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KE_2023_AbelGichuru_SMARTtap05-min © Abel Gichuru pour Action contre la Faim

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Comment l’énergie solaire a transformé toute une communauté au Kenya

Chaque matin, cette mère kényane de trois enfants se réveillait à 6 heures et parcourait plusieurs kilomètres à pied pour atteindre la source d’eau la plus proche. C’était un trajet épuisant et dangereux, car les femmes sont souvent la cible d’attaques violentes de la part de bergers nomades. À son arrivée plusieurs heures plus tard, Habiba devait attendre son tour sous un soleil brûlant pour accéder à un abreuvoir non traité. Le bétail buvait toujours en premier, ce pourquoi elle ne pouvait remplir qu’un seul jerrycan d’eau, voire aucun.

Chez elle, ses trois enfants attendaient impatiemment son retour, affamés après une longue journée sans nourriture ni eau. Dans le pays, près d’un million d’enfants comme eux souffrent de sous-nutrition. Habiba cuisinait avec le peu qu’elle avait, allait se coucher et se réveillait de nouveau à l’aube le lendemain matin pour retourner chercher de l’eau.

En avril dernier, la vie d’Habiba a changé : un système Smart Tap à énergie solaire a été installé près de chez elle à Yaqbarsadi, dans le comté d’Isiolo, au Kenya. Elle n’avait jamais vu une pompe à eau comme celle-ci.

KE_2023_AbelGichuru_SMARTtap06-min © Abel Gichuru pour Action contre la Faim

 

Un distributeur automatique à énergie solaire

 

Smart Tap est un kiosque simple à utiliser, une sorte de « distributeur automatique » d’eau : il suffit d’y appuyer un jeton électronique pour que l’eau s’écoule. Le mécanisme utilise l’énergie produite par les panneaux solaires pour faire couler l’eau, qui est extraite du sol et stockée dans un réservoir de 10 000 litres traité au chlore. La partie avant du distributeur, appelée « Water Hub », est un kiosque électronique équipé d’un capteur sur lequel appuyer les jetons préremplis. Lorsqu’une personne y appuie son jeton, de l’eau s’écoule de l’un des trois tuyaux reliés au réservoir. C’est un système efficace et facile à utiliser. Chaque membre de la communauté reçoit un jeton.

Les jetons sont remplis par le trésorier du Water Hub, Mzee Omar Hagga, un habitant du village. Action contre la Faim lui envoie des crédits d’eau en gros par SMS pour qu’il puisse recharger les jetons de chaque personne.

« Même si vous le réveillez en pleine nuit, il rechargera votre jeton », déclare Habiba en riant.

L’accès à l’eau n’a jamais été aussi facile pour les habitants du village de Yaqbarsadi. Il leur suffit de recharger leur jeton et de puiser l’eau. Le système Smart Tap demande moins d’efforts physiques que les pompes manuelles, tombe en panne beaucoup moins fréquemment et est beaucoup plus sûr que les sources d’eau traditionnelles, qui sont souvent contaminées.

Le personnel d’Action contre la Faim et le service des eaux du comté utilisent un tableau de bord en ligne qui leur permet de suivre la quantité d’eau puisée dans le réservoir. Les données sont affichées sous forme de graphiques qui représentent l’utilisation quotidienne, mensuelle et annuelle du système. C’est un outil très utile pour comparer l’évolution des besoins en eau d’une communauté au cours de différents mois ou saisons.

À Isiolo, il y a deux systèmes Smart Tap pour 330 foyers. Dans un autre comté, à West Pokot, il y a trois systèmes Smart Tap pour 393 foyers, ce qui représente un total d’environ 4 000 personnes, plus les habitants des villages voisins, qui se rendent fréquemment dans les deux communautés. Le tout est supervisé par un comité local de gestion de l’eau.

 

KE_2023_AbelGichuru_SMARTtap01-min © Abel Gichuru pour Action contre la Faim

 

Le comité de gestion de l’eau

 

Avant l’installation du système Smart Tap, la gestion des ressources était à l’origine de nombreux conflits. Pour promouvoir une prise de décision collective, les locaux ont élu un comité de gestion de l’eau composé de cinq personnes représentatives de l’ensemble de la communauté : au moins deux femmes, un jeune et une personne âgée.

Le comité permet à la communauté de gérer son propre système d’eau sans intervention extérieure. Il est chargé de fixer le prix de l’eau, c’est-à-dire combien chaque personne doit payer par jerrycan, et d’économiser des fonds pour les réparations et pour aider les plus démunis.

Les personnes les plus vulnérables, notamment les jeunes enfants et les veuves les plus âgées, ne paient pas.

