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À la Une

Somalie

les violences de l’exil

 

 

fatuma

A vingt kilomètres de Mogadiscio se trouvent deux camps de personnes déplacées, à Musbah et Daryel, dans le district de Lafoole. A 87 ans, Fatuma Guleed vit dans le camp de Musbah depuis 10 ans. Elle fait partie des personnes qui ont été déplacées lors de l’invasion éthiopienne de 2006. Entre extrême pauvreté et manque d’aide, elle raconte sa lutte quotidienne pour survivre.

Fin décembre 2006, l’Ethiopie envahit officiellement la Somalie dans le but annoncé de rétablir la paix et lutter contre les milices islamistes, notamment l’Union des Tribunaux Islamiques. Fuyant les combats, Fatuma est sauvée par de bonnes âmes qui acceptent de la prendre sur la route, dans leur chariot. Les combats cette année-là enlèvent à Fatuma cinq de ses huit enfants.

Aujourd’hui livrée à elle-même, elle reçoit de temps en temps de l’aide de ses voisins, de la nourriture essentiellement, ce qui ne l’empêche pas de s’endormir régulièrement le ventre vide. Elle ne dispose d’aucune ressource pour survivre et dépend de cette aide aléatoire. Tous les jours, Fatuma se rend à Mogadiscio pour laver des vêtements. Si cette activité lui permet de gagner un peu d’argent, elle le dépense presque entièrement dans les transports.

Habiba, sa fille, vit dans le camp d’Elaasha, à 10 kilomètres de Musbah. Lorsque la crise a débuté en 2006, mère et fille ont été séparées. Habiba est restée bloquée à cause des affrontements à Baidabo. En 2011, alors que la famine frappe de plein fouet la corne de l’Afrique et atteint le nord de la Somalie, elle réussit enfin à rejoindre sa mère.

Avant de fuir Suuqa Hoolaha en 2006, Fatuma se rappelle qu’elle vivait déjà dans une grande pauvreté. Elle se souvient aussi que les gens se sont retrouvés au milieu des affrontements entre l’Union des Tribunaux Islamiques et les forces armées éthiopiennes qui soutenaient le gouvernement d’Abdullahi Yussuf, président de la Somalie entre 2004 et 2008. Lors de ces affrontements, deux de ses enfants ont été tués par des tirs de missile.

Sans rêve et sans espoir, Fatuma dit attendre le jour de sa mort. Sa vie a été brisée lorsqu’elle était plus jeune et pouvait subvenir aux besoins de sa famille. Son mari est décédé alors qu’elle avait la trentaine, la laissant seule avec huit enfants à sa charge. Dans une telle situation, son fils aîné n’a pas eu d’autres choix de que de rejoindre une milice pour aider sa famille. Un temps, Fatuma a voulu s’installer à Kismayu avec son gendre, mais ils ont été tous deux menacés et ont eu peur de partir.

« Dans les camps, les femmes sont vraiment vulnérables. La plupart d’entre elles y vivent seules avec leurs enfants » explique Fatuma. « Un camp, ce n’est pas une maison, il n’y a pas de porte. Un homme peut rentrer à tout moment et faire ce qu’il veut sans jamais être puni. » Selon elle, bien que les cas d’agression de femmes, des viols par exemple, ne sont pas fréquents, celles-ci vivent toujours dans la peur. Une peur renforcée par les nombreux vols dans le camp. « Presque tous les soirs, nous sommes réveillés par des cris de femmes qui pourchassent des bandits » ajoute Fatuma.

Alors que la Somalie a été durement touchée par la sécheresse et les conflits au cours des deux dernières décennies, une détérioration de la situation pour la plupart des régions du pays a été constatée l’an dernier. En 2014, l’offensive de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie) menée contre le groupe Al-Shabaab a conduit à un changement d’administration dans la plupart des districts. En réponse à cette offensive, le groupe Al-Shabaab a imposé un blocus sur toutes les routes majeures servant à l’approvisionnement et aux échanges économiques. Avec pour conséquence directe l’effondrement du commerce et des moyens de subsistance locaux. Ajoutées à cela, deux saisons des pluies consécutives retardées et peu abondantes, entrainant une augmentation du nombre de personnes vulnérables.

