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À la Une

Situation alarmante

une crise dans l’ombre de la crise ivoirienne.

En mars, Lisa Rudge, référente en eau et assainissement au siège d’ACF, s’est rendue dans le Nimba, une zone au Nord Est du Libéria qui partage une vaste frontière avec la Côte d’Ivoire. C’est la zone où, dans un premier temps, se sont concentrés la plupart des réfugiés. Le but de sa visite dans le camp de Bahn et dans les villages frontaliers accueillant les ivoiriens : rendre compte de la situation, conseiller et proposer des solutions pour venir en aide aux réfugiés ainsi qu’aux communautés « hôtes ».

 

Quelques semaines plus tard, Patrick Andrey, Responsable géographique, qui coordonne l’élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie opérationnelle d’intervention d’ACF au Libéria, a pu constater les avancées des programmes et l’évolution de la situation. Il a pu vérifier l’adéquation des programmes avec les besoins et préparer l’avenir. En effet, désormais c’est au sud de la frontière que se trouve la majorité des réfugiés, il faut également préparer l’arrivée de la saison des pluies et anticiper les besoins durant « la période de soudure ».

 

Ils reviennent tour à tour sur leur expérience et décrivent la situation. Lisa, peux-tu nous expliquer la situation à la frontière libérienne ?

 

Les réfugiés viennent principalement des zones frontalières. Culturellement proches des communautés qui les hébergent, ils parlent la même langue et ont des liens forts. Accueillis avec chaleur, les réfugiés se sentent plus en sécurité de ce coté de la frontière en attendant de pouvoir rentrer chez eux.

 

Pour faire face à cet afflux massif, les autorités libériennes ont décidé la mise en place d’un camp, à Bahn, pouvant accueillir jusqu’à 15 000 personnes. En février, les équipes d’ACF ont participé à l’organisation et à la mise en place du camp en tant que responsable des questions d’eau, assainissement et hygiène. Malgré des standards d’accueil assez élevés, l’arrivée des réfugiés dans le camp se fait très progressivement. Souvent par peur de ne pas pouvoir le quitter librement, d’y être en danger ou de ne pas trouver de moyen de subvenir à leurs besoins, beaucoup ont préféré rester dans les communautés « hôtes ».

 

D’autant plus que l’hospitalité des Libériens est tout à fait remarquable et leur est offerte très naturellement. Ayant eux même par le passé bénéficié de l’hospitalité ivoirienne, ils rendent la pareille à leurs voisins n’hésitant pas à partager leur maison, leurs biens et surtout leurs vivres, risquant ainsi leur propre sécurité alimentaire. Dans certains villages, la population a tout simplement doublé en quelques jours, entrainant des problèmes sanitaires aisément imaginables. C’est pourquoi ACF n’aide pas simplement les réfugiés mais également les communautés.

 

Quelles activités ACF a mises en place pour répondre à cette crise ?

 

Etant déjà présente et en alerte au Libéria comme en Côte d’Ivoire, ACF s’est rapidement positionnée pour répondre à l’urgence. Cela a par exemple permis de recruter d’anciens salariés locaux et de constituer rapidement des équipes qualifiées et efficaces. C’était important pour répondre le mieux possible aux besoins des réfugiés installés dans les villages frontaliers et lors de la mise en place du camp, ce qui représente un énorme travail.

 

En ce qui concerne les programmes d’eau, assainissement et hygiène à Bahn, les équipes ont réalisé 5 forages ainsi qu’une station de purification et de distribution de l’eau avec des robinets publics et fournissent désormais 15 litres d’eau potable par personne et par jour. Des latrines « améliorées », avec une moyenne d’une latrine pour 50 personnes, ont été installées et accompagnées de sensibilisations aux bonnes pratiques d’hygiène. Les équipes expliquent pourquoi et comment bien se laver les mains ou encore que les enfants ne doivent pas déféquer dans le camp. D’autre part, les programmes de gestion des déchets et des eaux usées, très importants pour limiter la propagation des maladies, ont été initiés. Des distributions de kits de potabilisation sur les zones frontalières et des séances de sensibilisation à leur utilisation sont également en cours, couvrant les besoins d’environ 15 000 personnes.

 

Lisa, comment vois-tu la situation dans les mois à venir ?

 

Globalement on peut dire que la machine est vraiment en marche, le camp a pris un rythme où tous le monde joue un rôle défini, chacun veut se rendre utile et aider les humanitaires. L’information circule de mieux en mieux, l’entraide mutuelle est bien réelle et fonctionne à merveille. Les équipes se préparent également à accueillir les nouveaux réfugiés dans l’est et vont mettre en place des programmes spécifiques en dehors des camps, dans les villages « hôtes ».

