Faire un don

Votre navigateur internet n'est pas à jour.

Si vous souhaitez visionnez correctement le site d'Action contre la Faim, mettez à jour votre navigateur.
Trouvez la liste des dernières versions des navigateurs pris en charge ci-dessous.

astrrid_nut_urgence-1.jpg

Témoignages

Astrid de Brabandere, coordinatrice nutrition et santé d'urgence

astrrid_nut_urgence-1.jpg

Quelles tendances avez-vous pu observer ou collecter en matière de statut nutritionnel chez les populations touchées par le cyclone?
Nous n’avons que très peu de données et c’est bien notre problème. Nous n’avons pas pu nous rendre nous-mêmes sur le terrain, et puisque l’accès y a été retardé pour notre staff birman, nous commençons à peine à collecter les données qui nous permettront d’évaluer les problèmes nutritionnels.

Quels indicateurs vous permettent dans ce cas de lancer des programmes?
Apres une catastrophe, si la population est aidée suffisamment, comme ce fut le cas après le Tsunami, il y a peu de malnutrition. Mais dans le cas présent, nous nous inquiétons beaucoup d’une avancée rapide vers un état de malnutrition car il y a des risques d’insécurité alimentaire auxquels s’ajoutent les risques de maladies et les problèmes psychologiques. De plus, des témoignages évoquent un manque de nourriture et des problèmes d’équilibre alimentaire.

Des problèmes d’équilibre alimentaire? Le riz n’est-il pas suffisant?
Le riz nourrit quand on n’a rien d’autre, mais il n’apporte pas du tout l’ensemble des éléments nécessaires à une alimentation saine. Il faut un apport en protéines, avec de la viande, du poisson ou des haricots par exemple, ainsi qu’un apport en vitamines avec des fruits ou légumes frais. Une alimentation constituée uniquement de riz mène à des phénomènes de malnutrition.
Nos craintes ne concernent pas uniquement la question de la nourriture, mais aussi celle des maladies susceptibles de se développer dans le contexte actuel.

Quels genres de maladies peuvent apparaitre en Birmanie suite au cyclone?
De ce qu`on sait de la situation sanitaire ici, l’accès à l’eau potable est difficile, les personnes qui ont tout perdu n`ont même plus de savon, et les latrines sont en majorité détruites. Si cette situation persiste, elle peut irrémédiablement mener à des maladies comme la diarrhée, et provoquer des épidémies. Avec la mousson, l’eau stagnante représente aussi un gros problème, car elle véhicule des maladies comme le paludisme. Encore une fois, d’après les témoignages, de nombreuses victimes habitent désormais dans des tentes, quand elles en ont, elles n’ont pas de couvertures, et elles sont donc susceptibles d’être atteintes par des infections respiratoires. Tout ceci, pour des enfants, bien plus vulnérables que les adultes, risque fort de mener à des phénomènes de malnutrition aiguë. Des soins de santé primaire commencent à peine à se mettre en place, et seule une petite partie de la population y a accès aujourd’hui. A Bogale, il y a particulièrement peu d’acteurs de santé, et ils ont des difficultés à travailler, l’accès aux villages environnants leur ayant dans un premier temps été interdit.
Il y a aussi bien sûr des problèmes logistiques: les villages sont difficilement accessibles, particulièrement en cette saison des pluies où tout se fait en bateau.

Quid de la santé mentale des rescapésd’un événement certainement choquant ?
Nous avons à ce sujet aussi des craintes importantes, relayées par des témoignages frappants. Les personnes qui ont perdu leur famille et ont été obligées de quitter leurs villages sont forcement choquées. Et ce choc peut avoir une conséquence grave sur l’alimentation des enfants, de moins de 5 ans particulièrement: une mère choquée peut ne plus nourrir ses enfants avec la même attention qu’avant, ni s’occuper d’eux, de leur hygiène, etc. Elle peut aussi, conséquemment à un choc, avoir des difficultés à allaiter, et même ne plus du tout pouvoir le faire. Nous soupçonnons bien sûr aussi fortement que ce cyclone ait eu des conséquences graves sur la santé mentale des enfants eux-mêmes. Ils peuvent par exemple, s’ils ont perdu leurs parents, perdre aussi leur appétit.
Tout ceci n’est que suppositions, puisque nous n’avons pas encore été en mesure de mener une étude qui nous permettra d’aboutir à des affirmations. Mais quand on compare ce phénomène à celui, très similaire, du Tsunami, on craint le pire…