7% de la population somalienne est en situation d’urgence humanitaire. Actuellement, plus de 1,1 million d’habitants sont déplacés sur le territoire somalien, suite aux combats et à la sécheresse. Environ 893 000 d’entre eux se trouvent dans le centre-sud de la Somalie (dont plus de 400 000 dans et autour de la capitale, Mogadiscio), 129 000 au Puntland et 84 000 au Somaliland, deux régions auto-proclamées indépendantes et non-reconnues par la communauté internationale. Les enfants représentent près de 60% de la population déplacée (UNICEF, 2013) et on estime que 75 à 80% des familles déplacées sont dirigées par des femmes (IDMC, 2014).

Entre juillet 2011 et juin 2012, une sécheresse sévère touche la corne de l’Afrique et entraine une crise alimentaire massive en Somalie, en Ethiopie, au Kenya et à Djibouti. Cette crise menace les moyens de subsistance d’environ 9,5 millions de personnes. La famine est déclarée. Beaucoup de réfugiés du sud de la Somalie fuient en direction des pays voisins, notamment le Kenya. A Mogadiscio, la surpopulation, les conditions insalubres et les taux importants de malnutrition aigüe sévère ont entrainé la mort d’un nombre important de personnes. La plupart des personnes déplacées appartiennent au clan agropastoral Rahanweyn et à la minorité ethnique Bantu.

A 60 ans, Ibrahim Ali a vécu une partie de sa vie à Qoryoley, dans le Bas-Chebeli, avant de venir à Mogadiscio. Il a été expulsé à 3 reprises avant d’arriver dans le camp de Hamdi, dans le district de Deynille, en mars 2015. « J’ai loué une charrette et un âne lorsque nous avons été évacués du camp de Maslah, dans la région d’Afgooye. Le propriétaire de la charrette me doit toujours 10 dollars » déclare Ibrahim. « C’est comme si nous n’avions aucun droit ici. Nous ne sommes toujours pas certains que nous allons rester, on sait très bien qu’on peut nous expulser à tout moment. »

Ibrahim remercie Dieu de l’avoir béni, lui et ses enfants, mais se désole de n’avoir aucune ressource pour les élever. Lorsque la famine a frappé la Somalie, il vivait déjà dans une extrême pauvreté. Autrefois agriculteur, la sécheresse l’a empêché de poursuivre ses activités et a poussé toute la famille sur les routes de l’exil.

Ibrahim s’est installé dans un premier temps à Hodan, après avoir perdu son bétail et ses fermes. Il avait néanmoins sauvé quelques chèvres mais toutes ont finalement péri, faute d’eau pour les abreuver. Dans le camp de Hodan, la famille d’Ibrahim a reçu des soins médicaux et de la nourriture : du porridge, du riz et des suppléments nutritionnels. Après la mort de sa seconde femme, la vie familiale s’est compliquée. Bien trop occupé à essayer de subvenir aux besoins de sa famille, Ibrahim n’a pas le temps de s’occuper des travaux ménagers ou encore des enfants ce qui l’attriste profondément. Son autre femme travaille en ville pour un demi-dollar, elle lave le linge et fait le ménage. Elle rentre souvent très tard le soir, et les enfants sont déjà couchés.

