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En Immersion
Le camp de Kutupalong faisait 25 km². Il a fallu déboiser les collines aux alentours pour permettre l’installation des familles. Au tout début de l’afflux, il n’y avait rien. Ni latrine, ni abri, ni eau, ni nourriture. Uniquement l’épuisement d’avoir fui des jours durant à travers la jungle. Mahadi Muhammad est le directeur local d’Action contre la Faim. Il était présent en août 2017 et se rappelle parfaitement : « le 26 août 2017, les premières personnes ont commencé à affluer. Le lendemain, avec mes équipes nous sommes partis dans le no man’s land à la frontière avec le Myanmar, là où normalement nous n’avons pas le droit d’intervenir. Mais en tant qu’humanitaires, il fallait y aller. J’ai vu des femmes et des vieillards souffrir. Les enfants étaient couverts de boue, on ne voyait que leurs yeux et leurs dents. Nous avons cuisiné et mis des repas chauds dans des véhicules avec de l’eau. Nos psychologues sont venus pour soutenir ces personnes qui étaient traumatisées par l’expérience des violences et de la fuite. Maintenant, la situation s’est améliorée, mais les personnes souffrent toujours. La saison des pluies est en cours et la topographie vallonnée du camp est très dangereuse. Dès qu’il pleut, des rigoles, des tranchées se forment. Les abris ne sont pas assez solides pour résister aux pluies torrentielles. Les enfants souffrent de maladies hydriques. Il y a beaucoup de cas de malnutrition, nous traitons actuellement près de 10 000 enfants sévèrement malnutris. »
Perchés sur les buttes, les abris en bambous et bâches en plastique n’offrent que peu de protection contre la mousson. Réalisés à la hâte, parfois à flanc de colline, ils sont soumis aux aléas climatiques. Le 25 juillet, près de 227 millimètres d’eau sont tombées en 24h, occasionnant des glissements de terrain. Un jour normal pour le Bangladesh. À Paris, entre le 1er décembre 2017 et le 21 janvier 2018, 183 millimètres d’eau sont tombés1.
Rana Rashed est responsable de la gestion du camp 14 : une division parmi les 22 zones qui composent l’immensité de Kutupalong. 33 000 personnes vivent ici. « Nous sommes le lien entre la population réfugiée et les services. Nous veillons à ce que les gens aient accès à l’eau, à la nourriture et aux services de santé grâce aux différentes organisations qui interviennent dans le camp. Chaque mois, nous évaluons le nombre de personnes et l’aménagement des abris. De plus, nous sommes responsables de la sécurité du site. Avec la mousson, le camp s’est transformé en champ boueux. Les collines sont escarpées et glissantes. Nous construisons des escaliers en matériaux durs pour éviter les chutes de personnes. Nous bâtissons des murs de renforcement en bambou pour protéger les chemins et les abris contre l’érosion du sol et les glissements de terrain. Nous édifions aussi des ponts en bambou pour relier chaque colline, afin que les gens puissent traverser les canaux qui serpentent à travers. »
Entre deux rangées de bâtisses, une dizaine d’hommes s’ingénie à réaliser un escalier. Ils ont transporté les tiges de bambou depuis le dépôt à une vingtaine de minutes de marche de là. Ils scient et assemblent la structure des marches qui sera comblée par des sacs en toile plastifiée, emplis de sable et de ciment. Certains font partie d’un programme de « cash for work » : rémunération contre travail.
Lors d’une précédente évaluation de l’impact des glissements de terrain, notre équipe a constaté que plus de 1 000 ménages risquaient d’être détruits ou endommagés à l’intérieur du camp 14. Suite aux fortes pluies du 25 juillet, 22 foyers ont été totalement détruits, affectant plus de 100 personnes.
« Nous coordonnons la réponse à la mousson avec les autres organisations. En plus d’un centre d’une capacité de 1000 personnes, nous avons 250 abris temporaires prêts à accueillir les ménages touchés. Aussi, il y a 45 mosquées, 42 écoles et beaucoup d’autres installations telles que des centres de santé qui peuvent accueillir plus de gens si besoin ». Explique Rana.
Ses équipes sillonnent le camp chaque jour pour sensibiliser les familles aux risques de glissement de terrain et aux mesures de réduction des risques de catastrophes. Issus de la communauté réfugiée, ce sont des volontaires communautaires, rémunérés pour leur implication, ce qui leur permet d’avoir une source de revenus tout en aidant leur communauté. « Nous informons les personnes de la possibilité d’être réinstallées dans un endroit sûr, mais la majorité d’entre elles ne veut pas quitter ce qui est devenu leur maison, même s’il est dangereux de rester. Vous devez les comprendre. Il y a un an, ils fuyaient. C’était difficile pour eux quand ils sont arrivés ici parce qu’au début il n’y avait rien pour les accueillir. Maintenant qu’ils se sont installés, ils connaissent la région, l’endroit où se trouvent les services. Déménager est un grand défi car – à l’exception de l’abri – ils auraient besoin de tout recommencer. De plus, ils ont leur famille autour d’eux, dans le même quartier. S’ils déménagent, ils seront séparés d’une partie de leurs proches. C’est compliqué de les convaincre mais ils doivent penser à leur propre vie, même s’ils ne savent pas de quoi sera fait demain. »
1 http://www.meteofrance.fr/actualites/58301496-hiver-2018-une-pluviometrie-exceptionnelle
Bangladesh
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