Dans ce contexte difficile, comment organises-tu ton travail?
Ce manque crucial de chiffres est véritablement problématique, d’autant que nous avons aussi très peu de données sur la situation des dernières années. Notre priorité est donc d’évaluer l’état de malnutrition des enfants de moins de 5 ans. Si nous concluons à un taux élevé de malnutrition aigue sévère, nous mettrons en place un programme approprié. S’il s’agit juste d’une situation inquiétante, nous travaillerons plus particulièrement à un programme de prévention avec mes collègues spécialistes de la sécurité alimentaire, de l’eau et assainissement et de la santé mentale, car tout ceci est étroitement lié. Et nous mettrons aussi en place un système de suivi nous permettant de connaitre l’évolution de la situation.
Si nous découvrons, comme nous le craignons, des problèmes liés à l’allaitement, ils peuvent aussi être des vecteurs de malnutrition des enfants de moins de 2 ans. Nous mettrons dans ce cas en place des programmes de soutien des mères allaitantes, que nous appelons «Baby friendly tents». Il s’agit de tentes destinées à accueillir les mamans, pour leur permettre d’allaiter tranquillement, de recevoir des conseils et un soutien. Elles permettent aussi un échange entre mères allaitantes. L’objectif est de préserver l’allaitement et d’éviter que la mère ne change pour des alternatives qui peuvent être dangereuses pour leurs enfants, comme le lait artificiel en poudre.

Qu’enverras-tu sur le terrain en fonction des divers scenarios possibles?
Une fois que la prévalence de malnutrition aigue est identifiée, si elle est élevée, nous enverrons des équipes mobiles et créerons un centre référence pour les cas complexes. Nous distribuerons dans le centre ambulatoire du Plumpy-Nut – une pate enrichie a base d’arachide – et donnerons directement aux enfants du lait thérapeutique dans le centre.
Nous continuerons aussi à distribuer des aliments supplémentaires aux enfants de moins de 5 ans.

Avez-vous déjà envoyé ces aliments supplémentaires?
Oui, nous avons déjà envoyé 25 tonnes de biscuits énergétiques à Bogale. Ils constitueront des compléments alimentaires pour 9000 enfants pendant 12 jours. Nous sensibilisons les mères sur l’intérêt de tels compléments pour leur enfants et nous les distribuons accompagnés de notices en birman.

Pour revenir sur la question du lait en poudre, pourquoi constitue-t-il un danger et non une solution?
L’accès à l’eau potable n’est pas du tout évident, et le risque est grand, lorsque les bébés sont nourris avec de la poudre mélangée à de la mauvaise eau qu’ils contractent des maladies pouvant causer la mort. De plus, le lait en poudre est bien moins bon pour l’enfant que le lait maternel, et une mère qui donne du lait en poudre à son enfant cesse de produire son propre lait. Elle devient donc dépendante d’un produit qui risque d’une part de manquer sur les marchés et qu’elle ne pourra d’autre part pas forcement se permettre de payer.
Pour les mères qui ont subi un traumatisme et qui ne peuvent plus allaiter, nous avons dans les «Baby friendly tents» des moyens pour les stimuler et faire revenir leur production de lait. Dans le cas d’orphelins de mère, nous pouvons donner temporairement des produits alternatifs, mais on cherche en priorité à trouver des mères allaitantes qui acceptent de nourrir deux enfants. Ce qui a priori ne pose pas de problème culturel ici, contrairement à d’autres pays.
Il y a toujours des alternatives, et cette question du lait en poudre est véritablement un souci pour nous, c’est la raison pour laquelle un code international a été créé afin de lutter contre les distributions de lait en poudre non contrôlées: «International Code of marketing breast milk substitutes».

Restez informés de nos dernières nouvelles