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CHA - Nut&Health - 2024 - Christophe Da Silva (60)-min © Christophe Da Silva pour Action contre la Faim

À la Une

Soudan

Deux ans de crise : des millions de vies brisées

A la frontière Est du pays, les équipes d’Action contre la Faim répondent aux besoins des réfugiés et des communautés hôtes alors que les réfugiés continuent d’arriver au Tchad et dans un contexte de réduction drastique des financements humanitaires. 

Depuis le début de la guerre au Soudan, le Tchad accueille plus d’un million de déplacés, dont plus de 773 000 réfugiés soudanais à l’Est du pays.1 Ce déplacement de population pèse sur les ressources des communautés hôtes, sur la disponibilité des denrées et met à rude épreuve les services sociaux essentiels déjà fragiles. 

Face à cette crise, Action contre la Faim intervient dans les Provinces du Ouaddai et de Sila notamment dans le site d’Adré et dans les camps de réfugiés de Métché, et de Zabout pour répondre aux besoins des réfugiés et populations hôtes via des programmes d’assistance humanitaire en santé et nutrition, santé mentale et soutien psychosocial, en eau, hygiène et assainissement et en sécurité Alimentaire et moyen d’existence. 

 

Des conditions de vies difficiles dans les camps 

 

« Depuis le début de l’année, les arrivées augmentent notamment dans le site d’accueil d’Adré qui est un des principaux point d’entrée dans la région du Ouaddai. On estime à 250 000 le nombre de personnes réfugiées dans ce site, un chiffre qui a presque doublé par rapport à l’année dernière. Avec la baisse des financements humanitaires, qui limite la réponse humanitaire au Soudan, les combats au Nord Darfour à Zamzam et autour d’El Fasher, et la fin du Ramadan, nous sommes inquiets de voir arriver de nouveaux réfugiés alors que la réponse humanitaire côté Tchad est déjà insuffisante », commente Ghislaine Flore Tantchou Nguandjeu, coordinatrice terrain dans la région d’Ouaddai pour Action contre la Faim. 

Les conditions de vie dans les camps se dégradent à mesure que les arrivées s’intensifient. « Dans les sites d’accueil, on identifie une augmentation des besoins notamment en eau, en latrines mais aussi en santé, nutrition. Les personnes ici vivent avec 7 litres d’eau par jour, ce qui est très insuffisant et en dessous du seuil d’urgence. Avec la saison des pluies qui se profile, on s’inquiète des risques de propagation d’épidémies et maladies d’origine hydriques comme le choléra », précise Ghislaine.  

Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’arrivées accentue les tensions communautaires entre les personnes issues des communautés hôtes et les personnes réfugiées. « Pour les autorités nationales et locales, il y a urgence à relocaliser les personnes réfugiées installée à Adré mais elles sont souvent réticentes car les camps de réfugiés où elles doivent s’installer sont très éloignés de la frontière. La communauté hôte souhaite récupérer les terres sur lesquelles les réfugiés sont installés pour pouvoir cultiver. Il y a un véritable enjeu de cohésion sociale et de résilience des personnes pour faire face à cette crise ». 

La saturation des camps et l’insuffisance des financements ajoutent une pression sur les moyens de subsistance des personnes réfugiées et des communautés hôtes impactant leur situation nutritionnelle. Dans le pays, selon les résultats de l’analyse du Cadre harmonisé de décembre 2024, plus de 2,4 millions de personnes (14 % de la population) souffrent d’insécurité alimentaire aiguë (phases 3 et +), soit une augmentation de 400 000 personnes par rapport à décembre 2023, dont 800 000 personnes dans les provinces de l’Est. 

 

Panser les traumatismes de la guerre  

 

Le conflit laisse des séquelles traumatiques indélébiles en particulier pour les femmes et les enfants. Pour répondre à ce besoin essentiel, Action contre la Faim mène des activités en santé mentale et soutien psychosocial dans le camp de Metché, près d’Adré à l’est du Tchad. Nasra Mahamat Dahab, mariée et mère de 9 enfants a fui la guerre avec sa famille pour trouver refuge dans le camp de Metché, . Elle a été confrontée à des traumatismes profonds, liés aux violences du conflit et ses conséquences, aux pertes humaines et matérielles, dont elle a été victime. Arrivée au camp, elle avait de grandes difficultés à s’adapter aux conditions de vie, particulièrement précaires au sein des camps de réfugiés. Et plus précisément, elle a dû continuer à faire face à ses propres traumatismes (pertes des proches parents, perte des traces d’un enfant resté au Soudan, pertes des biens…), sans l’appui de ses proches et loin de son cadre familial sécurisant.  

