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KEN_2021_FSL_LameckOdodo_8 © Lameck Ododo pour Action contre la Faim

Publication

Rapport

La part juste de la France dans la lutte contre les changements climatiques

Concrètement, aucun pays ne peut résoudre seul sa propre crise climatique, l’amplitude de l’urgence climatique dépendant largement des mesures prises (ou de leur absence) au-delà de ses propres frontières. Par conséquent, chaque pays devrait veiller à ce que les autres constatent qu’il apporte sa juste part à la réalisation de l’objectif commun de réduction d’émissions afin d’inciter d’autres pays à faire de même. La pandémie mondiale de COVID-19 nous a appris que ce n’est que lorsque le groupe dans son ensemble est protégé que chacun de ses membres peut l’être efficacement. Elle a en outre révélé l’inefficacité des comportements nationalistes (par exemple envers les vaccins) qui ne tiennent aucun compte du fait que les êtres humains dépendent tous fondamentalement les uns des autres (car ils permettent notamment l’apparition de nouveaux variants).

S’agissant des changements climatiques, le manque de mesures à la fois ambitieuses et coopératives quant à la réduction des émissions et à l’adaptation conduit à un avenir incertain pour tout le monde. Toutefois, fait profondément injuste dans un tel contexte, ce sont les populations les moins responsables des changements climatiques et les moins capables de s’adapter à leurs conséquences qui seront touchées les premières et les plus durement. Cette injustice s’étend aux générations futures puisque les générations passées et présentes ne leur auront pas légué la planète dans un état qui permette à une civilisation humaine de prospérer comme c’est le cas actuellement. Tout ceci suggère qu’une réponse efficace à la crise climatique se doit d’être centrée sur la justice et l’équité. Outre ce qui relève du sens commun, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) l’affirme également lorsqu’il déclare que « Les éléments de preuve laissent à penser que des réalisations considérées comme équitables peuvent donner lieu à une coopération plus efficace » (GIEC 2014). C’est particulièrement important alors que de larges régions de la planète sont encore touchées par un niveau scandaleux de pauvreté, de souffrance et de difficultés. Une réponse climatique juste et efficace doit tenir compte de ces situations puisqu’une réponse climatique qui alourdit le fardeau déjà porté par les plus vulnérables en exigeant qu’ils placent les mesures climatiques avant leurs propres besoins fondamentaux immédiats ne peut qu’être vouée à l’échec.

Le financement et le soutien international de l’action climatique est depuis longtemps reconnu comme un outil essentiel à la disposition des pays les plus riches pour aider à garantir une action climatique importante dans les pays plus pauvres sans leur demander de réaffecter à la lutte contre les changements climatiques une partie de leurs ressources limitées, au détriment d’autres objectifs de développement importants. Cela suggère en outre que pour éviter cette opposition entre action climatique et autres objectifs de développement, le financement de l’action climatique devrait s’ajouter au financement fourni par les pays les plus riches au titre de 3 l’aide publique au développement au lieu de s’y substituer partiellement. D’ailleurs, l’apport de financement au profit de l’action climatique des pays en développement relève d’une obligation juridique imposée aux pays développés par la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) (CCNUCC 1992, article 4 paragraphe 3). Cependant, le financement de l’action climatique est lui aussi aux prises avec une multitude de problèmes qui l’empêchent de jouer ce rôle pleinement. Ainsi, l’objectif financier collectif de 100 milliards de dollars devant être fournis par les pays développés est nettement insuffisant par rapport aux besoins des pays en développement1, sans compter que les contributions des pays ne permettent même pas pour l’instant de l’atteindre. Le fait que la plus grande partie des montants collectés finance les activités d’atténuation (au lieu de veiller à respecter un équilibre entre atténuation et adaptation) et qu’une portion trop importante de ce total revêt la forme de prêts (qui doivent être remboursés, ajoutant à l’endettement des nations qui en bénéficient) aggrave encore cette situation. Avec un engagement à atteindre 6 milliards d’euros par an d’ici 2025 au titre du financement de l’action climatique, la France est loin de contribuer suffisamment à l’objectif collectif de 100 milliards de dollars et elle est loin de répondre aux besoins croissants des communautés touchées. La qualité du financement de l’action climatique de la France laisse également à désirer : avec seulement 15 % de financement de l’action climatique fournie sous forme de dons2, elle se situe parmi les bailleurs ayant le plus faible taux de financement par dons (France 2020). Ce choix de privilégier des prêts pour financer l’action climatique présente de graves problèmes puisqu’il perpétue l’endettement des pays les plus pauvres. L’on peut aussi se demander si la fourniture de financement au moyen de prêts (qui doivent être remboursés) est satisfaisante d’un point de vue moral et juridique. Qui plus est, la portion réservée à l’adaptation ne reflète pas la nécessité d’un équilibre entre l’atténuation et l’adaptation. Le fait que la France persiste à nier la nécessité de traiter de la question du financement des pertes et dommages liés aux conséquences des changements climatiques, y compris dans le cadre de la COP26, peut également être considéré comme un moyen de tenter de se soustraire à l’étendue de ses responsabilités

Dans ce contexte, le présent rapport a pour objet d’établir la part juste de la France dans l’effort mondial de lutte contre les changements climatiques, qui soit suffisamment ambitieuse pour parer aux pires impacts climatiques en augmentation. Fondé sur les principes éthiques universellement acceptés énoncés par la CCNUCC, le rapport se concentre sur les efforts d’atténuation et la fourniture de financement (en remettant à plus tard la discussion des mesures d’adaptation prises par la France). La part juste de la France sera exprimée sous forme d’apport total pour l’atténuation correspondant à l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C tel que le prévoit l’Accord de Paris. Dans ce contexte, le rapport fournira également des lignes directrices concernant le montant de financement de l’action climatique que devrait fournir la France cette année et pendant le reste de la décennie.


¹ Comme le démontrera le présent rapport dans une section ultérieure, les besoins des pays en développement en matière de financement de l’action climatique excèdent très largement ce montant. Ainsi, en ce qui concerne la seule adaptation, le Rapport du PNUE sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation indique un chiffre allant jusqu’à 300 milliards de dollars par an d’ici 2030 (tout en soulignant que cette somme est très probablement sous-estimée) (PNUE 2021). S’agissant de l’atténuation, l’ouvrage de Pauw et al. (2019) conclut que pendant la décennie 2030, la seule mise en œuvre des portions conditionnelles des engagements envers l’action climatique pris par les pays en développement en vertu de la CCNUCC (autrement appelés « CDN », acronyme pour contributions déterminées au niveau national) exigerait un financement s’élevant en moyenne à 279 milliards de dollars par an; somme dont on peut présumer qu’elle serait largement plus importante pour les CDN contenant des mesures d’atténuation à un niveau d’ambition correspondant à la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C (le niveau d’ambition collective contenu dans les CDN examinées par Pauw et ses collègues ne correspond pas à ladite limitation). Compte tenu de la fréquence et de la gravité croissantes des incidences des changements climatiques, la question du financement des pertes et dommages est également primordiale.

² Rapport de la finance climat de la France fourni pour l’année 2019 à la Commission Européenne (MMR Règle Art.16): https://cdr.eionet.europa.eu/fr/eu/mmr/art16_finance/envx3sn9a

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