 

Mais nous restons vigilants car avec l’arrivée de la saison des pluies, la situation risque de se détériorer. Le risque de contamination va augmenter car les eaux, en s’écoulant, emportent avec elles les excréments et autres déchets, polluent les rivières et eaux de surfaces. Patrick, à quelques semaines de la visite de Lisa, la situation a-t-elle évolué ?

 

La crise politique en Côte d’Ivoire a trouvé une issue. La situation a, de ce fait, évolué, mais la situation humanitaire est toujours préoccupante notamment dans les villages accueillant les réfugiés à la frontière et le camp de Bahn, qui accueille toujours des milliers de réfugiés. A présent, une partie des ivoiriens commence à rentrer mais de nombreux réfugiés sont terrifiés à cette idée: « On ne veut pas retourner dans des villages contrôlés par des personnes qui ont massacré nos familles ». Ceux-ci resteront probablement à la frontière jusqu’aux prochaines récoltes, car nombre d’entre eux ont saisi l’opportunité de travailler les terres des populations locales qui les accueillent.

 

En effet, les familles hôtes ont accepté de partager leurs stocks de nourriture, de semences, mais également leurs terres avec les réfugiés. Comme c’était à craindre les stocks se sont rapidement épuisés, laissant les populations dans une grande vulnérabilité. La situation apparaît donc comme de plus en plus critique, puisque la prochaine récolte commencera seulement en octobre. Le risque d’une crise alimentaire croît, notamment avec l’arrivée de « la période de soudure » qui sépare la fin de la consommation de la récolte précédente et l’épuisement des réserves des greniers, de la récolte suivante. Durant cette période, la population est contrainte de se débrouiller avec le peu de ressources et les stocks alimentaires disponibles, souvent hors de prix et est particulièrement vulnérable.

 

Quelle évolution les programmes ont-ils connue ?

 

Une enquête nutritionnelle récemment menée par les équipes d’ACF témoigne d’une augmentation des taux de malnutrition aiguë avec des taux de malnutrition sévère qui sont au-delà des seuils d’urgence. Cette situation va très probablement empirer dans les mois à venir à cause de la période de soudure qui durera jusqu’aux prochaines récoltes prévues en octobre.

 

Cette situation nutritionnelle qui est appelée à se détériorer pousse les équipes d’ACF à intensifier leurs programmes. Elles offraient déjà un soutient aux structures de santé existantes dans toute la zone frontalière, dans le cadre du traitement de la malnutrition modérée et aiguë sévère et veulent renforcer le volume des supports nutritionnels, en proposant la couverture d’un plus grand nombre de centres de soins et la mise en place d’unités mobiles de traitement de la malnutrition.

 

Des programmes eau et assainissement se développent également, avec la distribution de tablettes de purification dans les foyers, afin d’apporter une eau potable aux familles. Des réservoirs d’eau purifiée seront installés dans certains villages, à destination des populations frontalières.

En termes de sécurité alimentaire, une évaluation des besoins est lancée, pour déterminer quelle sera la réponse la plus adaptée pour protéger les populations vulnérables face à l’installation de la crise.

 

Les craintes émises par Lisa lors de sa visite se sont donc concrétisées ?

 

Au Libéria, les équipes d’ACF ont tenté d’anticiper au maximum les problématiques liées à la fois aux facteurs conjoncturels (la crise ivoirienne) et aux facteurs structurels (climat, vulnérabilité des populations…). Elles étaient opérationnelles dés les mois de novembre et décembre dans le Nimba, lors des premières arrivées d’ivoiriens fuyant leur pays.

Elles ont conduit plusieurs études qui ont permis d’évaluer les priorités d’intervention et d’intensifier certains programmes, notamment en eau et assainissement, pour apporter une réponse cohérente à la crise.

Nos équipes ont cependant encore des sources d’inquiétudes : la saison des pluies, qui rend l’accès aux communautés très difficile, voire impossible par endroits, favorise les épidémies liées aux mauvaises conditions d’hygiène et la promiscuité et incite les équipes d’ACF à rester très vigilantes.

 

De nombreux témoignages laissent entendre que des réfugiés continuent d’arriver notamment dans le sud du Nimba et dans le Grand Gedeh, au sud. J’ai croisé de nombreuses familles, effrayées, récemment arrivées après avoir été cachées dans le bush pendant des semaines dans des conditions dramatiques. Tout ceci laisse présager un difficile retour à la stabilité dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.

 

La pression démographique dans ces régions très fragiles, dont les stocks de nourritures et les semences sont épuisés à l’approche de la période de soudure, la saison des pluies et le climat de peur qui règne au sein des communautés ivoiriennes sont autant de signaux d’alerte pour les équipes d’ACF.

 

Pour toute question à Lisa Rudge, Référente en eau, assainissement et hygiène et Patrick Andrey, Responsable géographique pour le Libéria, contacter Julia Belusa 01.43.35.82.22 / jbelusa@actioncontrelafaim.org.
Ou Urgences et jours fériés : 06.70.01.58.43

 

 

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