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De réfugiée à agricultrice : le parcours d’une mère célibataire
Le jardin de Judith Nzale est verdoyant et abondant : il est rempli de choux, de laitue, de basilic, de poireaux, d’oignons, de tomates, de citronnelle et de nombreux autres légumes et herbes indigènes.
C’est un espace prospère qui donne envie de commencer à planter. Judith s’occupe de son jardin avec une passion qu’elle a également transmise à ses huit enfants.
Mais l’histoire de Judith n’a pas toujours été aussi florissante. Son long et tumultueux chemin vers l’autonomie a commencé en 2018, lorsqu’elle a fui la République démocratique du Congo et cherché refuge en Ouganda. À son arrivée au camp de Kyangwali, elle a été confrontée aux dures réalités de la vie de réfugié, notamment une épidémie de choléra. La sous-nutrition a affaibli la plupart des réfugiés, les rendant plus vulnérables aux maladies. Judith a assisté impuissante à la façon dont le choléra a emporté avec lui de nombreux réfugiés de son camp. Elle a vu ses enfants vomir et souffrir de kwashiorkor, une forme de malnutrition sévère. Ils avaient faim en permanence. « Les temps étaient durs », se souvient Judith. « Mes enfants étaient ce qui m’inquiétait le plus. Nous n’avions pas beaucoup à manger et ils étaient constamment malades. »
Mais Judith a gardé espoir. Grâce à Action contre la Faim, elle a appris des pratiques EAH (eau, assainissement et hygiène), notamment de lavage des mains, de gestion des déchets et de manipulation sûre des aliments, qui lui ont changé la vie. Ces pratiques sont cruciales pour combattre la sous-nutrition et les maladies. L’un des tournants pour Judith a été la construction d’une latrine par Action contre la Faim. « Avec de nombreux enfants et sans latrine, la défécation à l’air libre était inévitable », explique-t-elle. « La latrine a évité de nombreuses maladies à mes enfants. »
Armée de ses nouvelles connaissances, Judith a rejoint l’équipe de santé du village pour former les autres réfugiés de son camp à l’hygiène et à l’assainissement. Cela lui a non seulement permis de faire une différence importante dans sa communauté, mais aussi de se fixer un but et de gagner en confiance.
En 2022, une autre opportunité s’est présentée à elle. Action contre la Faim lui a enseigné le Modèle d’utilisation optimisée des terres (MUOT) à travers son programme de formation d’agriculteurs. Ayant elle-même été aux prises avec la sous-nutrition par le passé, elle était déterminée à fournir un apport régulier d’aliments nutritifs à sa famille. L’approche MUOT lui a permis de cultiver des légumes, des fruits et des herbes pendant toute l’année sur la petite parcelle de terrain qui lui a été fournie par le programme d’Action contre la Faim.
Le programme de formation d’agriculteurs est divisé en trois niveaux, en fonction des besoins et des compétences en agriculture de chacun, ce qui garantit qu’un soutien adéquat est fourni aux personnes qui en ont le plus besoin. Les agriculteurs de niveau 1, qui ont des ressources et des connaissances limitées, apprennent l’approche MUOT sur de petites parcelles de terrain. Les agriculteurs de niveau 2, comme Judith, accèdent à une parcelle plus grande, ce qui signifie qu’ils peuvent augmenter leur production et rejoindre un groupe d’agriculteurs dans lequel ils apprennent à cultiver et à commercialiser leurs récoltes à travers des écoles de terrain et de marché. Les agriculteurs de niveau 3, qui ont des ressources et des compétences avancées, se concentrent sur la production commerciale et la création de valeur ajoutée.
Judith fait partie d’un groupe d’agriculteurs appelé « Tunda Lalo », qui veut dire « ses fruits » en swahili. Elle et les autres membres de ce groupe ont commencé par cultiver du maïs et des haricots, puis, en utilisant les revenus issus du surplus de la ferme, elle a ouvert un magasin pour vendre une partie ses récoltes. Cela lui a permis d’acheter des produits en gros et d’approvisionner d’autres commerçants de la communauté. Elle a également créé une entreprise d’élevage de volaille, ce qui lui a permis de diversifier ses revenus. Pendant qu’elle développait ses activités agricoles, elle a continué de cultiver son jardin.
Judith, une mère célibataire qui a fait face à d’innombrables difficultés, est devenue une agricultrice ingénieuse, une entrepreneuse et une leader de communauté. Avec les bonnes ressources et le bon état d’esprit, les réfugiés comme elle peuvent bâtir un avenir meilleur pour eux et pour leurs communautés.