Khalif, son dernier fils, vit dans la ville de Mogadiscio et travaille pour une famille de boulangers, connue sous le nom de Rootii. Un logement lui est fourni et il gagne la modique somme de 10 dollars par mois, qu’il utilise pour réparer une voiture de course au garage Al-Mubarak à Bakara, dans le centre-ville de Mogadiscio. Ibrahim a quatre filles qui sont mariées mais qui ne sont pas en mesure d’aider la famille. Il dépend exclusivement de l’aide humanitaire, même s’il est fier des briques d’argile qu’il fabrique et qu’il vend occasionnellement pour se faire un peu d’argent.

Si la sécurité s’améliore dans le Bas-Chebeli, la grande famille retournera sur ses terres natales pour reconstruire leur vie et reprendre les activités agricoles. « Tout repose sur l’agriculture si nous voulons reprendre une vie normale, acheter des vêtements pour les enfants et qu’ils puissent aller à l’école » explique Ibrahim. Ses multiples expulsions ont définitivement accentué sa vulnérabilité.

Alors que le centre de Mogadiscio montre des signes d’amélioration (commerces, reconstruction), la situation des 400 000 personnes déplacées vivant dans la capitale est extrêmement préoccupante. Entre janvier et février 2015, plus de 25 700 personnes déplacées ont été expulsées des propriétés publiques et privées sur lesquelles elles vivaient, contre 32 500 personnes au cours de l’année 2014. Les taux de sous-nutrition dans les camps de la capitale frôlent dangereusement les seuils critiques selon les derniers rapports de l’Unité d’Analyse de la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (FSNAU).

A 34 ans, Safia Abdikheir a été expulsée à quatre reprises de Mogadiscio. Elle vit aujourd’hui dans le camp de Halgan, avec ses 11 enfants. Déplacée à la suite de la famine de 2011, elle vit dans des conditions précaires depuis. La pire sècheresse de la région depuis 60 ans a entrainé la mort des troupeaux, affecté les récoltes et fait baisser l’offre d‘emplois et les revenus des ménages. La diminution des récoltes a entraîné la hausse des prix à un niveau extrême. La situation s’est aggravée avec les conflits en Somalie, ce qui a empêché l’acheminement de l’aide humanitaire, et notamment la nourriture.

La famille de Safia vivait de l’agriculture dans la région du Bas-Chebeli. Lorsque la sècheresse a frappé la Somalie, leurs ressources se sont raréfiées jusqu’à réduire les activités de la ferme à néant. Avec son mari, ils sont alors partis à Mogadiscio avec les enfants, ayant été informés de la prise en charge des victimes de la sécheresse.

Une information que Safia qualifie aujourd’hui de propagande, et qui les a amenés à croire que la vie était meilleure à Mogadiscio. « Oui, nous pouvons dire que nous avons reçu de l’aide humanitaire, mais ce n’est pas une solution à long terme. Si ce n’était pas à cause du groupe Al-shabaab, nous serions retournés chez nous » insiste Safia.

Safia marche près de 20 kilomètres par jour pour aller travailler à Mogadiscio. Son travail de ménagère lui permet de joindre les deux bouts et d’aider comme elle peut ses enfants avec moins d’un dollar par jour. Elle travaille la plupart du temps dans des conditions dangereuses et cela a des conséquences néfastes sur sa santé. Son mari, pousseur de brouette, ne contribue pas vraiment aux dépenses de la famille. Dépassé par la concurrence des Bajaaj et des Tuk Tuk, qui permettent de transporter à la fois passagers et bagages contrairement aux brouettes, il gagne moins de 20.000 shillings somaliens par jour, l’équivalent de 0.5 dollar.

Avant de fuir pour Mogadiscio, Safia se préparait à semer des graines de blé, du maïs et des haricots sur ses terres. Si elle était rentrée à Qoryoley, ses cultures auraient probablement poussé et elle aurait pu améliorer le niveau de vie de la famille. Mais, à cause des tensions militaires persistantes dans les villes et la peur des représailles, elle ne peut pas y retourner. Il y a eu des attaques sporadiques autour des villes.

