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Cessez d’usurper le mot «humanitaire»

Un froncement de sourcils et «Ce n’est pas si grave», «Regardez le problème actuel» et «Pourquoi en faire toute une histoire» sont souvent les réponses que je reçois quand je suis en colère et que j’entreprends d’expliquer en quoi l’utilisation abusive du mot «humanitaire» est problématique. Voilà les réponses que j’ai eu ces derniers jours lors de diverses rencontres avec des représentants politiques et de l’ONU.

 

Je vais vous dire pourquoi c’est si important.
Je vous ai raconté il y a quelques jours l’histoire d’un jeune homme (lire ici)  qui s’est échappé des mains de la milice semant le chaos en Irak et la Syrie. Les difficultés auxquelles il a fait face, et le désir de recommencer sa vie. Mais il est parmi les plus chanceux. Il a trouvé secours dans une zone où des organisations non gouvernementales telles qu’Action contre la Faim et des organismes des Nations Unies peuvent travailler, subvenir aux besoins vitaux. Logement, nourriture, eau, hygiène, etc… Bien plus nombreuses sont les familles restées dans les zones sous contrôle des milices. Se cacher, survivre, sous la menace constante. Nous, humanitaires, ne pouvons pas atteindre ces populations.

Nous n’avons pas accès à ces populations parce que les milices nous tueraient. Même si nous ne sommes pas armés, nous ne le sommes jamais, elles se méfieraient même d’une aide d’urgence, nous assimilant à «l’ennemi», et toute personne bénéficiant de notre aide seraient également en danger.

Le manque d’accès à certaines zones et populations est un problème central dans le travail humanitaire. Mais il n’a jamais été aussi critique qu’aujourd’hui dans certaines régions d’Irak. Dans la plupart des conflits, tant que nous sommes clairement identifiés et respectons les principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, nous sommes en général acceptés -parfois à contrecœur- par toutes les parties au conflit. Par le passé, j’ai travaillé dans de nombres zones tenues par des milices : Afghanistan, Pakistan, Tchétchénie, Bosnie, Somalie pour n’en nommer que quelques-unes. Et bien que je ne puisse pas dire que ces zones étaient toujours sûres, il était souvent possible d’avoir accès aux populations les plus démunies.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Dans de nombreuses régions de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan, de Somalie et d’Afrique de l’Ouest les plus nécessiteux reçoivent trop peu. Cette impossibilité d’approvisionnement s’explique parce qu’aujourd’hui le mot « humanitaire » est associé au politique. Cela a érodé sa crédibilité ; beaucoup pensent que c’est une couverture pour un autre agenda.

C’est pourquoi aujourd’hui quand j’entends un certain nombre de responsables politiques de différents pays utiliser des phrases telles : «nous devons utiliser tous les outils disponibles pour apporter la stabilité en Irak, politique, militaire et humanitaire », je suis bouleversé. C’est une solution de court terme à un problème plus important, et cela nous met tous en danger. Plus les  politiques s’approprient le mot « humanitaire », plus ils le dévalorisent et remettent en cause son efficacité. Plus ils laissent entendre que des objectifs militaires sont «humanitaires» ou qu’ils associent des solutions politiques à l’idéologie humanitaire, et moins les groupes armés se fieront aux motivations des ONG neutres, indépendantes et impartiales. Ainsi, ils volent notre protection  ainsi que notre seul moyen d’accès à ceux qui en ont le plus besoin.

Mon rêve serait que notre accès ne soit pas limité la prochaine fois qu’Action contre la Faim intervient dans un contexte comme l’Irak, où les besoins sont énormes. J’aimerais pouvoir dire aux familles que nous aidons, que nous pourrons aussi aider ceux qu’ils ont laissé derrière eux.

C’est pourquoi je voudrais que le mot «humanitaire» puisse être considéré comme sacré. Pas une expression récupérée politiquement. Mais utilisée uniquement par ceux qui adhèrent pleinement aux valeurs humanitaires. Sinon nous courons le risque de sacrifier notre capacité d’aide aux populations.

 

Par Mike Penrose, Directeur Général d’Action contre la Faim

A Erbil

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