La République démocratique du Congo est un pays riche en ressources naturelles et minières et doté d’un énorme potentiel en matière de développement. Pourtant, le pays fait face à des défis énormes et des situations d’insécurité alimentaire et nutritionnelle prolongées. A l’Ouest du pays, la province du Kwango, pourtant épargnée par les violences, ne fait pas exception.
Le Kwango compte parmi les provinces les plus pauvres du pays. Près de 93 % de la population vit avec moins de 1,90 USD par jour (CAID 2015). Les conditions d’accès à l’eau et l’assainissement sont très limitées : seuls 6% des ménages ont un accès durable à une source d’eau améliorée, et seuls 8% à un assainissement de base (Enquête Démographique et de Santé [EDS] 2013 2014). Les inégalités de genre y sont criantes : une étude de la Banque Mondiale menée en 2017 estime que près de la moitié des femmes n’ont reçu aucune instruction dans le Kwango.
Crise nutritionnelle
La situation nutritionnelle est également extrêmement préoccupante. Près de la moitié des enfants de moins de cinq ans sont trop petits pour leur âge, et 11,6% sont en situation de malnutrition aiguë c’est-à-dire d’un poids trop faible pour leur taille (EDS 2013-2014). Les femmes sont également touchées par la sous-nutrition : plus de 32% de celles-ci souffrent de maigreur
Dans l’ensemble, en 2017, les trois quarts de la province étaient en situation de crise nutritionnelle, avec des taux de sous-nutrition dépassant les seuils d’alerte. De plus la faim est à la hausse : depuis quelques années, de plus en plus d’enfants y sont confrontés.
Pour mieux comprendre cette situation, Action contre la Faim a mené une étude approfondie en collaboration avec le Programme National de Nutrition (PRONANUT) de la RDC et avec l’appui de la coopération britannique (UK AID).
Cette étude avait pour objectifs d’explorer les déterminants de la sous-nutrition et de proposer des options de réponse pour renforcer les capacités des populations à se nourrir et à faire face aux chocs. Elle a placé les communautés au centre de l’analyse, depuis l’identification des besoins jusqu’à l’élaboration de solutions.
Si les causes immédiates de la sous-nutrition identifiées par l’étude sont classiques – à savoir les maladies, les pratiques de soin aux enfants inadéquates et une alimentation insuffisante en quantité et diversité – les causes plus profondes sont multiples et interconnectées. Elles touchent à des enjeux d’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement ; d’accès aux services de santé ; de production agricole et de moyens d’existence ; de pratiques et habitudes alimentaires ; et de pratiques de soin et d’alimentation du jeune enfant. A un niveau plus profond encore, le manque de confiance des populations en leurs capacités d’action collective et en leurs structures communautaires, la faible implication des autorités étatiques et les inégalités de genre contribuent à entraver la résilience nutritionnelle des populations.
Notre intervention
La complexité des causes de la sous-nutrition dans le Kwango rend nécessaire une réponse intégrée. L’étude propose ainsi un cadre d’interventions basé sur les recommandations des populations, pour mieux répondre à leurs besoins sur le long terme. Voici quelques recommandations clés :
- Prendre en compte les différents niveaux de besoins des populations : besoins tangibles (intrants, semences, équipements, outils), besoins en savoirs et savoir-faire, besoins relationnels (ressources sociales) et besoins en matière d’organisation collective
- Mettre en place des interventions intégrées prenant en compte le genre ; la gouvernance ; sécurité alimentaire et les moyens d’existence ; l’eau, l’hygiène et l’assainissement ; la santé ; et les pratiques de soin et d’alimentation
- En particulier, renforcer les capacités de gestion et gouvernance des structures communautaires. Sans que les communautés prennent confiance en elle-même et en leurs capacités d’action collective, les interventions de l’extérieur n’auront pas d’impact durable
- Et travailler au changement des normes de genre défavorables à la résilience nutritionnelle des populations, en lien avec la surcharge de travail et le faible pouvoir décisionnel des femmes, et les comportements des hommes souvent défavorables au bien-être nutritionnel des ménages
- Mettre en place des filets de protection sociaux adaptés, par exemple sous formes de vouchers. En effet, les populations ne sont pas forcément favorables aux transferts monétaires car elles craignent que les ressources ne soient pas gérées de manière à améliorer le bien-être nutritionnel du ménage