Le modèle de l’Ouganda pour les réfugiés : un important précédent sur lequel s’appuyer
L’histoire de Judith est un exemple de ce qui peut arriver lorsque les réfugiés reçoivent les ressources dont ils ont besoin pour donner un nouveau sens à leur vie. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Les réfugiés sont forcés de fuir leur domicile pour des raisons telles que la persécution, le conflit ou la faim, souvent avec très peu d’affaires, pour repartir de zéro. Il y a actuellement 36,8 millions de réfugiés dans le monde, et un grand nombre d’entre eux font face à un accès insuffisant à l’eau et à la nourriture ainsi qu’à un risque élevé de maladies au cours de leurs longs et fastidieux voyages en quête de sécurité.
Une fois installés dans un autre pays, les réfugiés peuvent être confrontés à des obstacles à l’emploi, à la santé et à la sécurité alimentaire. De nombreux pays ont des politiques strictes en matière de réfugiés, les obligeant à vivre dans des camps et parfois même les empêchant d’obtenir un permis de travail. D’autres défis tels que la langue, la discrimination et le stress post-traumatique peuvent limiter encore davantage les opportunités des réfugiés.
L’Ouganda, qui reconnaît les immenses défis auxquels les réfugiés sont confrontés, a développé un plan pour les accueillir dignement et leur offrir la possibilité de reconstruire leur vie. La loi sur les réfugiés de 2006 est fondée sur les principes humanitaires et sert de guide au plan d’aide aux réfugiés du gouvernement. Elle établit un ensemble de droits pour les réfugiés, y compris, mais sans s’y limiter, les droits de :
- devenir propriétaires ;
- travailler dans l’agriculture ;
- accéder à des opportunités d’emploi ;
- accéder aux services de soins de santé ;
- accéder à l’éducation,
- se déplacer librement en Ouganda.
Favoriser de bonnes relations entre les réfugiés et leurs communautés d’accueil est une priorité pour l’Ouganda. Les réfugiés et les locaux travaillent et vivent ensemble, vont aux mêmes écoles, accèdent aux mêmes services de soins de santé, participent aux associations villageoises d’épargne et de crédit ensemble, et bien plus encore. Les réfugiés comme Judith participent à des initiatives de division parcellaire et peuvent vendre leurs produits sur les marchés de leurs communautés d’accueil, qui bénéficient en retour d’une plus grande disponibilité de produits frais.
La loi sur les réfugiés de l’Ouganda est un cadre solide pour les gouvernements, les organisations humanitaires et d’autres parties prenantes. Elle répond aux besoins immédiats des réfugiés et de leurs communautés d’accueil tout en trouvant de nouvelles solutions innovantes. En inscrivant les droits des réfugiés dans une loi fondée sur des principes humanitaires, l’Ouganda a donné l’exemple au reste du monde. Le pays a continué d’améliorer son approche à travers une évaluation semestrielle des besoins et une version mise à jour du plan d’aide aux réfugiés en Ouganda, qui vise à répondre de façon complète aux défis auxquels les réfugiés et leurs communautés d’accueil sont confrontés. L’Ouganda, qui a été reconnu pour son leadership en matière d’aide aux réfugiés, a co-organisé le Forum mondial sur les réfugiés de 2023.
Mais une bonne législation ne suffit pas à garantir que les besoins des réfugiés seront satisfaits. L’Ouganda n’a pas un PIB fort et ses ressources sont limitées. Un travail de développement important est nécessaire pour renforcer les systèmes qui prennent en charge les 1,8 millions de réfugiés en Ouganda, la cinquième plus grande population de réfugiés au monde. Les infrastructures EAH (eau, assainissement et hygiène) doivent être réhabilitées pour améliorer la santé et l’éducation des communautés. La Banque mondiale a rapporté que la modernisation des techniques agricoles et le recours à des cultures résilientes au changement climatique seront essentiels pour soutenir la sécurité alimentaire et la prospérité du secteur agricole en Ouganda. Comme Judith en a été témoin, la faim et les maladies sont monnaie courante dans les camps de réfugiés de l’Ouganda et du reste du monde. Pour noircir encore plus ce tableau, le financement des programmes d’aide aux réfugiés de l’Ouganda a fortement diminué. Il est de la responsabilité de toutes les parties prenantes de continuer de faire des progrès en s’appuyant sur le modèle de l’Ouganda pour les réfugiés.
La loi sur les réfugiés de 2006 de l’Ouganda existe depuis moins de vingt ans, et pour qu’un véritable changement systémique soit observé, une croissance continue et à long terme est nécessaire. Tout comme les graines que Judith a reçues pour commencer à cultiver son jardin, la loi est une graine d’espoir pour améliorer les plans d’aide aux réfugiés. Mais pour pouvoir pousser, cette graine doit être cultivée par toutes les parties prenantes. L’approche de l’Ouganda, axée sur le respect des réfugiés et des communautés d’accueil, porte déjà ses fruits pour Judith et des milliers d’autres réfugiés.