Avant la famine de 2011, Hawa Ali Heyle et ses cinq enfants habitaient à Farsoley, un petit village de la région d’Afgooye, où la famille élevait quelques chèvres. La famine de 2011, la pire en 60 ans, a poussé Hawa à fuir vers Mogadiscio, à la recherche d’un abri dans les camps de réfugiés qui abritaient la population fuyant à la fois la sécheresse et les violences.

Hawa se souvient. Lorsque la famine a débuté, sa mère est partie pour le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya. Dans sa fuite, elle a emmené ses deux enfants de 5 et 6 ans. Ils sont arrivés au camp kenyan de Hagadera après avoir marché 18 kilomètres entre Dhobley et la ville frontalière de Liboi. Affamés et épuisés, l’Organisation Internationale pour les Migrations leur a tout de suite dispensé les premiers soins. Hawa de son côté a vécu six mois dans le camp de Daryel. Transportés comme du bétail dans des camions, sans eau ni nourriture, ils ont été déplacés d’un camp à l’autre pour finir dans celui de Maslah.

La plupart des personnes fuyant la famine et les combats sont morts sur le chemin de Mogadiscio. La famille d’Hawa a survécu en mangeant des peaux de banane.

Lorsqu’ils se sont installés dans un premier temps à Siinka dheer, un camp à proximité de la ville d’Elaasha, l’abri dans lequel elle vivait a été détruit par une voiture. Elle faisait à ce moment-là la lessive et le ménage dans le centre de Mogadiscio. Avec son salaire, Hawa n’arrive pas à se procurer les aliments de base, comme le lait pour son bébé d’un an. La plupart du temps, le paiement des salaires quotidiens est ajourné, ce qui complique encore la situation économique de la famille.

Elle espère toujours un futur meilleur et souhaite pour ses enfants qu’ils puissent aller à l’école, se faire soigner s’ils en ont besoin et avoir un toit pour se protéger. Des services quasiment impossibles à obtenir dans les camps. Hawa appréhende la saison des pluies, qui est d’ailleurs sur le point de débuter, et qui risque de détruire le fragile habitat qui lui sert de maison.

« Je n’ai pas de bons plans pour l’avenir et je ne peux pas rentrer à Farsoley. C’est un petit village très pauvre et sans accès pour les organisations humanitaires. Les habitants vivent essentiellement de l’agriculture, c’est leur bouée de sauvetage ; et moi je n’ai pas de parcelle de terrain là-bas ! Je préfère rester dans le camp, parce que je me suis adaptée à cette vie. »

« Personne ne protège ceux qui vivent dans les camps. Des violences ont lieu tous les jours et certains sont traités comme de vrais esclaves » s’indigne Mohamed Abdirahman Qadee, père de 10 enfants qui vit dans le camp de Daryel.

Pour Mohamed, les atteintes aux droits humains sont quotidiennes. « Tous les citoyens de Mogadiscio, indépendamment de l’appartenance à un clan en particulier, souffrent d’insécurité et d’un manque de protection. Le manque de logements et de nourriture ne fait qu’empirer la situation » affirme-t-il.

Mohamed s’est réfugié à Mogadiscio avec sa troisième femme, laissant ses deux autres épouses livrées à elles-mêmes dans un contexte de violences et de famine. « Je suis parti à Mogadiscio dans le but de trouver une activité qui me permette de gagner de l’argent pour faire face à la crise économique et à la misère », explique-t-il. La situation à Mogadiscio n’est pourtant pas la meilleure et l’insécurité règne partout dans la vieille ville côtière, qui vit au rythme des bruits de balles et de missiles.

Installé dans un premier temps à Elaasha, Mohamed est évacué de force vers le camp de Daryel, près de la ville de Lafoole. Aujourd’hui, il est le chef de la communauté, et veut aider les plus vulnérables qui n’ont plus personne vers qui se tourner.

