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Témoignages

Mme Lucie

"tous les employés ici sont mes p’tites" (2/2)

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

Malheureusement les crises humanitaires n’ont pas manqué en Haïti au cours de ces dernières années. Le pire souvenir pour Mme Lucie ne fut pas le tremblement de terre de 2010 qui frappa principalement Port-au-Prince mais le cyclone « Jeanne » de 2004 (5008 morts à Haïti dont plus de 2800 sur la seule ville des Gonaïves). Mme Lucie m’a raconté ce qu’elle vécut à l’époque, le départ forcé avec sa famille, au sec, vers les montagnes, l’obligeant à quitter ce qu’il restait de sa maison. Elle m’a décrit la vie de déplacés, entassés dans les quelques abris mis à disposition par le gouvernement au milieu des familles voisines qui avaient elles aussi beaucoup perdu lors de la catastrophe. Le calvaire ne dura heureusement que quelques mois pour sa famille mais la peur de revivre ces tristes événements l’accompagne désormais. Le cyclone Hanna de 2008 aura ravivé un peu plus les craintes de cette vie tourmentée par les catastrophes naturelles. Mme Lucie me détailla tout ça tranquillement, en essuyant les assiettes. Puis dans un demi sourire, elle m’expliqua que même si ce furent des moments difficiles, ce n’est rien comparé aux personnes qui tombent malades chaque jour à Haïti. « Tu n’as pas vraiment connu la difficulté tant que tu n’as pas été malade » me dit-elle, une vision très « haïtienne » des problèmes et qui aide surement à se contenter de ce que l’on a lorsque l’on a peu.

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

Elle me parla également du retour chez elle et de la période de reconstruction, se souvenant de l’entraide et de la solidarité déployées au sein de la communauté. On a souvent tendance à oublier que dans toute crise humanitaire, les premiers secours (et donc une grosse partie du travail) sont portés par les habitants eux-mêmes et non pas par les ONG, la croix rouge ou tout autre agence onusienne… La solidarité n’a pas de drapeau ! Oui, Mme Lucie se sent responsable ! Et derrière ses casseroles, elle participe plus que l’on croit à l’e ffort collectif en supportant les équipes terrains depuis 20 ans maintenant. Ne dit-on d’ailleurs pas que sur un bateau, le poste le plus important après le capitaine reste le poste du cuisinier ?

© Sacha PETRYSZYN

© Sacha PETRYSZYN

Deux décennies que Mme Lucie nettoie, lave, frotte, astique, mitonne, fait mijoter et soigne aux petits oignons « créoles » les employés de la base des Gonaïves. Il n’est pas seulement question de cuisine ici, même si pour ceux qui sont passés sur cette base, le poulet créole « façon Lucie » doit raviver les papilles. On parle ici de veille au bien être des collègues de travail que ce soit par l’intermédiaire d’une assiette odorante, d’un café chaud, d’un sourire amical ou parfois d’une informelle séance de débriefing psychologique. Si tout le monde appelle Madame Lucie « Manman nou » ce n’est pas un hasard non plus.   Quand je lui est demandé pourquoi l’appelait-on « Manman nou » ? Elle m’a simplement répondu

« parce que je les aime, qu’ils m’aiment et que j’en suis responsable ».

Elle a rajouté également :

tous les employés ici sont mes p’tites, je les connais comme si je les avait tenu dans mon ventre pendant 9 mois .

J’ai même appris que Mme Lucie allait se plaindre auprès de l’administration lorsque un collègue ne mangeait pas au déjeuner allant même s’expliquer en direct avec lui. Autant de preuves d’attachement à son travail et à ses collègues. Son travail, parlons-en d’ailleurs. Le lendemain de notre petite entrevue, je me suis porté volontaire pour assister Madame Lucie ne serait-ce que le temps d’un repas. Du grand professionnalisme et au menu : cours de cuisine accompagné de promotion à l’hygiène à la sauce sécurité alimentaire. Lucie travaille toujours dans le soucis d’apporter le meilleur à ses « p’tites »

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

– Achat local de fruit de saison en quantité suffisante avec sélection des meilleurs produits du marchéLavage à l’eau traitée des fruits, légumes et ustensiles de cuisine – Conservation des produits frais au frigidaire et protection des autres aliments – Cuisine adaptée aux habitudes locales (cuisine internationale incluse) – Cuisine variée et cuisson optimale (salmonellose) – Formation des cuisinières d’autres bases

Tout y est ! Le talent culinaire en plus. Pour ma part, j’ai pu au passage soutirer la recette des lambis sauce créole, et à en croire le fredonnement de Lucie, l’échange et l’expérience de cette rencontre fut pro table à tous les deux. Mission accomplie. Je souhaiterai également rajouter pour les quelques sceptiques sur le sujet que même si Mme Lucie n’est pas en mesure de dessiner le dimensionnement d’un réseau hydrique ou de structurer la lière pêche en Haïti, elle y contribue à 100% avec cœur, toute sa bonne humeur et son énergie dévastante. Dans la même idée, on aurait pu également parler de Nadège, Viviane, Yuri, Fritz, Jerome, Dieuveut,… etc. Autant de gardiens, chauff eurs, aide-ménagères qui assurent également la sécurité et le confort des équipes dans un but commun, celui de contribuer à la réussite des programmes ACF. Ces collègues là travaillent dans l’ombre mais à y ré fléchir rien ne pourrait fonctionner sans eux…

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

© ACF, Sacha Petryszyn – Haïti

Témoignage et photos : Sacha Petryszyn

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