Irak : Retourner et reconstruire la vie à Sinjar

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Publié le 11 décembre 2020, mis à jour le 11 décembre 2020 à 17h43 pm

En Irak, avec l’augmentation du nombre de rapatriés à Sinjar, Action contre la Faim répond aux besoins croissants de réhabilitation des services et des infrastructures.

Cinq ans après la libération de Sinjar, au nord-ouest de l’Irak, de nombreux rapatriés et résidents locaux sont toujours confrontés à des défis importants, notamment en matière d’accès aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH). L’infrastructure d’eau désuète, durement touchée par le conflit, exacerbe les conditions de vie déjà dramatiques. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM)1, Sinjar est la deuxième région du pays avec le plus grand nombre d’individus vivant dans des refuges.

LES OBSTACLES SUR LE CHEMIN DU RETOUR

Majid, 34 ans, habite à Sinjar. Il se souvient de l’époque précédant le conflit où « Sinjar observait une énorme croissance dans tous les secteurs de la vie, et en quelques heures, tout a été perdu ». En 2014, la famille de Majid a fait partie des milliers de personnes qui ont tout abandonné et fui Sinjar face à l’avancée de l’Etat islamique dans la région.

Les horreurs n’ont pas épargné la famille de Majid durant les atrocités perpétrées contre la communauté Yézidie. Sa sœur, son frère et leurs familles ont été enlevés. Pendant tout ce temps, il n’a pas abandonné l’espoir de retrouver ses proches : « Deux ans après l’enlèvement, ma sœur a pu me joindre. Comme j’étais encore dans l’armée, j’ai demandé à mon supérieur un congé à durée indéterminée qu’il n’a pas accepté. J’ai démissionné de l’armée et je me suis précipité pour amener et sauver ma sœur et ses enfants. Ce fut un grand moment de ma vie ».

Majid et sa famille sont revenus dans leur Sinjar natal après deux longues années passées dans des campements et des structures d’accueil temporaires à Dohuk. La famille réunie tente de recoller les morceaux de leur vie. Majid a perdu son emploi stable dans l’armée et travaille maintenant comme mécanicien automobile pour couvrir les besoins de sa femme et de ses cinq jeunes enfants. « Il nous est arrivé quelque chose que nous n’oublierons jamais. Psychologiquement, il est difficile d’être en paix. Il y a toujours quelque chose qui nous échappe ».

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Les biens endommagés, détruits ou volés sont l’un des nombreux obstacles que rencontrent les personnes qui reviennent s’installer dans le Sinjar. Avant le conflit, Halo et sa famille vivaient dans des conditions difficiles dans leur village natal d’Alnisiria, dans le district de Shingal : « Notre maison était construite en boue, et de telles maisons ont besoin d’un entretien continu. Quand nous sommes partis, elle est restée pendant de nombreuses années sans aucun entretien, et finalement, les conditions climatiques l’ont détruite ».

À leur retour, Halo et sa famille se sont installés dans un logement temporaire à Sinuni avec son mari et ses trois enfants, où ils ont passé deux ans avec la permission du propriétaire. Cependant, après le retour du propriétaire, ils ont été contraints de chercher un nouveau logement. La famille de Halo continue à vivre avec uniquement une valise comme seul bien, car ni elle, ni son mari n’ont pas de revenus suffisants pour se permettre un logement indépendant. « Nous ne savons pas quand le propriétaire de la maison reviendra, nous devons donc être toujours prêts à déménager. D’autres problèmes comme le manque d’électricité, d’eau potable, de routes adéquates rendent la vie difficile ici ».

Tout comme la famille de Halo, les ménages vulnérables sont ceux qui souffrent le plus du manque de logements adéquats, d’infrastructures fonctionnelles et d’emplois stables.

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LES BESOINS CRITIQUES EN MATIÈRE D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT

En 2019, les évaluations menées par Action contre la Faim à Sinjar ont constaté un endommagement important du réseau d’eau, devenu dysfonctionnel. Les équipes d’Action contre la Faim sont intervenues pour améliorer l’accès à l’eau par le biais de l’extension et de la réhabilitation du réseau public. Cependant, et malgré d’importants travaux de réhabilitation, l’accès au réseau reste insuffisant. L’infrastructure nécessite une optimisation supplémentaire au niveau des maisons, car de nombreux quartiers restent déconnectés du réseau d’eau et des services municipaux.

