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21.09_8-min © Arthur De Poortere pour Action contre la Faim

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Ukraine

De Marioupol à Zaporijia : le parcours de trois déplacées de guerre

Située au bord de la mer d’Azov, dans la région de Donetsk, Marioupol était une ville industrielle dynamique qui comptait 450 000 habitants. Les années précédant le début du conflit international, la ville avait fleuri ; de nouveaux parcs avaient été construits et le centre ville s’était modernisé. Lorsqu’ils évoquent leurs souvenirs de la ville, les visages des Marioupolitain.e.s s’illuminent, puis leurs coeurs se serrent.

Enjeu stratégique pour les forces russes, Marioupol est devenue la ville martyre de l’Ukraine. Le bilan humain de l’offensive y a été particulièrement lourd ; il s’élèverait à des dizaines de milliers de morts, dont une partie serait encore ensevelie sous les décombres. Pendant plusieurs semaines, ses habitants sont restés piégés, privés de nourriture, d’eau et des services de base. Au terme d’un siège qui a duré près de trois mois, 90% de Marioupol a été détruite et les habitants qui n’y sont pas morts ont dû fuir.

Svitlana, Zhaneta et Kateryna sont toutes les trois originaires de Marioupol. Elles y menaient une vie paisible avant que la guerre ne vienne ébranler leurs vies et balayer leurs certitudes. A Zaporijia, à plus de 200 kilomètres de leur ville natale, elles essaient de se reconstruire malgré les alertes aériennes incessantes et leur situation économique précaire.

    « On entendait le bourdonnement des opérations militaires. C’était très effrayant »
    Svitlana, 62 ans

Ouvrière dans une usine métallurgique, Svitlana est née et a vécu toute sa vie à Marioupol. Le jour où la guerre a éclaté, elle s’est réfugiée munie de nourriture et de couvertures au sous-sol de l’immeuble où vivait son fils ainé, aux côtés de sa belle-fille, de son petit-fils et de son fils cadet.

Les conditions de vie dans le sous-sol de l’immeuble, partagé avec une famille avec six enfants, étaient particulièrement difficiles. « Il y avait de petites fenêtres pour la ventilation, par lesquelles on pouvait entendre le bourdonnement des opérations militaires. C’était très effrayant. Il n’y avait pas de toilettes, alors j’ai pris la responsabilité d’évacuer les déchets. Je courais dehors avec des seaux entre les explosions », se souvient Svitlana. 

La famille avait pris l’habitude de cuisiner à l’extérieur sur un feu. Mais c’était très dangereux, car un tireur d’élite se trouvait dans l’appartement voisin. « Un jour, mon fils cadet est revenu tout pâle », raconte-t-elle. « Il s’est penché au-dessus du feu et une balle a volé au-dessus de sa tête ».

Lors de sa première tentative pour fuir Marioupol, le 5 mars 2022, la famille a aperçu une ambulance en panne au milieu de la rue et des gens inanimés sur le béton. Comme les pneus de leur voiture ont crevé, ils ont dû faire marche arrière.   

10 jours après, lors d’une nouvelle tentative, ils ont voyagé dans un convoi de 15 voitures. « Nous avons convenu que si quelque chose arrivait à quelqu’un, tout le monde devait s’arrêter », raconte Svitlana. « La voiture d’un voisin est tombée en panne et nous avons immédiatement réparti ses affaires dans les autres voitures. Lorsque nous sommes arrivés à Zaporijia, je tremblais de nervosité ».

Svitlana est désormais hébergée gratuitement dans un dortoir à Zaporijia et elle travaille à la blanchisserie du centre « Je suis Marioupol », qui soutient les personnes déplacées de Marioupol. Action contre la Faim lui fournit, ainsi qu’à sa famille, une assistance financière afin qu’ils puissent couvrir leurs besoins essentiels.

Svitlana est en grande souffrance du fait de la perte de son fils aîné. « J’ai tellement envie de le serrer dans mes bras, mais c’est impossible. Je ne pardonnerai jamais à ceux qui l’ont tué », souffle-t-elle. Ses petites-filles et ses amis sont devenus la principale source de joie dans sa vie. Malgré la guerre, elle est très attachée à son pays et elle n’a pas l’intention de le quitter. « Voyager, oui c’est mon rêve. Mais je ne vivrai qu’ici, en Ukraine ».

    « Je suis anxieuse mais je me dis que si quelque chose m’a sauvée à Marioupol, cela me sauvera ici aussi »
    Zhaneta, 78 ans

Lorsque la guerre a éclaté, Zhaneta vivait avec son mari à Marioupol. Ils étaient convaincus que tout reviendrait à la normale rapidement.  

Depuis le 9ème étage de leur immeuble, il était difficile pour eux de descendre au sous-sol pour se protéger durant les bombardements. Ils restaient donc dans l’appartement et priaient. Les frappes aériennes se sont progressivement rapprochées de chez eux. D’abord, c’est une école du quartier qui a été touchée, puis un immeuble de cinq étages à côté du leur. Le 14 mars 2022, c’est finalement leur immeuble qui a pris feu. Pendant des heures, Zhaneta et son mari sont restés assis près des boîtes aux lettres pendant que les voisins éteignaient le feu avec des seaux d’eau. 

Privés d’électricité et de chauffage, Zhaneta et son mari ont dû se recouvrir de plusieurs couches de vêtements d’hiver et dormir sous trois couvertures. Ils n’ont pu manger que grâce à des provisions préparées à l’avance.  

