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À la Une

A Zakho, écouter pour mieux aider

Chaque jour, des équipes psychosociales d’Action contre la Faim vont à la rencontre de déplacés en grande détresse. Elles écoutent, conseillent, organisent des activités pour les enfants et se démènent pour briser l’enfermement psychologique.

 

La voiture traverse Zakho, zigzague entre parcs et écoles qui accueillent un peu partout des milliers de déplacés. A la sortie de la ville, le véhicule s’enfonce rapidement dans une zone industrielle dépeuplée, continue sa route à travers des monticules de déchets. Des vaches paissent dans les ordures, quelques personnes déambulent dans la poussière, un bidon sur l’épaule ou une caisse sous le bras. La voiture atteint la dizaine d’immeubles en construction dans lesquels se sont réfugiés un millier de personne, loin de toute aide.

C’est le moment pour les équipes psychosociales d’Action contre la Faim de se mettre au travail. Les trois groupes se dispersent rapidement. Au deuxième étage d’un immeuble inachevé, l’un des binômes part à la rencontre de la famille de Kherly et Eidou. Ces deux frères ont fui le village de Rambouz à proximité de Tal Afar avec une vingtaine de personnes. Après quelques politesses, une femme d’une cinquantaine d’années prend la parole. Elle se plaint de la situation, du manque d’eau, des diarrhées fréquentes chez les plus jeunes. A ses côtés, un homme d’une trentaine d’année hoche la tête régulièrement en signe d’acquiescement. Les autres regardent le sol en manipulant un caillou ou quelques graines, perdues dans de douloureux souvenirs qui ne les quittent pas depuis leur arrivée à Zakho. Un peu à l’écart, les deux frères observent la scène dans un nuage de fumée. De nouvelles têtes font leur apparition, puis retournent se cacher derrière la couverture Mickey tendue entre deux piliers de béton.

 

« Il n’y a rien ici »

Le bâtiment est à l’image de la dizaine qui sont érigés là, un piège à ciel ouvert qui se referme sur celles et ceux qui ont le malheur d’y trouver refuge. Par une chaleur étouffante, le chemin pour aller chercher un peu d’eau ou se rendre aux latrines est un parcours du combattant. Partout, des clous rouillés jonchent un sol sans cesse arpenté par de petits pieds nus. La nuit, la peur et l’obscurité empêchent les déplacés de se rendre aux toilettes. Ils sont contraints de se soulager là où ils peuvent. Ces pratiques et l’étouffante chaleur qui règne ici augmentent les risques de maladie.

La mère de Kherly et Eidou, silencieuse depuis le début de la séance prend la parole à son tour, elle parle de liberté de culte, de la folie des hommes et de ces jours passés dans la prison rocheuse du Sinjar. Elle mentionne l’aide envoyée par avion. Elle était là, elle a vu le colis tomber sur cet homme qui ne s’est jamais relevé. Elle raconte la peur, la violence, le désir de vengeance des siens, prêts à mourir contre la vie d’un de leurs agresseurs. Soudain, l’ambiance change lorsqu’elle évoque le cas d’un proche enlevé et contraint à se convertir à l’Islam par ses geôliers. Ce vieil oncle auquel elle parle de temps à autre au téléphone est obligé de prier quotidiennement mais n’a aucune idée des phrases à prononcer. Tout le monde éclate de rire.

 

Jeux d’enfants, rires d’adultes

Il est temps de mettre en place les activités pour les dizaines d’enfants qui vivent là. Ballons, rondes et jeux en tous genres leurs permettent de partager, de se regrouper, de s’exprimer. Dans un contexte aussi difficile, beaucoup d’entre eux ont tendance à s’isoler et il est impératif de les identifier rapidement. Les six membres d’ACF organisent autant de petits groupes qui se pressent autour d’eux. Les activités se déroulent dans une impressionnante débauche d’énergie. Une centaine d’enfants participent aux différents jeux organisés. Tout autour, c’est l’ensemble des occupants des lieux qui se rassemblent peu à peu. Leurs sourires font écho aux rires des plus jeunes qui se pressent autour de l’équipe. Pendant près de deux heures, c’est un véritable échappatoire, un retour à des activités normales, à une vie d’enfants, et pour les adultes, c’est un moment de relâche, un simple moment de plaisir à voir les leurs retrouver l’insouciance qui n’aurait jamais du les quitter.

Sur le chemin du retour, il faut quelques minutes aux équipes pour reprendre leur souffle, accepter ces histoires dont l’écho résonne encore. Rapidement, les blagues fusent et permettent d’évacuer le poids de l’histoire qui se joue au nord de l’Irak.

 

Par Florian Seriex

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