Faire un don

Votre navigateur internet n'est pas à jour.

Si vous souhaitez visionnez correctement le site d'Action contre la Faim, mettez à jour votre navigateur.
Trouvez la liste des dernières versions des navigateurs pris en charge ci-dessous.

France covid 19 © Julien Helaine pour Action contre la Faim France

À la Une

Précarité extrême & faim

L’enfer des demandeurs d’asile en France

Sur les 700 hommes qui fréquentent ces structures, 525 ont répondu aux questionnaires et 95 ont participé à des entretiens qualitatifs plus approfondis. Un échantillonnage suffisamment solide pour assurer une représentation fiable de la réalité des conditions d’accueil des exilés à Paris. 

Le rapport “Les oubliés du droit d’asile”, issu de cette enquête, fait le constat alarmant des conditions indignes dans lesquelles vivent les personnes exilées mais également de l’existence de barrières auxquels ils font face pour accéder à leurs droits et aux services. Face à ces constats, les associations se sont accordées autour d’une série de recommandations. 

 

 

Le droit d’asile en France, qu’est-ce que c’est ? Définition 

 

L’asile est la protection accordée par un Etat d’accueil à une personne étrangère qui en fait la demande en raison de craintes d’être persécutée ou exposée à une menace grave dans son pays d’origine.  

Le droit d’asile est un droit de l’homme fondamental reconnu par la Déclaration universelle des Droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention de Genève. 

La personne qui se voit accordée le droit d’asile obtient alors le statut de réfugié ou bénéficie de la protection subsidiaire. 

 

Qui peut demander le droit d’asile en France ? Quels sont les critères ? 

 

La demande d’asile répond à des critères bien précis. Il existe deux formes de protection par l’asile :  

Le statut de réfugié peut être accordé aux personnes qui craignent d’être persécutées ou le sont en raison de leur ethnie, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social par exemple lié à leur orientation sexuelle.  

Les personnes ne correspondant pas à ces critères peuvent bénéficier néanmoins de la protection subsidiaire lorsqu’elles sont exposées à des risques de peine de mort ou d’exécution, de traitements inhumains ou dégradants ou à des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne. Ces risques et menaces doivent survenir dans un contexte de violence généralisée résultant d’un conflit armé interne ou international. 

 

Comment ça marche ? Comment faire une demande de droit d’asile ? 

 

Comme détaillée dans le rapport, la procédure de demande d’asile peut s’avérer longue et complexe.  

En Île de France, les demandeurs d’asile passent obligatoirement par une plateforme téléphonique afin d’obtenir un premier rendez-vous qui leur permet de se pré-enregistrer auprès de la SPADA (Structure du Premier Accueil des Demandeurs d’Asile). Ils reçoivent ensuite une convocation au Guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) qui se décline en deux entretiens. Dans un premier temps, ils sont reçus par les agents de la préfecture et devront déposer leurs empreintes. En second temps, ils rencontrent les agents de de l’Office Français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en charge de leur présenter les droits et obligations qui découlent du statut de demandeur d’asile.  

Ils sont ensuite reçus en entretien par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public doté de l’autonomie financière et administrative, qui étudie les demandes d’asile et reconnaît la qualité de réfugié aux demandeurs d’asile.  

Si leur demande est rejetée par l’OFPRA, alors ils peuvent faire recours devant la Cour National de Droit d’Asile (CNDA). 

Entre chacune de ses étapes, plusieurs semaines voire mois peuvent se passer.  

Des barrières aux droits d’asile en France 

 

Si le droit de demander l’asile est consacré par la Convention de Genève, traités internationaux fondamentaux dans le domaine du droit international humanitaire et ratifiée par la France, dans les faits, les premières étapes pour avoir effectivement accès à ce droit dépendent des modalités d’accueil mises en œuvre par chaque Etat. L’accès à la demande d’asile suppose non seulement d’avoir accès à l’information mais également de disposer de ressources financières, matérielles et sociales suffisantes. A Paris, l’enquête révèle que les personnes exilées ne sont pas égales face aux conditions d’accès au droit d’asile.  

Une fois arrivée en France, les obstacles pour obtenir des informations et faire sa demande d’asile sont nombreux. Pour certaines personnes, se dresse alors devant elles un véritable parcours du combattant.  

