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Témoignages

"Quand on a vu des morts à nos pieds, les images à la télé ne sont pas grand-chose"

Haffa nous explique qu’elle s’est réfugiée en Jordanie suite au décès de son mari, membre de l’Armée Syrienne Libre (FSA), lorsque Mahmoud déboule. Cheveux hirsutes, barbe de quelques jours et les habits fatigués de l’ouvrier qui ne ménage pas sa peine.

Il a été prévenu de notre visite par un ami et souhaite que nous rencontrions sa famille. Il insiste beaucoup. Il disparaît comme il est venu après avoir bien pris soin de nous donner son numéro de téléphone et son adresse.

Deux heures plus tard, nous arrivons dans une ruelle de Kitim, petit village de la province d’Irbid. Le fils aîné de Mahmoud nous a vus de loin, il nous rejoint et ouvre la marche. Ses deux frères, sa sœur et sa mère nous accueillent dans la pièce principale. Nous prenons place sur les matelas disposés contre les murs. La pièce est sombre. Les murs blancs, dépouillés, ont les mêmes traits fatigués que nos hôtes. Seul le téléviseur casse l’unité de la pièce.

Ahmad, 12 ans, tient entre ses mains son tout nouveau manuel d’Anglais, la rentrée a eu lieu ce matin et l’école est un sujet de la plus haute importance. Il n’y a pas de bus dans le quartier, et les déplacements ont un coût élevé (40JD par mois, soit plus de 40 euros) mais l’éducation des enfants est primordiale et vaut bien des sacrifices.

Pour Mahmoud et sa famille, ces sacrifices ont été nombreux et jalonnent les derniers mois de leur vie. Il y a un an, ils quittaient Daraa, de nuit. Le plus jeune, Hamman, ne s’en souvient pas, ses parents lui avaient fait prendre des somnifères de crainte qu’il ne pleure et que ses sanglots n’attirent sur eux l’attention de la police. Daraa était alors devenu invivable. Pourtant, Mahmoud n’imaginait pas que les évènements prendraient une telle tournure : « au début, c’était la révolution, on croyait que c’était normal alors on restait, mais ensuite les choses ont commencé à empirer ». Les pressions, les tirs qui se rapprochent et au final, la mort au quotidien. Alors quand on lui demande si ce n’est pas trop dur de regarder les nouvelles à la télévision, il nous répond laconiquement : « quand on a vu des morts à nos pieds, les images à la télé ne sont pas grand chose ».

Leur parcours illustre celui de nombreux réfugiés. Il commence par une longue marche hors de Daraa et de ses faubourgs avant d’arriver à la frontière. Là, ils sont pris en charge par l’armée jordanienne qui les amène au camps de Za’atari. « Nous n’y sommes restés que deux semaines, les conditions de vie étaient horribles, nous sommes tous tombés malades et nous avons choisi de partir ». Grâce à un beau-frère installé dans la région, ils trouvent cette petite maison de trois pièces où ils essaient, tous les six, de reconstruire un quotidien, de retrouver une routine. Mais ils sont tous marqués à leur manière par l’horreur qui franchit chaque jour de nouveaux caps à quelques dizaines de kilomètres de là. Afin de prendre la mesure des besoins des populations, Action contre la Faim mène des évaluations au sein des communautés hôtes. Si la dimension économique est souvent la première cause d’inquiétude des populations réfugiées, les problématiques sociales et psychologiques sont importantes à la fois pour les Syriens et les Jordaniens, et il est urgent d’agir pour des populations qui ont subi de profonds traumatismes.

Fatima, âgée de 14 ans, nous parle de son premier jour d’école. « Un avion de chasse est passé tout prêt et nous nous sommes tous couverts la tête ». Ses camarades jordaniens ne sont pas tous tendres avec elle Et certains n’hésitent pas à leur dire qu’ils sont la raison des problèmes actuels de la Jordanie. Avec plus de 500 000 réfugiés enregistrés par le UNHCR c’est le deuxième pays d’accueil pour les Syriens et cela génère un certain nombre de tensions. Travail, approvisionnement en eau, les vieux problèmes jordaniens sont exacerbés avec l’arrivée continue de nouveaux réfugiés. Mais il ne faut pas généraliser comme l’explique Samia (la mère). « Nos enfants jouent beaucoup avec ceux de nos voisins jordaniens. Ils leur ont même dit « nous aimons Bashar, car c’est grâce à lui que nous nous sommes rencontrés. »

Le silence s’est peu à peu installé. Mahmoud est perdu dans ses réflexions, le regard plongé dans sa tasse de café. « Vous savez, quand on voyait les souffrances des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, on ne pouvait pas comprendre ce qu’ils ressentaient. Et maintenant c’est notre tour … »

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