« Lors d’une séance de sensibilisation communautaire, organisée et animée par les équipes en santé mentale d’Action contre la Faim, j’ai entendu parler des signes et autres symptômes les plus récurrents que l’on peut ressentir après des chocs, crises et conflits. Je me suis alors rendu compte que c’était ces signes que je ressentais et endurais, suite aux événements douloureux que j’ai vécus à El-djinéné, ma localité d’origine au Soudan. », explique Nasra. 

« Ils m’ont bien accueillie, écoutée, aidée ; d’abord à travers un accompagnement individuel, puis j’ai accepté d’intégrer un groupe de parole pour bénéficier d’une prise en charge groupée avec mes paires. Les équipes psychosociales d’Action contre la Faim m’ont aidé à gérer les mauvaises pensées et les émotions négatives. Maintenant, je retrouve le sommeil, je souris, je partage mes soucis et expériences avec mon entourage. Je suis même devenue une conseillère pour les autres. L’activité de tissage m’a fait du bien, car elle m’a permis de voir la vie de manière plus optimiste ». 

« La santé mentale constitue un enjeu majeur dans les camps », souligne Ghislaine. « Les ateliers de tissage, de dessin ou d’autres activités créatives que nous mettons en place s’inscrivent dans une approche psychosociale centrée sur le soin. Ils offrent aux participant·es un espace sécurisé pour exprimer leurs émotions, recréer du lien social et retrouver une forme de stabilité dans leur quotidien. En favorisant les échanges entre personnes réfugiées et communautés hôtes, ces activités contribuent également à rompre l’isolement, à renforcer le vivre-ensemble et à prévenir les effets délétères de l’inactivité prolongée. » 

 

Nasra © Action contre la Faim Tchad

Nasra, personne bénéficiaire du programme SMSP

 

Une crise humanitaire sous financée 

 

Le bailleur américain USAID finançait jusqu’à présent 50% de l’aide humanitaire au Tchad. La réduction des fonds américains, dans un contexte général de baisse des financements, a un impact direct sur des milliers de réfugiés soudanais qui vivent grâce au soutien de l’aide humanitaire et limite les capacités de réponse des ONG internationales et locales présentes sur place. 

« Les agences onusiennes comme l’UNHCR sont durement touchées, leurs partenaires ont réduit drastiquement leurs équipes et leurs programmes, notamment liés à l’éducation et les activités génératrices de revenus », commente Ghislaine. 

Les acteurs comme l’UNICEF ou le Programme Alimentaire Mondial, responsables de l’approvisionnement des produits nutritionnels dans les centres de santé de tout le pays, comme les aliments thérapeutiques prêt à l’emploi, ont directement été impactés par les coupes de l’USAID. « Notre stock de Plumpy Nut nous permet de prendre en charge les enfants en situation de malnutrition aigüe sévère jusqu’en mai, nous n’avons pas de visibilité après cette date ».  

Selon les estimations de l’UNHCR, le nombre de réfugiés et de rapatriés au Tchad pourrait atteindre 973 000 personnes d’ici la fin de l’année 2025. Malgré l’ouverture de nouveaux camps de réfugiés, 280 400 d’entre eux vivent encore dans des sites spontanés à la frontière avec le Soudan. 

« Malheureusement, le conflit au Soudan risque de perdurer. Nous craignons que cette crise soit oubliée, Nous avons besoin de financement pour accompagner les personnes dans le temps mais également pour répondre à d’autres crises dans les autres provinces du Tchad », conclut Ghislaine. 


¹ Situation d’urgence au Tchad : Mise à jour des arrivées du Soudan (au 6 avril 2025) – Chad | ReliefWeb

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