 

Le non-accès à l’information  

 

La première difficulté que rencontrent les exilés à Paris est liée à l’accessibilité de l’information. En effet, pour pouvoir enregistrer une demande d’asile en France et débuter ainsi la procédure, il est d’abord nécessaire de savoir à qui s’adresser et quelles sont les étapes à suivre pour déposer son dossier. Or, aucun dispositif n’existe aujourd’hui pour informer systématiquement les personnes qui souhaitent demander l’asile au moment de leur arrivée sur le territoire français.  

Bien qu’il existe des informations disponibles, notamment en ligne, celles-ci ne sont pas accessibles pour tous puisque l’enquête révèle qu’à leur arrivée en France, 66% des exilés n’ont pas d’accès internet. De plus, une large partie d’entre eux ne parle pas français or les plateformes d’information en ligne ne sont pas systématiquement traduites. 

Leur première source d’information repose donc largement sur les personnes issues de leur communauté (66% des répondants) avec qui ils partagent la même langue ou les mêmes conditions de vie. Mais s’informer au fil des rencontres, via des indications et conseils de bouche à oreille, ne garantit pas l’exactitude et l’actualité des informations.  

Grâce à leur travail sur le terrain, les associations représentent la deuxième source d’informations selon 20% des répondants. 

 

L’accès à un téléphone 

 

En Île-de-France, une fois les informations rassemblées sur les démarches à entreprendre pour enregistrer une demande d’asile sur le territoire français, l’accès à la demande d’asile passe obligatoirement par l’obtention d’un rendez-vous via une plateforme téléphonique. Cette étape a été instaurée en mai 2018 par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) et permet la prise de rendez-vous qui donne ensuite accès à une convocation au Guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA).  

Cela pose un problème d’égalité d’accès puisque le rapport révèle que 24% des primo arrivants – c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas encore commencé les démarches – n’ont pas accès à un téléphone.  

De plus, le numéro n’est pas gratuit et certaines personnes exilées payent jusqu’à 10€ de crédit téléphonique pour obtenir ce rendez-vous. Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous s’élève à 15 jours. Jaden, Yéménite de 39 ans, se rappelle avoir « appelé 21 jours pour prendre un rendez-vous à la préfecture »  

"J’ai appelé au moins plus que 15 fois, et que, depuis 15 jours [...] chaque jour je les appelle "
Tiémélé
Ivoirien de 21 ans, Ile-de-France

La barrière de la langue  

 

82% des répondants aux questionnaires ne parlaient pas français à leur arrivée sur le territoire ce qui rend quasiment impossible l’accès à la documentation nécessaire via un site internet uniquement accessible en français. Sans accompagnement, ils sont démunis.  

Les personnes interrogées sont mises en difficulté par l’absence de traduction systématique des plateformes d’information en ligne. Beaucoup d’entre elles déplorent également de ne pas avoir eu accès à un interprète ou à un interprète adapté lors de leurs rendez-vous administratifs.  Non seulement le dispositif d’accueil est complexe, mais il se complexifie davantage pour les personnes qui ne peuvent s’entretenir avec leur accompagnant social dans leur langue.  

Ashraf, demandeur d’asile Afghan et locuteur du dari résume ainsi son échange avec l’agent au GUDA (Guichet Unique pour Demandeurs d’Asile) : « c’était soit en français soit en arabe, et démerde-toi ». 

 

France covid 19 © Julien Helaine pour Action contre la Faim France
France covid 19 © Julien Helaine pour Action contre la Faim France
France covid 19 © Julien Helaine pour Action contre la Faim France
1/3

Des conditions de vie dégradante  

 

Avec la complexité du dispositif et les temps de prise en charge long des demandes, les demandeurs d’asile n’ont d’autres choix que la survie en attendant une décision de l’OFPRA.  

L’accès au logement  

 

Pour ceux qui n’ont pas de famille ou de proches pour les accueillir, l’arrivée à Paris rime trop souvent avec la rue. 96% des personnes interrogées ont déjà dormi à la rue ou en squat. Le passage à la rue est donc quasi-systématique pour les demandeurs d’asile.  