Seuls ceux qui ont les moyens peuvent aller en ville et accéder à l’aide humanitaire. Les autres sont livrés à eux-mêmes et continuent à vivre dans la pauvreté, souvent victimes de violences.

« Depuis les expulsions, les femmes, les enfants et les personnes âgées passent des jours entiers sans aucune nourriture, ce qui affaiblit encore leur capacité de résistance naturelle aux maladies » déclare Mohamed.

Les déplacements continus de ces derniers mois ont encore dégradé les conditions de vie des personnes déplacées, qui perdent la majorité de leurs biens à chaque évacuation.

Action contre la Faim travaille dans le centre-sud de la Somalie depuis mai 1992, et à Mogadiscio depuis 1995. Depuis juin 2014, les équipes d’ACF répondent à une crise humanitaire dans le district de Xudur. Sous contrôle de l’AMISOM depuis mars 2014, la zone connait un blocus majeur de toutes les routes commerciales imposé par le groupe Al Shabaab. Ce blocus a entraîné l’arrêt des marchés et la mise en danger des moyens de subsistance locaux, l’augmentation des taux de malnutrition et l’apparition d’épidémies. Dans la partie rurale du district d’Eyl, au Puntland, ACF a lancé un programme de sécurité alimentaire avec les communautés pastorales en janvier 2014.
ACF maintient une équipe d’intervention rapide qui opère à partir de Mogadiscio. Son but est de fournir une première aide aux populations touchées par des catastrophes naturelles ou d’origine humaine (conflits armés, conditions météorologiques extrêmes, apparition d’épidémie, expulsions).

Après plus de 20 ans d’instabilité politique, de violences et de privation des droits des Somaliens, le conflit est toujours en cours dans le centre-sud de la Somalie. Jusqu’à présent, la communauté internationale et les différentes autorités somaliennes n’assument toujours pas leurs responsabilités vis-à-vis de la population. Les civils sont les premières victimes de cette instabilité chronique et le degré de vulnérabilité et de traumatismes a dépassé depuis bien longtemps l’imaginable.

Face à ce constat, une aide humanitaire d’urgence doit être maintenue, financée et accompagnée d’un soutien à plus long terme pour redonner aux personnes les moyens de vivre et de gagner leurs vies. Avec 1,1 million de déplacés sur le territoire somalien, l’urgence se porte sur la protection des personnes déplacées afin que leur sécurité, leurs droits et leur dignité soient sauvegardés. Aucune solution durable n’a été trouvée à ce jour pour répondre à leurs besoins. L’insécurité ne permet pas, dans la plupart des cas, un retour dans leurs foyers. Pour une majorité, cela fait des années qu’ils vivent en transit, souvent expulsés d’un camp à l’autre. Ces expulsions créent encore davantage de vulnérabilité et sont contraires aux droits des déplacés et aux droits humains. Elles doivent être fermement interdites si elles ne sont pas faites avec le consentement libre des personnes déplacées, et vers un lieu adapté disposant de services de base accessibles. Tant que ces services ne fonctionneront pas, le retour des populations déplacées et réfugiées, comme c’est le cas dans le camp kenyan de Dadaab où vivent 332 000 Somaliens, n’est pas envisageable.[space][space]

La vie de Batula Ali Mamow se partage entre décès et expulsions. A 60 ans, elle a perdu 4 petits enfants dans la guerre de 2006 entre l’Union des Tribunaux Islamiques et les forces éthiopiennes. Son beau-fils a été tué à Mogadiscio pendant les bouleversements politiques. Depuis, elle vit dans la région d’Afgooye, où elle a connu sa première expulsion pendant les violences de 2007. Face à l’intensité des affrontements, Batula a d’abord cherché un refuge dans la ville d’Elaasha d’où elle a été rapidement expulsée. Finalement, elle a pu s’installer à Xamar Jadiid pendant 6 ans, où sa fille a été tuée, la laissant avec 9 enfants à sa charge. De Xamar Jadiid, elle a été expulsée vers Hodan puis dans le camp de Xamdi, dans le district de Deynille. C’est aujourd’hui là qu’elle vit.