« Nous n’avons pas tous les mêmes moyens », explique Habiba. « Les personnes les plus fragiles financièrement peuvent demander de l’aide. Leurs voisins leur paient leur eau et la vie suit son cours. »

Le comité a fixé le prix du jerrycan d’eau à 2,50 shillings kényans (KSh), soit moins de deux centimes d’euros. Avant, les villageois payaient vingt fois ce montant, en plus des frais supplémentaires pour ramener les jerrycans chez eux à moto.

Hussein Garbi et les autres hommes de la communauté pouvaient dépenser jusqu’à 600 shillings pour une quantité d’eau qui leur durait une demi-journée. Aujourd’hui, ils paient 500 shillings par mois.

La communauté a élu Hussein Garbi en tant que premier président du comité de gestion de l’eau. Hussein est un homme grand et calme qui vit à Yaqbarsadi depuis 13 ans. Il a donc été témoin de la façon dont Smart Tap a transformé sa communauté, en particulier pour les femmes. « Le réservoir d’Action contre la Faim a beaucoup aidé les femmes », explique-t-il. « Elles peuvent désormais accéder à l’eau plus facilement. »

« Smart Tap a fortement contribué à réduire la violence sexiste. Les femmes peuvent désormais se charger de leurs finances et assumer des rôles décisionnels au sein de leur famille. », nous explique Leo Oketch Awuor, agent EAH d’Action contre la Faim au Kenya

 

KE_2023_AbelGichuru_SMARTtap09-min © Abel Gichuru pour Action contre la Faim

 

« Les femmes peuvent accéder à l’eau plus facilement »

 

Avant l’installation du système Smart Tap, de nombreuses femmes étaient la cible d’intimidations, voire de violences physiques, lorsqu’elles allaient chercher de l’eau. Cela rendait l’accès à l’eau potable encore plus délicat.

« En tant que femmes, ce projet nous a beaucoup aidées. Notre vie a complètement changé », déclare Habiba. Le sourire sur ses lèvres ne laisse pas entrevoir le traumatisme qu’elle a enduré pendant la sécheresse prolongée. Elle utilise Smart Tap tous les jours et a enfin le temps de préparer un repas complet à ses enfants avant l’école. « Grâce au système d’eau à énergie solaire, les choses vont beaucoup mieux. Nous pouvons nous réveiller à 6 heures, aller chercher de l’eau et rentrer chez nous en temps voulu. »

Aucun cas de violence sexiste n’a été signalé à Yaqbarsadi depuis l’installation du système.

« Le système a pour but de garantir un accès à l’eau potable pour tous, hommes et femmes, mais il a surtout aidé les femmes », déclare Leo Oketch Awuor, agent EAH du programme d’Action contre la Faim au Kenya. « Smart Tap a fortement contribué à réduire la violence sexiste. Les femmes peuvent désormais se charger de leurs finances et assumer des rôles décisionnels au sein de leur famille. »

Dans 90 % des foyers, ce sont les femmes qui reçoivent le jeton.

« Plus personne ne peut nous empêcher de puiser de l’eau. Et nous n’avons plus à attendre que les animaux boivent en premier », déclare Habiba. Maintenant qu’elle a plus de temps libre, elle a même commencé à planter un potager pour nourrir sa famille.

 

KE_2023_AbelGichuru_SMARTtap03-min © Abel Gichuru pour Action contre la Faim

 

L’avenir de Smart Tap

 

Plus de deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable, ce qui est inextricablement lié à l’augmentation de la faim dans les pays en développement : sans eau, les cultures et le bétail meurent, et les sources de revenus et de nourriture des populations s’épuisent. Les solutions comme celle-ci sont de plus en plus importantes alors que la crise climatique se transforme peu à peu en crise de l’eau.

Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Les habitants de villages voisins tels que Merti doivent se rendre à Yaqbarsadi pour accéder au système Smart Tap. « Nous les aidons comme nos frères pour qu’ils aient de l’eau et des pâturages pour leur bétail », explique Hussein. Mais cet afflux constant de populations voisines pourrait ne pas être durable compte tenu de la quantité limitée d’eau disponible.

Pour relever ce défi, Action contre la Faim prévoit de s’associer avec les gouvernements locaux afin d’étendre le système à toute la région, voire ailleurs qu’au Kenya. Pour l’instant, ce distributeur automatique d’eau innovant constitue un outil puissant pour promouvoir la résilience des communautés.

« Si le système cessait de fonctionner, la vie à Yaqbarsadi ne serait plus la même », déclare Habiba. « La seule source d’eau alternative est trop loin d’ici. Si le distributeur arrêtait de fonctionner, nous serions obligés de partir ».

Beaucoup de villageois ont passé toute leur vie à Yaqbarsadi, qu’ils considèrent comme leur seul foyer. Habiba prie pour que les choses restent telles qu’elles le sont.

 

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