “fantsiloutche”) mi-arbre mi-cactus, les pachypodium, les euphorbes, ainsi que les fins flamboyants et les épais moringa. Et les seigneurs baobabs bien sûr. Sur certains, les plus massifs, une main inconnue a creusé une ouverture à quelques mètres de hauteur, de la taille d’un lutin…
A l’approche des villages, les arbres s’éclaircissent toujours… A l’échelle nationale, Madagascar a perdu 44 % de ses forêts depuis les années 1950. Les arbres jouent pourtant le rôle de tampon face aux divers maux. Les racines retiennent le sol et l’eau, favorisent la biodiversité qui favorise les cultures… A l’inverse, un sol nu laisse filer sa couche fertile dans les rivières, qui se bouchent. Dans le pays, la déforestation est toujours d’origine humaine et locale, en vue de cultures sur brûlis et de fabrication de charbon de bois. Ces dernières années, Madagascar se vide de sa terre rouge jusque dans l’océan, au point que, vue par satellite, l’île saigne.
Mais dans les environs d’Ejeda, soutenus par l’association ADES, des paysans replantent leur forêt. « J’ai appris à l’école qu’il faut des arbres pour avoir de l’eau et de l’air propre », récite Mme Mahaka, 51 ans, qui vit avec son mari, ses nombreux enfants et ses centaines de jeunes pousses en petits pots, qui attendent de s’enraciner dans l’Île Rouge pour de bon. Bois de rose, katrafay, acacia, jujube… Toutes renferment une utilité agricole et/ou médicinale.
L’immense majorité de la population malgache mise sur l’agriculture. “Les trois grands défis sont l’accès à l’eau, les biopesticides, et l’accès aux semences”, résume Claudine Jacquemet, coordinatrice d’Action contre la Faim, dans toute la région de Tuléar.
A Ankaray, un village au nord de Tuléar, l’ONG a fourni des semences, notamment des pois du cap. Un produit qui se vend très bien, à condition que la productivité suive… « Avant, on faisait cinq tonnes à l’hectare, et aujourd’hui, moins d’une tonne », déplore Mme Hoeto. Le problème vient des chenilles, des pucerons… « C’est quand on a commencé à cultiver et traiter le coton, en 2006, que les insectes sont apparus… On dirait que l’insecticide a fait venir des insectes », s’interroge l’agricultrice. L’usage de pesticides a probablement déséquilibré l’écosystème et supprimé un prédateur important.
Pour renforcer les paysans et paysannes, Action contre la Faim a aussi encouragé la création de quatre Associations Villageoises d’Epargne et de Crédits (AVEC). Il s’agit de caisses communes d’assurance sociale et de micro-crédit, qui comptent entre 15 et 30 membres, en grande majorité des femmes. Et, ce jour-là, c’est la réunion hebdomadaire de l’une d’elle. Les adhérentes sont assises autour de la caisse ouverte, qui a trois cadenas, avec trois clés, et trois gardiennes. « Nos membres achètent du matériel agricole, des semences, et on n’a plus besoin de demander de l’argent au mari », se félicite la Présidente Tsarovy Sosety, 34 ans. En tout, dans le village, cinq autres AVEC se sont créés spontanément devant le succès des premières.
Le dernier problème d’Ankaray comme de tout le Sud malgache, c’est l’eau. Les cyclones et leurs pluies diluviennes risquent de détruire les cultures ou les habitations. En février 2013, par exemple, le cyclone Haruna a pulvérisé ses digues et envahi toute la ville de Tuléar… Mais la plupart du temps, c’est le manque. Action contre la Faim a donc construit quatre forages et réhabilité 36 mares communautaire, dans toute la région. Les mares, profondes d’environ 1,50 mètre, ont été creusées jusqu’à une couche imperméable afin que l’eau de pluie qui s’est accumulée ne puisse se diluer dans le sol.
Entre 2020 et 2022, la région a connu une sécheresse exceptionnelle. La malnutrition sévère a surgi et pris des centaines de vies dans tout le Sud de Madagascar. “Les paysans ont tout vendu lors de cette sécheresse, bétail, semences…”, se rappelle Claudine Jacquemet. Pour répondre aux situations d’urgence, Action contre la Faim finance le Centre de récupération nutritionnelle intensive (CRENI) de l’hôpital d’Ampanihy. Sur les trois dernières années, ses équipes médicales ont traité près de 250 enfants, venant de toute la zone.