20 années passées sur les routes de l’exil, entre expulsions forcées des camps et fuite. Batula se rappelle qu’au début de l’année 2009 le groupe Al shabaab venait dans les maisons de ceux qui disaient être en faveur du gouvernement et les assassinait. Pour elle, « cette vie est insupportable pour n’importe quel être humain. La vie dans les camps est effroyable. » 300 familles expulsées se sont installées dans le camp de Xamdi.

Les 300 familles ont tout perdu dans l’expulsion du camp. Aujourd’hui, elles n’ont accès qu’à très peu de services. Batula parcourt plusieurs kilomètres pour accéder à l’aide humanitaire qui lui permet de nourrir ses petits-enfants et d’améliorer leurs statuts nutritionnels.

Les Somaliens, et notamment les déplacés, sont majoritairement d’anciens agriculteurs. Une aide humanitaire doit être développée dans les zones rurales, aujourd’hui encore largement inaccessibles pour les organisations humanitaires dans le Centre-Sud de la Somalie. L’accès de toutes les populations aux services de base de même que l’accès des ONG aux populations doivent être respectés et facilités par toutes les parties au conflit. Il est également important de souligner que la mise en place de règlementations administratives liées à la lutte contre le terrorisme par un certain nombre de bailleurs de fonds fait courir un risque de poursuite judiciaire aux organisations travaillant dans des lieux contrôlés par des groupes définis comme « terroristes » par la communauté internationale. Ces réglementations sont contraires aux principes d’humanité et d’impartialité des organisations humanitaires et représentent un obstacle majeur à l’accès aux populations des zones rurales.

 

[fancy_header type= »3″ subtitle= »for type=2″]Une politisation de l’aide qui doit cesser[/fancy_header]

Depuis des années, l’aide humanitaire en Somalie est fortement politisée par toutes les parties au conflit. Manipulée, l’aide est devenue un levier politique permettant de favoriser certains groupes ou d’utiliser les besoins basiques des populations, la nourriture par exemple, comme tactique de guerre. Il est fondamental que l’aide humanitaire soit dépolitisée et la vie des civils, protégée.

Saadia Sudhi vit dans la peur. Celle d’être encore plus pauvre, celle que ses 4 enfants meurent de faim. Agée de 38 ans, elle est née et a grandi dans le district de Yaqshid.

Séparée de son mari depuis 2012, Saadia vit dans une maison de deux chambres faite de tôle. Pendant la journée, il fait très chaud à l’intérieur. Dans l’une des chambres, Saadia vit avec ses enfants, tandis que l’autre abrite son frère et sa femme.

Sa mère vend des Jallaata, des blocs de glace. Elle gagne 30.000 shillings somaliens, soit 1,5 dollar par jour. Une somme insuffisante pour acheter du lait pour son enfant et en même temps subvenir aux besoins de la famille. Ces trois derniers jours, son fils de 4 mois est resté au centre de stabilisation d’Action contre la Faim à Abdiaziz afin de bénéficier de soins et de compléments nutritionnels. Après deux jours dans le centre, il a retrouvé l’appétit et a pu sortir. Il a également été vacciné contre la poliomyélite et la rougeole.

Sa mère vieillissant, Saadia a de plus en plus de difficultés à tout gérer, seule. Son père est décédé, et personne ne peut l’aider à s’occuper des enfants. C’est pourtant sa priorité absolue.

Saadia se souvient de son enfance. La vie était plus paisible, les citoyens avaient des droits et les services de base tels que la santé, l’éducation et le logement étaient accessibles. Après le coup politique de 1992, lorsque Siad Bare a été expulsé de la présidence par les groupes rebelles, elle a dû cesser d’aller à l’école et le regrette encore aujourd’hui.

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