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Sommet Humanitaire Mondial

quelle suite ?

Action contre la Faim a participé au premier Sommet Humanitaire Mondial qui s’est tenu les 23 et 24 mai derniers à Istanbul, organisé par les Nations Unies. Près de 6000 intervenants – Etats, ONG, agences onusiennes, secteur privé – ont discuté des défis et du futur du système humanitaire.

 

Pauline Chetcuti, Responsable Plaidoyer Humanitaire, livre ses impressions.

 

On aurait pu penser qu’un Sommet organisé par l’OCHA, l’agence de l’ONU en charge de la coordination de l’aide humanitaire à travers le monde, serait simple. Cependant, l’expérience des mois passés à essayer de comprendre la logique de l’initiative, et à réfléchir sur comment utiliser au mieux cette opportunité unique, nous avait préparés à une organisation plutôt chaotique. Nous nous attendions à un certain niveau de désorganisation une fois sur place, et nous n’avons pas été déçus.

A la veille du premier jour, le 22 mai 2016, la logistique de l’événement est déjà mise à l’épreuve, et c’est après de nombreux détours et retards que nous arrivons à destination. Le jour J, une fois nos badges récupérés, nous découvrons les lieux dans lesquels plus de 6 000 participants vont essayer de réformer le système de réponse humanitaire. Et si ce système ressemble un tant soit peu à l’organisation du Sommet, il y a du boulot.

Le Sommet humanitaire mondial, premier de ce genre, nous offre deux journées pour conclure plus de deux ans de travail de consultations et de préparation. C’est peu, compte tenu de la diversité des sujets à aborder. C’est un des défauts de conception du Sommet : toutes les thématiques relevant généralement de l’humanitaire y sont abordées, sans ordre de priorité. Il est donc question de parler ; d’innovation, de respect du droit international humanitaire, du climat, des réfugiés, des journalistes, des objectifs de développement durable entre autres. Des sujets essentiels, comme la coordination de la réponse humanitaire ou la réforme des agences de l’ONU, sont néanmoins absents.

Pendant ces deux journées, ces sujets sont abordés en parallèle lors d’évènements (plus de 200) qui se déroulent en même temps. Il est relativement difficile de participer à tous ou d’identifier lesquels seront décisifs. Le seul degré d’appréciation de l’importance d’un sujet se fait par le niveau de participation qu’il attire : les tables rondes de haut niveau, comme leur nom l’indique, sont réservées aux chefs d’Etats et d’agences de l’ONU. Alors que certains « side events », moins haut niveau et plus facile d’accès que les tables rondes se révèleront de francs succès, les tables rondes sont plutôt l’occasion pour les Etats de dresser la liste de leurs engagements, par ailleurs non contraignants.

C’est le deuxième défaut de conception fondamental du Sommet : il est non-étatique. Les Etats,   premiers responsables de la réponse aux besoins de leurs populations, s’engagent en dehors de tout cadre de redevabilité et de processus de suivi, au même titre que les UN, et, précisons-le, au même titre que les ONG !

Cela a des avantages car le processus de consultation est inclusif et tous les acteurs de l’aide humanitaire peuvent participer à l’exercice de réforme. Ainsi l’initiative NEAR des ONG du Sud a pesé sur l’important débat de l’accès des acteurs locaux à la coordination, à la prise de décision et surtout aux financements de la réponse humanitaire.

Mais de fait, le Sommet a surtout été marqué par le désintérêt des Etats, et l’absence de représentation de haut niveau des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies sera largement relevée. Pourtant, il n’y a pas de solution humanitaire aux crises politiques. Comme l’a clamé haut et fort Jeffrey Sachs[i], « la seule solution pour limiter les souffrances, et s’assurer du succès des objectifs de développement durable, c’est d’arrêter les conflits » mais les Etats qui ont ce pouvoir ne seront pas à la table des discussions. Ils seront en revanche au G7 deux jours après, où les priorités sont plus évidentes…

Alors que le monde est dans une situation critique – les conflits sont de plus en plus longs et destructeurs – la réponse humanitaire est saturée. Le nombre de personnes déplacées ou réfugiées est exceptionnel depuis la seconde guerre mondiale et les relations internationales sont crispées. De nombreuses organisations appellent les Etats à respecter leurs obligations afin qu’elles puissent acheminer une aide vitale aux populations victimes des conflits. Certains Etats ont donc profité du Sommet pour s’engager, à l’instar de la déclaration des Etats-Unis sur le respect des principes humanitaires. Un engagement qui reste déclaratif et non fondé sur le droit international, malgré l’actualité brûlante en Afghanistan, en Syrie ou au Yémen. Certains ont dit au Sommet que cette situation géopolitique critique empêche les Etats de s’engager à respecter le droit international : ce n’est pas au cœur des conflits que l’on peut réformer les pratiques, mais une fois la situation apaisée. C’est une approche pragmatique et confirmée par l’histoire, mais qui n’est pas de très bon augure pour la réponse humanitaire et les civils privés d’accès à l’aide.

Les discussions de couloir ont aussi émis l’hypothèse que le chef de l’agence en charge de l’organisation du Sommet a lui-même torpillé l’effort, en braquant les Etats. Dix-huit mois avant l’échéance, il déclarait qu’il n’y avait pas besoin de réforme et que la coordination se passait très bien. Les Etats sont en charge de financer la réponse, mais n’ont pas leur mot à dire sur l’organisation de celle-ci. Il est intéressant de noter que finalement c’est lors de discussions sur les financements, le ‘grand bargain’ une thématique concrète et contraignante, que le Sommet arrive à une solution concrète et satisfaisante pour tous les acteurs.

Des solutions justement, le Sommet n’en a pas amené beaucoup. Ce n’est pas faute d’en avoir proposé de concrètes mais le format conférence ne s’y prête pas. Il reste donc à espérer que les résultats de ce Sommet transformeront les déclarations en actes, et que le rapport final de Ban Ki Moon sera accompagné d’une feuille de route claire et mesurable de suivi des engagements.

RDV pris en septembre à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies… Pauline Chetcuti, Responsable Plaidoyer Humanitaire pour Action contre la Faim [i] Economiste et consultant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. Photographie : Geneviève Louarn

 

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