Ici, l’ONG répare aussi les troubles psychosociaux de la relation mère-enfant due à la sous-nutrition. Ou comment la sous-nutrition sape l’amour et le vivre-ensemble malgache, le célèbre “fihavanana”, littéralement “la parenté”. Albertine Sambisoa, 32 ans, travailleur psychosocial chez Action contre la Faim, raconte : « Quand elle cherche sans cesse à manger, la mère n’a pas le temps de s’occuper de l’enfant, de jouer avec, de l’allaiter… Vous savez, l’enfance forge la personnalité, alors il peut y avoir des conséquences à long terme. Le futur adulte pourra se sentir exclu, mal-aimé. Il ne saura pas comment aimer ses propres enfants ou les autres.”
Les richesses de « l’eau sacrée » (la traduction littérale de “mer” en malgache) s’épuisent. “Avant, on prenait environ 100 kilogrammes de poisson par pêche, et maintenant c’est 5 à 30”, chiffre Jacques, un notable du village de pêcheurs d’Ambohibola. Selon lui, le problème viendrait du nombre de pêcheurs qui augmente sensiblement car de nombreux paysans abandonnent leurs terres improductives et s’en remettent à l’océan. Mais plus largement, ceux qui vivent de la mer pratiquent souvent des méthodes de pêche non soutenables, comme la pêche à pied sur le récif corallien, la principale cause de mort du corail.
La solution pour une source de revenu vertueuse pourrait passer par les algues. A Ambohibola, les locaux ont noué une collaboration avec Ocean Farmers. L’entreprise fournit un matériel respectueux de l’environnement et forme les pêcheurs pour qu’ils cultivent une algue utilisée en agroalimentaire et cosmétique. Les paysans de la mer accrochent des boutures sur des cordes tendues dans l’eau. “Certains paysans gagnent jusqu’à 2 millions d’ariary (450 euros) par mois en activité principale, et en activité complémentaire, entre 100 000 ariary et 300 000 (22 et 66 euros)”, chiffre le directeur, Frédéric Pascal.
Mais Ocean Farmers subit une contrainte plus forte que le dérèglement climatique : la concurrence déloyale de collecteurs asiatiques qui achètent la production des paysans, plus cher, mais sans investir, et qui utilise un matériel polluant et du gasoil pour ses bateaux, ce qui empoisonne les algues de tout le lagon. Fin 2021, Ocean Farmers produisait de 6 à 8 tonnes d’algues par mois, et un an après, seulement 2 tonnes…
Nous achevons notre route sur les traces de ces mystérieuses ouvertures dans les baobabs. A Ampotaka, guidés par Velonombiasa, 63 ans, nous progressons difficilement entre les épineux, avant de déboucher sur une « citerne ». En réalité, les locaux ont creusé les baobabs pour en faire une réserve qu’ils remplissent en saison des pluies, en prévision de la saison sèche, par ces petites portes en hauteur. « Personne ne nous a appris, raconte le doyen. C’est en voyant un baobab creusé naturellement qu’on a eu l’idée. » Géniale mesure d’adaptation aux variations climatiques. « Mais aujourd’hui on est trop nombreux, reprend-il. On vide nos réserves avant la pluie… »
Symbole des limites d’une époque, le baobab enseigne aussi l’espoir. « Il dispose de propriétés de régénération exceptionnelles », confirme Cyrille Cornu, le chercheur. Ce qui lui permet, après le creusage, de reformer une écorce à l’intérieur et de rester vivant malgré les milliers de litres en lui. Ailleurs dans les forêts, lorsque les populations en prennent soin, les arbres repoussent toujours. Dans la mer, les ressources aussi attendent de meilleures conditions. « En quelques années, le récif corallien peut se régénérer de manière spectaculaire », assure Gildas Todinanahary. Aujourd’hui, Madagascar est malade. Demain, Madagascar peut renaître.
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