En cause, le parc d’hébergement d’urgence est saturé. En outre, l’accès au logement est soumis à un enregistrement préalable de leur demande en préfecture, les personnes n’ont d’autres choix que de dormir dans la rue en attendant que leur demande soit enregistrée ou que des places se libèrent une fois la demande enregistrée.  

Un nombre important de personnes vivant à la rue ont rapporté des faits de violences allant du vol à l’agression physique. Les vols peuvent survenir lorsque les personnes sont à leurs rendez-vous administratifs et sociaux, partis chercher de la nourriture ou prendre une douche. Au regard du nombre et de la similitude des témoignages recueillis, on peut en conclure qu’il ne s’agit pas d’événements isolés mais que les personnes à la rue font face à une menace structurelle.  

« Il vaut mieux être au milieu des autres, parce [si] on est tout seul, soit les sacs sont partis, soit t’es attaqué par des gens. Si tu te fais trop isoler, tu seras attaqué… » Harouna, 50 ans, Gabonais. Or, se regrouper pour se protéger des vols et attaques conduit à d’autres difficultés : la police.  

Quand les installations des personnes exilées deviennent visibles dans l’espace public, la police est susceptible d’intervenir. La dispersion et le délogement des personnes à la rue par la police sont rapportés comme des expériences récurrentes voire quotidiennes. Une contrainte supplémentaire qui pousse les exilés à une mobilité accrue, source d’épuisement.  

 

Le manque de ressources financières  

 

A la difficulté de se loger s’ajoute la précarité financière de ce public. 79% des primo-arrivants déclarent n’avoir aucune ressource. 50% des demandeurs d’asile ne bénéficient pas de l’allocation qui leur allouée (ADA) tandis que la plupart d’entre eux (80%) n’a aucune autre source de revenu. 

Conséquence du manque de ressources : la difficulté à se nourrir. 60% d’entre eux font appel aux dispositifs d’aide alimentaire mis en place par les associations. Le nombre de demandeurs d’asile en situation de faim sévère est réduit de moitié lorsque ceux-ci bénéficient de l’allocation. Pour ceux qui n’en bénéficie pas, 50% des demandeurs dépendent exclusivement de l’aide alimentaire et 33% d’entre eux sont en situation de faim sévère. 

L’enquête révèle que parmi l’ensemble des répondants, 54% sont en situation de faim modérée à sévère. 

 

 

Un impact fort sur la santé 

 

Cette précarité extrême a un impact psychique fort sur les demandeurs d’asile. Déjà menacés dans leur pays d’origine, ils se retrouvent à la rue, sans ressource dans “le pays des droits de l’Homme” en attendant d’arriver au bout de leur procédure d’asile. Cette situation incertaine a des conséquences : décompensation, addiction, perte de repère, isolement. Les risques psychiques sont nombreux pour les exilés.  

"finalement si je dure dans la rue ça va me traumatiser. Parce que comment je vais prendre la douche ? Comment je vais boire ? comment je vais manger ? Donc, ça c’était très difficile, c’est ça qui m’inquiétait beaucoup."
Assane
Sénégalais de 30 ans, Ile-de-France

Quelles solutions pour les demandeurs d’asile ?  

 

Le constat est alarmant et les conditions de vie des personnes qui demandent asile ou protection subsidiaire à la France sont déplorables.  

Pour améliorer la compréhension du dispositif, lever les barrières et faciliter la procédure d’asile, nous avons fait une série de recommandations afin de :  

  • Réduire les inégalités d’accès et d’accompagnement à la demande d’asile  
  • Assurer des conditions dignes d’hébergement pour les personnes exilées  
  • Améliorer le système d’attribution des conditions matérielles d’accueils pour demandeurs d’asile  
  • Assurer une prise en charge continue lors du passage du statut de demandeur d’asile à celui de bénéficiaire de la protection internationale  

Elles supposent une adaptation législative et réglementaire mais aussi l’augmentation de moyens ou un ajustement des pratiques. Au total, ce sont 36 recommandations précises et concrètes qui sont formulées.  

Présentation des recommandations

Plus de détail en téléchargeant nos recommandations.  

Restez informés de nos dernières nouvelles