Les équipes d’Action contre la Faim ont élaboré un programme avec des vouchers2 pour couvrir les coûts de réparation et d’entretien de la plomberie, y compris l’installation de réservoirs d’eau, d’éviers, de chauffe-eau, de filtres à eau ou de tout autre équipement de salle de bains. En outre, les ménages sélectionnés reçoivent des vouchers pour se procurer les kits d’hygiène. Les experts d’Action contre la Faim en matière d’eau et d’assainissement organisent régulièrement des séances de sensibilisation à l’hygiène, en mettant l’accent sur la prévention du COVID-19.

Les familles de Majid et Halo font partie des 500 ménages vulnérables qui ont été identifiés par les équipes d’Action contre la Faim. Majid a construit sa maison avant la crise mais n’a pu reprendre les travaux qu’après son retour, et seulement cette année. Grâce aux vouchers d’Action contre la Faim, il a pu équiper sa maison d’un lavabo, de tuyaux de plomberie, de valves et d’un chauffe-eau. Aujourd’hui, cela fait la différence dans la vie quotidienne de sa famille : « J’ai acheté des articles importants comme un réservoir d’eau, ce qui a augmenté ma capacité à stocker plus d’eau, si bien que nous avons maintenant un réservoir de stockage de grande capacité. Pour les autres articles, si je ne les ai pas achetés maintenant, alors j’aurais dû attendre un an ou même plus ». Quant à la famille de Halo, vivant sous la menace constante du délogement, il a fallu acheter du matériel facile à démonter et à réinstaller : « On peut nous demander de quitter cet endroit à tout moment puisque cette maison appartient également à une famille déplacée. Dans ce cas, nous pouvons transporter les équipements vers le nouveau lieu ». Malgré la crainte d’un nouveau départ, la famille va affronter l’hiver avec plus de confiance : « Nous allons bénéficier de nouveau équipement pendant longtemps. Grâce aux réservoirs d’eau, nous stockerons suffisamment d’eau et le réservoir du chauffe-eau nous sera bénéfique en hiver. Au lieu de chauffer l’eau pour les besoins quotidiens, ce sera beaucoup plus facile maintenant ». Ce projet de réhabilitation de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène au niveau des ménages, accompagné de la réhabilitation du réseau d’eau, vise à améliorer l’état de santé des rapatriés. L’amélioration de l’accès à l’eau permet également aux familles de mieux faire face à la pandémie de COVID-19.

Le système de vouchers permet aux rapatriés de choisir de manière indépendante les articles dont ils ont le plus besoin, tandis que les équipes d’Action contre la Faim se tiennent prêtes à aider et à conseiller. Dans le cadre de ce projet, les ménages identifiés reçoivent des vouchers d’une valeur totale de 320 dollars. Ils peuvent ainsi les utiliser chez des fournisseurs sélectionnés et dans des magasins situés à proximité, en les échangeant contre une liste d’articles spécifiques. Dans le magasin local d’Ido, dans le district de Shingal, les habitants peuvent trouver des équipements de plomberie : « Les gens achètent surtout des réservoirs d’eau, des filtres à eau et des chaudières. C’est bien quand, en tant que propriétaire de magasin, je peux aider la communauté. Pour nous, c’est un avantage économique et une opportunité pour les familles d’acheter les articles dont elles ont besoin ». Haidar est propriétaire d’un magasin qui vend des articles d’hygiène. Pour lui, le programme de vouchers est une excellente occasion de soutenir les familles et le marché local. « De nombreux lieux de travail ont réduit le nombre de leurs travailleurs à cause du COVID-19, mais dans mon magasin, au lieu de 3 travailleurs, j’en ai 5 ».

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En raison de la fermeture de tous les camps en Irak d’ici la fin de l’année, le nombre de nouveaux rapatriés à Sinjar devrait augmenter de manière significative dans les prochaines semaines. Le pays est déjà touché par le COVID-19 à une échelle sans précédent. Ainsi, les retours massifs vers les lieux d’origine peuvent entraîner sa propagation plus rapide. En plus des réparations, le programme d’Action contre la Faim fournit aux familles des vouchers de kits d’hygiène pour l’achat de produits désinfectants et de matériel de nettoyage. Nos équipes sont déterminées à aider les rapatriés en leur fournissant de l’eau potable, des installations sanitaires et en améliorant leurs conditions d’hygiène, essentiels pour prévenir la propagation de la pandémie COVID-19.

1OIM 09/2020 : http://iraqdtm.iom.int/images/MasterList/20201081929951_DTM_117_Report_July_August_2020.pdf
2Le projet « Améliorer le redressement et la résilience des populations touchées par la crise, grâce à une programmation multisectorielle et intégrée en Irak » est financé par l’USAID/BHA.

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