« Un jour, alors que le gaz était encore allumé, j’ai mis de la nourriture dans une casserole et une explosion s’est produite », se souvient Zhaneta. « Le verre des fenêtres a volé au-dessus de ma tête et il est tombé dans la casserole. Heureusement, je me suis penchée et les éclats de verre ne m’ont pas touchée. J’ai dû jeter la nourriture et couvrir les fenêtres avec une couverture. Avec les vitres cassées, il faisait encore plus froid dans la maison ».

Au fil des semaines de siège, se nourrir est devenu un luxe à Marioupol. Zhaneta raconte qu’un jour son fils a apporté 2 kilos de mandarines congelées. « Je les voulais tellement que je les ai mangées congelées », se souvient-elle. « À cause de cela, je suis tombée malade et j’ai eu une forte fièvre ». 

Elle comme sa famille ont dû s’adapter au manque de tout. Lorsque le gaz a cessé de fonctionner, Zhaneta a fabriqué une torche avec des tablettes d’alcool sec. Elle a redoublé de précautions pour éviter que les militaires voient la lumière et tirent sur l’appartement. Son fils a recueilli de la neige dans une bassine pour récupérer de l’eau.

Pour mieux gérer son anxiété, Zhaneta a tenu un journal. « C’était une sorte de chronologie de la guerre », explique-t-elle. « Lorsque la batterie de mon téléphone s’est épuisée, j’ai tenu un calendrier et j’ai rayé chaque jour, comme en prison, pour ne pas perdre la notion du temps. Lorsque j’ai quitté Marioupol, j‘ai écrit que je n’y reviendrai jamais ». 

A la fin du mois de mars 2022, Zhaneta et son mari ont quitté Marioupol pour Zaporijia afin de rejoindre leur petite-fille. Peu après leur arrivée, le mari de Zhaneta a été diagnostiqué d’un cancer et il est décédé peu après. C’est à ce moment-là qu’elle a commencé à fréquenter le centre « Je suis Marioupol », où elle s’est fait des amis, a consulté des psychologues et a bénéficié de services médicaux gratuits.

Comme sa pension de retraite ne couvre que les frais liés à la nourriture et à d’autres biens de consommation, l’aide financière fournie par Action contre la Faim lui a permis de couvrir ses besoins en produits d’hygiène.

À Zaporijia, Zhaneta ne se sent toujours pas totalement en sécurité : une ogive de roquette est tombée près de sa nouvelle maison, s’est enfouie dans le sol et n’a pas explosé. « Les premiers jours à Zaporijia, je pleurais sans arrêt. Je suis anxieuse mais je me dis que si quelque chose m’a sauvée à Marioupol, cela me sauvera ici aussi. Je vivrai pour ma petite-fille », commente-t-elle.  

    « Nous avons mis toute notre vie dans deux sacs et nous sommes parties »
    Kateryna

Kateryna travaillait comme directrice d’études musicales dans un jardin d’enfants. Elle reste sans nouvelles de sa maison mais nourrit l’espoir de pouvoir retourner à Marioupol.

« Il y a eu beaucoup de frappes aériennes. Le jardin d’enfants a été incendié. La salle de musique a été détruite. C’est une bonne chose que j’aie beaucoup de photos des bons moments que nous avons passées au jardin d’enfants, comme ça ils resteront toujours dans ma mémoire », explique Kateryna.

En mai 2022, un ami a suggéré à Kateryna et à sa mère de quitter Marioupol. Elle regrette de ne pas avoir pu emmener ses animaux de compagnie avec elle. « Nous avons mis toute notre vie dans deux sacs et nous sommes parties », se souvient Kateryna. « Je ne sais pas ce qu’il est advenu de ma maison. Je ne peux que prier. Je sais que les animaux affamés se rassemblent en grands troupeaux là-bas. Peut-être que mon chien fait partie de ce troupeau ». 

Aujourd’hui, Kateryna et sa mère vivent à Zaporijia. Elle a trouvé un travail en tant qu’enseignante.  « Je suis restée dévouée aux enfants. C’est ma vocation. » explique-t-elle.

La santé de la mère de Kateryna s’est beaucoup détériorée après ce qu’elles ont vécu et elles manquent d’argent pour subvenir à leurs besoins de base. Action contre la Faim leur fournit une assistance financière d’environ 10 800 hryvnias (soit environ 237 euros) chacune pendant trois mois qui leur permet de joindre les deux bouts.

« Cet hiver sera très difficile car les prix du chauffage ont augmenté », explique Kateryna. « Avec l’aide financière que j’ai reçue, je pourrai payer les charges. J’espère que je pourrai rentrer chez moi et que de bons moments m’attendent de retour là-bas » confie-t-elle.

 

A propos d’Action contre la Faim en Ukraine

 

Depuis mars 2022, Action contre la Faim met en œuvre des activités de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance pour les personnes déplacées avec deux modalités principales : la distribution de repas chauds et une assistance financière.

Action contre la Faim intervient aussi dans le domaine de la santé, en soutenant les centres de soins de santé primaires et en mettant en œuvres des programmes de soutien psychologique et psychosocial.

Le dernier secteur d’intervention est l’eau, l’hygiène et l’assainissement à travers notre soutien à la société de gestion de l’eau ukrainienne Vodokanal, la réhabilitation de centres d’hébergement collectifs et la distribution de kits d’hygiène.

Dès le début du conflit, l’ensemble de nos programmes d’intervention se sont appuyés sur une coopération accrue avec des organisations ukrainiennes.

 


Copyright des portraits : © Hanna Pieshkova pour le Consortium Dorijka

 

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