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À la Une
Nous ne pouvons que nous réjouir que l’année 2014 ait été déclarée par les Nations Unies, Année internationale de l’Agriculture Familiale (AIAF), grâce à une forte mobilisation de la société civile et des organisations paysannes. Mais elle ne représentera une opportunité pour les agricultures familiales paysannes que si elle est avant tout l’année de décisions politiques courageuses pour lutter contre toutes les formes d’exclusion qui les frappent plus que jamais, partout dans le monde.
L’AIAF 2014 est sans nul doute une opportunité pour remettre l’agriculture familiale paysanne au cœur du débat public et rappeler qu’elle est bien plus qu’un simple modèle d’économie agricole. L’agriculture familiale paysanne est la base historique du développement de tous les pays développés, pourtant, aujourd’hui, sur les 842 millions de personnes qui souffrent de la faim, les trois quarts sont des paysans et paysannes. Et malgré les multiples formes d’exclusions qui la frappe elle produit aujourd’hui 70% de l’alimentation mondiale, fournit plus de 60% de l’emploi dans les pays les moins avancés et reste garante de la plus grande biodiversité. L’agriculture familiale paysanne est le choix incontournable pour relever tous les défis majeurs du 21ème siècle : alimentation, climat, énergie, environnement, emploi.
Nous ne doutons pas que cette vérité sera largement rappelée et médiatisée tout au long de l’année. Preuve en est : la mention que « la France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, soutenant la production vivrière et respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité » dans la Loi d’Orientation et de Programmation relative à la politique de développement et de la solidarité internationale, récemment adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture. Mais la reconnaître n’est pas suffisant !
L’accaparement des terres, de l’eau, des forêts… et l’éviction des populations paysannes au profit des monocultures (soja, palmier à huile, etc) ou de l’industrie minière vont en s’accroissant. Politiques de sécurisation de l’approvisionnement en aliments et en eau, des pays dits développés, dynamiques transnationales d’investissement, mais aussi spéculation foncière et politiques favorables à la production d’agrocarburants, sont autant de causes qui, alliées à la fragilité des cadres institutionnels et juridiques des pays concernés et souvent, la complaisance de leurs dirigeants ; favorisent ces accaparements.
Les règles inadaptées du commerce international privent les PMA d’adopter des mesures de protection de marchés régionaux comme celles qu’avaient choisi l’Europe en son temps pour défendre sa propre agriculture ! Les négociations d’accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique Caraïbes et Pacifique, en passe d’être conclus après dix ans de blocage, ne sont pas rassurantes. Une fois ratifiés, les APE imposeront à ces pays d’ouvrir davantage leurs marchés à l’UE avec le risque d’une invasion massive de produits alimentaires européens, aux dépens des petits producteurs et de la sécurité alimentaire.
Enfin, derrière les discours de façade, les agricultures familiales sont bien souvent mises à l’écart des politiques publiques. Nombreux sont les dirigeants des pays en développement qui courent aujourd’hui après l’investissement du secteur privé marchand, un nouveau « mirage » pour relever le défi de la productivité et de la performance économique du secteur agricole, et un courant dominant que relayent fortement les organisations internationales. Or le danger est grand que certaines entreprises réduisent le rôle des paysans à la seule dimension de producteurs de matières premières sous contrat, au bénéfice de leurs actionnaires avant tout. Symbole de cette dangereuse tendance : la « Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la nutrition », lancée en 2012 par le G8 et à laquelle la France s’est associée, avec pour objectif louable d’éradiquer la faim dans 10 pays[1] d’Afrique. En favorisant, grâce à du soutien public, l’afflux de nouveaux capitaux privés et sans régulation suffisante, cette initiative a toute les chances de contribuer à l’éviction des paysannes et des paysans, à l’accaparement des terres et à l’expansion de modèles de production très éloignés de l’agroécologie.
Des décisions politiques fortes sont absolument nécessaires : Action contre la faim, Agronomes et Vétérinaires sans frontières, AGTER, le CCFD Terre Solidaire, le CFSI, le Gret, Oxfam France, Peuples Solidaires, Réseau Foi et Justice Afrique Europe et la Confédération Paysanne, réaffirment à l’ouverture de cette année internationale, nos propositions en faveur des agricultures familiales et paysannes.
Nous demandons au Gouvernement français d’agir dans les enceintes internationales (Nations Unies – CSA, COP Climat, OMC – Union Européenne, G8, G20) pour que l’AIAF débouche sur les décisions politiques indispensables pour faire de celles-ci, un pilier d’un développement équitable et d’une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable. La France peut et doit :
Derrière les évènements « AIAF 2014 », se joue l’avenir de la société que nous souhaitons et de ces hommes et femmes qui ont jusqu’à aujourd’hui nourri et peuvent toujours nourrir l’humanité. L’AIAF permettra sans doute de sortir l’agriculture familiale d’une image archaïque et d’en montrer toute la modernité et la diversité pour répondre aux défis du XXI siècle.
Mais communiquer n’est pas agir ! Sans actes forts posés et sans engagements pris au niveau international, l’AIAF ne sera qu’un effet vitrine et laissera libre champ aux processus d’exclusion en cours. Nous prenons donc acte des initiatives françaises et en dresserons le bilan à l’issue de cette année.
[1] 2012 : Burkina Faso, Cote d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, Mozambique, Tanzanie – 2013 : Malawi, Nigeria, Bénin – Sénégal annoncé